Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... et son épouse, Mme D... C..., ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 12 mars 2021 par lesquels le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un certificat de résidence algérien, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2102491-2102492 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Paquet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés préfectoraux ;
2°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de leur délivrer dans un délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;
3°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Drôme de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de leur situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à leur conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
Sur la légalité du refus d'admission au séjour :
- les décisions sont entachées d'un défaut d'examen complet de leur situation personnelle et familiale et d'une erreur d'appréciation des faits ; le préfet n'a pas tenu compte de l'intérêt supérieur des enfants et ne s'est pas prononcé au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
- le préfet aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation en leur délivrant des certificats de résidence algériens ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues, eu égard à la situation de leur fille A... ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
Par un mémoire enregistré le 27 juillet 2022, la préfète de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Elle expose qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants algériens nés respectivement en 1968 et 1986, ont déclaré être entrés en France le 16 août 2015, munis de visas espagnols, accompagnés de deux enfants de M. B... nés d'une précédente union. Le 15 octobre 2015, ils ont sollicité l'asile. Le 30 novembre 2016, un enfant porteur d'une trisomie 21 est né à Valence de leur union. Le 19 décembre 2016, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté leur demande d'asile, décision confirmée le 29 mars 2017 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 27 avril 2017, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade. Le 5 mars 2018, ils ont fait l'objet de deux arrêtés portant refus de séjour, assortis d'obligations de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Grenoble le 21 juin 2018 puis par la cour administrative d'appel de Lyon le 3 décembre 2018. Le 15 septembre 2020, ils ont sollicité auprès de la préfecture de la Drôme la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6 paragraphe 5 de l'accord franco-algérien susvisé. Par deux arrêtés du 12 mars 2021, le préfet de la Drôme a rejeté leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité des refus d'admission au séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Pour refuser de délivrer à M. et Mme B... les certificats de résidence portant la mention " vie privée et familiale " qu'ils ont sollicités le 15 septembre 2020 sur le fondement des stipulations précitées de l'article 6 5) de l'accord franco-algérien susvisé, le préfet de la Drôme s'est fondé sur la date déclarée de leur entrée sur le territoire français et la circonstance que, suite au rejet de leur demande respective d'admission au bénéfice de l'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile et à l'avis émis par l'Office français de l'immigration et de l'intégration relatif à la demande étranger malade formulée pour leur enfant A..., le préfet de la Drôme, par arrêtés du 5 mars 2018 régulièrement notifiés, a refusé de les admettre au séjour et décidé leur éloignement, décisions confirmées par le tribunal administratif de Grenoble et la Cour administrative d'appel de Lyon, que la durée de leur séjour sur le territoire français dont ils se prévalent n'est pas établie et résulte de leur maintien en situation irrégulière en France en dépit de la mesure d'éloignement dont ils ont fait l'objet, qu'ils ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier d'un certificat de résidence algérien en application des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, dès lors qu'ils ne justifient pas de liens familiaux en France autres que leur cellule familiale, qu'ils ne démontrent pas une insertion stable intense et ancienne sur le territoire français, qu'ils n'établissent pas ne pouvoir reconstituer hors de France, dans leur pays d'origine, où ils ont vécu la majeure partie de leur existence et n'établissent pas être dépourvus de toute attache, où la scolarisation de leurs enfants pourra être poursuivie. S'agissant de M. B..., l'arrêté préfectoral contesté le concernant, précise également que faute de pouvoir présenter un visa D portant la mention " salarié " et un contrat de travail validé par les services de la DIRECCTE, il ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 7 b) de l'accord susvisé. Par les décisions contestées, le préfet a également, après un examen attentif de l'ensemble de leur situation, estimé que celles-ci ne contrevenaient pas aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à l'intérêt des enfants, dès lors que rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale dans leur pays d'origine. Il ressort ainsi des pièces du dossier que le préfet n'a pas entaché ses décisions de refus d'admission au séjour de M. et Mme B... d'un défaut d'examen complet de leur situation respective, ni d'une erreur d'appréciation des faits, ayant notamment et contrairement à ce qui est soutenu en appel, apprécié l'incidence de ses décisions au regard de l'intérêt supérieur des enfants des requérants.
6. Il ressort des pièces du dossier que pour l'ensemble de ces motifs, le préfet de la Drôme était fondé à refuser de leur délivrer un certificat de résidence algérien dès lors qu'ils ne remplissaient pas les conditions prévues à l'article 6-5 de l'accord franco-algérien pour en bénéficier de plein droit.
7. Si les requérants se prévalent de l'état de santé de leur fille née en 2016 en France, suivie médicalement depuis sa naissance, il ressort des pièces du dossier que par un avis du 20 février 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a considéré que si l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier en Algérie d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Il ressort également des pièces du dossier que l'OFII a estimé qu'au vu des éléments du dossier à la date de l'avis, l'état de santé de A... lui permettait de voyager sans risque. Or, les requérants, s'ils établissent que l'enfant est toujours suivie médicalement en France, ne soutiennent pas que l'évolution de son état de santé, à la date des arrêtés attaqués, remettrait en cause le sens de l'avis précité de l'OFII. En outre, s'ils se prévalent de la scolarisation en France des deux enfants de M. B..., nés en 2004 et 2007 d'une précédente union, ils ne font état d'aucune circonstance s'opposant à la poursuite de leur scolarité en Algérie. En se bornant à invoquer leur engagement au sein d'une association de solidarité, ils ne démontrent pas une insertion d'une particulière intensité à la société française. Si M. B... produit également une promesse d'embauche de septembre 2020 en qualité de coiffeur, ainsi qu'un contrat à durée indéterminée à mi-temps pour ce même emploi, postérieur à la décision attaquée, rien ne s'oppose à ce qu'il exerce cette profession dans son pays d'origine. Ainsi, M. et Mme B..., qui ont vécu en Algérie respectivement jusqu'à l'âge de quarante-sept et de vingt-neuf ans, n'établissent pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer hors de France ni être dépourvus d'attache dans leur pays d'origine. Dès lors, eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour sur le territoire français, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, par les décisions attaquées, le préfet aurait porté à leur droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Drôme aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'intérêt supérieur des enfants au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. En l'absence de circonstance humanitaire ou de motif exceptionnel, le préfet de la Drôme, en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation, n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle respective de M. et Mme B....
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et pays de destination :
9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions de refus d'admission au séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
10. Les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents.
11. Il n'est pas établi que la fille des requérants ne pourra pas effectivement bénéficier dans leur pays d'origine de la prise en charge médicale dont elle a besoin, dès lors, le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués méconnaitraient les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, ne peut être retenu.
12. Si M. et Mme B... soutiennent que les décisions attaquées portent atteinte à l'intérêt supérieur de leurs enfants, il résulte de ce qui a été dit précédemment que rien ne s'oppose à ce que, d'une part, les deux fils de M. B... poursuivent leur scolarité en Algérie et à ce que, d'autre part, leur fille voyage en Algérie. En outre, les décisions attaquées n'ont pas pour effet de séparer les requérants de leurs enfants. Par suite, les stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'ont pas été méconnues.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et Mme D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.
La rapporteure,
E. Conesa-Terrade
Le président,
F. Pourny La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03474