La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2022 | FRANCE | N°21LY00654

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 08 novembre 2022, 21LY00654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 2 avril 2019 par lesquelles la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a procédé au retrait de subventions de 28 368 euros et 3 535 euros, ainsi que le titre de recettes émis le 3 juin 2019 pour un montant de 28 368 euros et de la décharger de l'obligation de payer ces sommes.

Par un jugement n° 1903455 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 février 2021, Mme C..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 2 avril 2019 par lesquelles la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a procédé au retrait de subventions de 28 368 euros et 3 535 euros, ainsi que le titre de recettes émis le 3 juin 2019 pour un montant de 28 368 euros et de la décharger de l'obligation de payer ces sommes.

Par un jugement n° 1903455 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 février 2021, Mme C..., représentée par Me Ballorin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 janvier 2021 ;

2°) d'annuler les décisions de la directrice générale de l'ANAH du 2 avril 2019 et les titres de recette émis les 3 et 18 juin 2019 respectivement pour des montant de 28 368 euros et 3 535 euros et de la décharger de l'obligation de payer ces sommes ;

3°) de mettre à la charge de l'Agence nationale de l'habitat une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions du 2 avril 2019 n'ont pas été précédées d'une procédure contradictoire préalable et sont signées par une autorité incompétente ;

- les décisions du 2 avril 2019 et le titre de recette du 3 juin 2019 sont insuffisamment motivés ;

- les décisions de retrait de subvention sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la vente du bien au titre duquel les subventions ont été versées est justifiée par un motif d'ordre familial et non par une intention spéculative et qu'elle ne saurait être seule redevable du reversement des sommes en cause ;

- le titre de recette du 3 juin 2019 doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation des décisions du 2 avril 2019.

Par un mémoire enregistré le 16 juin 2022, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), représentée par Me Pouilhe, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est tardive et les conclusions dirigées contre le titre de recette émis le 18 juin 2019 sont nouvelles en appel, et, par suite, irrecevables ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret n° 2013-610 du 10 juillet 2013 ;

- l'arrêté du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 août 2013, Mme C... et M. B... ont déposé, auprès de la délégation locale de la Côte-d'Or de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), une demande de subvention en vue de la réalisation de travaux d'économie d'énergie dans le logement dont ils étaient propriétaires au ... à Dijon. Par des courriers du 11 octobre 2013, ils se sont vus signifier l'octroi d'une subvention estimée à 30 000 euros, ainsi qu'une aide financière complémentaire de 3 500 euros dans le cadre du programme " Habiter mieux " au titre du fonds d'aide à la rénovation thermique. Un acompte de 21 000 euros leur a été versé le 30 octobre 2013. Après une demande en ce sens, ils ont bénéficié, le 1er avril 2014, du versement d'un solde de 10 588 euros. Par deux décisions du 2 avril 2019, la directrice générale de l'ANAH a décidé le retrait de la subvention et le reversement par les intéressés des sommes de 28 368 euros et 3 535 euros, après application d'un coefficient de majoration. Des titres de reversement ont été émis les 3 juin 2019 et 18 juin 2019 pour des montants respectifs de 28 368 euros et 3 535 euros. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 2 avril 2019 et du titre de reversement du 3 juin 2019, ainsi que la décharge des sommes correspondantes. Elle demande en outre l'annulation du titre de recettes émis le 18 juin 2019.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le titre de recettes du 18 juin 2019 :

2. Ainsi que le soutient l'ANAH en défense, les conclusions dirigées contre le titre de recettes du 18 juin 2019, nouvelles en appel, sont irrecevables pour ce motif et doivent être rejetées comme telles.

Sur la légalité des autres décisions :

En ce qui concerne les décisions de reversement du 2 avril 2019 :

3. En premier lieu, à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions de reversement du 2 avril 2019, Mme C... soulève les mêmes moyens que ceux soulevés devant le tribunal administratif, tirés de ce que ces décisions n'ont pas été précédées d'une procédure contradictoire préalable et ont été signées par une autorité incompétente. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, les décisions du 2 avril 2019 mentionnent qu'elles sont prises sur le fondement de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation, du règlement général de l'ANAH et en particulier de ses articles 21 et 22 et son annexe 3, visent les engagements souscrits par les bénéficiaires en signant le formulaire de dépôt de leur demande, notamment l'occupation du bien pendant six années à compter de la date de déclaration d'achèvement des travaux, ainsi que la décision d'octroi des subventions du 11 octobre 2013, qui leur rappelle ces engagements et que tout changement dans les conditions d'occupation du logement devra être immédiatement porté à la connaissance de l'ANAH. Les décisions en cause visent également l'absence de réponse au courrier de contrôle en date du 31 janvier 2018 et le courrier d'information du 29 mai 2018, adressé dans le cadre de la procédure contradictoire, ainsi que la réponse apportée à ce courrier. Elle indique que le retrait de la subvention et son reversement sont décidés au motif que " les engagements de soumission aux contrôles de l'agence, dans les délais impartis mentionnés à l'article 17 du règlement général de l'agence et repris dans le formulaire de demande de subvention signé par les bénéficiaires, n'ont pas été respectés ". Le courrier indique enfin qu'une fiche de calcul est annexée. La décision attaquée comporte ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, et est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 321-12 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable au litige : " I.- L'agence peut accorder des subventions : (...) 2° Aux propriétaires ou à tout autre titulaire d'un droit réel conférant l'usage des locaux pour les logements qu'ils occupent eux-mêmes dans les conditions prévues à l'article R. 321-20 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 321-20 du même code : " I.- Pour les opérations et bénéficiaires mentionnés aux I et II de l'article R. 321-12, les locaux pour lesquels la subvention est accordée doivent être occupés pendant une durée et selon des critères déterminés par le règlement général de l'agence. (...) / Tout changement d'occupation ou d'utilisation ou toute mutation de propriété des logements (...) intervenant pendant la période mentionnée au premier alinéa doit être déclaré par le bénéficiaire de la subvention au délégué de l'agence dans le département ou au délégataire de compétence dans un délai de deux mois suivant l'événement. En outre, à l'occasion d'une mutation de propriété, les cédants, les donataires ou leurs ayants droit sont tenus d'informer le notaire de l'octroi de la subvention. (...) / III.- Le règlement général de l'agence précise les modalités selon lesquelles les bénéficiaires de la subvention justifient que les locaux sont occupés ou utilisés conformément aux dispositions de la présente section. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 321-21 de ce code : " I. - En ce qui concerne les aides versées par l'agence : (...) Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, ou de toute autre convention liée au bénéfice des aides de l'agence, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 15-D du règlement général de l'ANAH annexé à l'arrêté du 1er août 2014 visé ci-dessus : " Les logements doivent être occupés dans le délai maximum d'un an qui suit la date de déclaration d'achèvement des travaux. Les logements pour lesquels la subvention est accordée doivent être occupés pendant une durée de six ans. Le délégué de l'agence dans le département ou le délégataire peut autoriser, avec maintien de la subvention, que le logement ne soit pas occupé lorsque les bénéficiaires de la subvention invoquent des motifs d'ordre médical, familial ou professionnel. L'autorisation peut être conditionnée à l'obligation de louer le logement à titre de résidence principale avec, le cas échéant, des engagements de location spécifique. ". Aux termes de l'article 16 du même règlement : " Pendant la période d'occupation des locaux subventionnés, le bénéficiaire de la subvention doit pouvoir justifier que le logement ayant fait l'objet de la subvention est régulièrement occupé et que les engagements souscrits sont respectés, en particulier dans le cas où un contrôle serait effectué dans le cadre des dispositions de l'article 17 du présent règlement. / Conformément aux dispositions de l'article R. 321-20 du CCH, le bénéficiaire de la subvention ou, le cas échéant, ses ayants droit doivent déclarer, dans un délai de deux mois suivant l'événement, au délégué de l'agence dans le département ou au délégataire, tout changement d'occupation, d'utilisation des logements ou toute mutation de propriété intervenant pendant la période mentionnée à l'article 15 du présent règlement. ". Aux termes de l'article 17 de ce règlement : " Contrôle / La mention de se soumettre au contrôle de l'agence ou du délégataire et les conditions de communication des justificatifs et documents font l'objet d'un engagement particulier souscrit par le bénéficiaire de l'aide. / Article 17-A Contrôle sur pièces / Le directeur général de l'agence, le délégué de l'agence dans le département ou le délégataire peut demander au bénéficiaire de la subvention ou à son mandataire communication des baux en cours, quittances ou tout autre élément de preuve qui justifient une occupation ou une utilisation du logement conforme aux engagements qu'il a souscrits. (...) ".

7. En l'espèce, dans leur demande de subvention signée le 16 juillet 2013, Mme C... et M. B... se sont engagés à occuper le logement admis au bénéfice de l'aide à titre de résidence principale pendant une durée minimale de six ans au plus tard dans le délai d'un an après la date de réception par la délégation de l'ANAH des pièces justifiant l'exécution des travaux, à " aviser l'ANAH par écrit, après le dépôt du dossier et jusqu'au terme des engagements d'occupation indiqués ci-dessus de toutes modifications qui pourraient être apportées au droit de propriété et aux conditions d'occupation du logement subventionné " et à " reverser à l'ANAH, en cas de non-respect des engagements ci-dessus, le montant des subventions reçues ", conformément aux dispositions rappelées ci-dessus. Les travaux ont été déclarés achevés le 18 mars 2014. Il est constant que le courrier de l'ANAH du 31 janvier 2018 de " contrôle des engagements d'occupation " lui est revenu avec la mention d'un destinataire inconnu à l'adresse de versement de la subvention. Mme C... ne conteste pas qu'à cette date, M. B... et elle-même avaient cessé d'occuper le bien à titre de résidence principale et qu'ils n'en ont pas informé l'ANAH dans un délai de deux mois à compter de ce changement dans les conditions d'occupation. Ils n'ont par ailleurs apporté aucune explication sur ce point à l'occasion de la procédure contradictoire. Dans ces conditions, la directrice de l'ANAH a pu légalement et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation décider le reversement des subventions perçues par Mme C... et M. B... au motif qu'ils n'avaient pas respectés leur engagement de soumission aux contrôles de l'agence. Compte tenu du motif de la décision, les circonstances qu'un motif d'ordre familial, dont la requérante ne justifie au demeurant pas plus en appel qu'en première instance, justifierait ce changement dans les conditions d'occupation du bien, ou encore que les travaux auraient été réalisés sur le bien immobilier, sont sans incidence sur la légalité des décisions en litige.

En ce qui concerne le titre de recettes du 3 juin 2019 :

8. A l'appui de ses conclusions dirigées contre le titre exécutoire en date du 3 juin 2019, Mme C... soulève les mêmes moyens que ceux présentés en première instance et tirés du défaut de motivation de ce titre et de son illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de retrait et de reversement. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges.

9. Mme C... soutient également qu'elle ne saurait être redevable seule de la totalité des sommes allouées par l'ANAH, dès lors que le bénéfice de la subvention a également été accordé à M. B.... Toutefois, les décisions de retrait des subventions et de reversement mentionnent les deux bénéficiaires et il résulte également du libellé du titre de recette du 3 juin 2019 qu'il a été émis tant à l'encontre de M. B... que de Mme C.... Dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit ci-avant qu'ils se sont solidairement engagés vis-à-vis de l'ANAH à respecter un certain nombre de conditions, dont celle, méconnue, de l'informer, le cas échéant, de tout changement dans les conditions d'occupation du bien pour lequel ils ont bénéficié de l'octroi des subventions en cause, l'ANAH était fondée à émettre un titre exécutoire tant à l'égard de M. B... que de Mme C....

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de Mme C... en première instance, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ANAH, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ANAH dans l'instance et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera la somme de 1 500 euros à l'ANAH au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à l'Agence nationale de l'habitat.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

M. François Bodin-Hulin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

C. Vinet

La présidente,

M. D...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00654
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-03-03-01 Logement. - Aides financières au logement. - Amélioration de l'habitat. - Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : POUILHE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-08;21ly00654 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award