Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. K... D..., Mme B... D..., la SCI Bois Landoz, le GFA Bois Landoz, Mme I... D..., M. F... J..., M. A... J..., M. C... E..., Mme M... G..., M. H... G... et la SCI Les Reynières ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 mai 2019 par lequel le préfet de l'Ain a accordé à la société Gaz de Veyle un permis de construire, ainsi que l'arrêté du 14 septembre 2020 accordant un permis de construire modificatif, pour la réalisation d'une unité de méthanisation et d'un hangar de stockage doté d'un toit photovoltaïque sur le territoire de la commune de Chalamont.
Par jugement n° 1905519 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur requête.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 janvier 2021, 5 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 17 janvier 2022 et non communiqué, M. K... D..., Mme B... D..., la SCI Bois Landoz, le GFA Bois Landoz, Mme I... D..., M. F... J..., M. A... J..., M. C... E..., représentés par Me Soleilhac, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 mai 2019 par lequel le préfet de l'Ain a accordé à la société Gaz de Veyle un permis de construire, ainsi que l'arrêté du 14 septembre 2020 accordant un permis de construire modificatif, pour la réalisation d'une unité de méthanisation et d'un hangar de stockage doté d'un toit photovoltaïque sur le territoire de la commune de Chalamont ;
3°) de mettre à la charge la société Gaz de Veyle et de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le projet en litige méconnaît les dispositions des articles L. 414-4 du code de l'environnement et R. 431-16 du code de l'urbanisme dès lors que le projet autorisé est susceptible d'affecter de manière significative les sites voisins classés Natura 2000 ; l'évaluation d'incidence simplifiée réalisée en janvier 2020 à l'initiative du pétitionnaire ne peut régulariser l'illégalité du permis délivré ;
- le permis de construire a été délivré sur la base d'informations erronées quant à la présence d'une zone Natura 2000 sur le terrain d'assiette du projet ; le préfet n'a pas été destinataire de l'étude d'incidence réalisée et n'a pas pu apprécier les potentielles incidences du projet sur les espèces des sites classés aux alentours et notamment le ZPS " La Dombes " ;
- les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sont méconnues par le projet en litige ;
- le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article A 11 du plan local d'urbanisme de la commune de Chalamont et celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés les 6 avril 2021 et 8 décembre 2021, la société Gaz de Veyle représentée par Me Gandet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des appelants le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir des différents requérants à l'encontre des permis en litige ;
- subsidiairement, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête en renvoyant à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 4 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Fromont substituant Me Soleilhac, représentant M. D... et autres et de Me Gandet et Me Delmotte pour la société Gaz de Veyle.
Une note en délibéré présentée pour M. D... et autres a été enregistrée le 20 octobre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêtés du 10 mai 2019 et du 14 septembre 2020, le préfet de l'Ain a accordé à la société Gaz de Veyle un permis de construire et un permis de construire modificatif portant sur la réalisation d'une unité de méthanisation et d'un hangar de stockage doté d'un toit photovoltaïque pour une surface de plancher créée de 1 948 m². M. D... et autres relèvent appel du jugement du 24 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : (...) c) Le dossier d'évaluation des incidences du projet sur un site Natura 2000 prévu à l'article R. 414-23 du code de l'environnement, dans le cas où le projet doit faire l'objet d'une telle évaluation en application de l'article L. 414-4 de ce code. ". Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : (...) 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; (...). ".
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment des dossiers de demande de permis de construire initial et modificatif que le projet est enclavé au sein de deux zones Natura 2000, la zone de protection spéciale directives Oiseaux FR8212016 " La Dombes " et la zone spéciale de conservation directive habitats FR8201635 " La Dombes " dans un périmètre de 160 à 300 mètres. Par ailleurs, se trouvent également à proximité, dans un périmètre de 280 à 630 mètres du terrain d'assiette du projet une zone ZICO (zone importante pour la conservation des oiseaux), une ZNIEFF (zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique) de type 2 et la ZNIEFF de type 1 dite " des étangs des Dombes ".
4. D'une part, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'étude d'incidence Natura 2000 simplifiée produite par la société pétitionnaire à l'appui du dossier de demande de permis modificatif, précise uniquement que " certains îlots de cultures concernés par le plan d'épandage sont situés au sein du site Natura 2000 " La Dombes ", et il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de construction serait lui-même situé en zone Natura 2000. Cette même évaluation d'incidence a par ailleurs relevé des interactions peu probables entre le projet en litige et les zones Natura 2000 situées à proximité, compte tenu du respect des distances règlementaires concernant le milieu aquatique, le méthaniseur étant situé à une distance supérieure à 35 mètres. De plus, les zones humides inventoriées ont été prises en compte dans le calcul des périmètres épandables et les habitats concernés par le projet, entouré de prairies naturelles ou cultivées majoritairement, ne sont pas des habitats d'intérêt communautaire et ne constituent pas des habitats importants pour la faune et la flore d'intérêt communautaire. Si les requérants entendent, par un faisceau d'indices, soutenir que le projet en litige est susceptible d'affecter de manière significative les sites Natura 2000 situés à proximité, le caractère sensible de ces zones, l'objet et l'importance du projet en litige ne peuvent toutefois caractériser à eux seuls une telle possibilité. Par ailleurs, le rapport d'étude d'une société de conseil produit par les requérants quant à l'incidence du projet sur l'environnement immédiat ne peut, compte tenu des erreurs de données qu'il comporte selon le rapport de la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire produit en appel, démontrer l'existence d'une zone humide sur le terrain d'assiette du projet ni même l'existence d'un ruisseau à proximité immédiate de ce dernier. A cet égard, il ressort de l'étude de la chambre d'agriculture, postérieur aux arrêtés en litige mais qui révèle une situation de fait existante à la date de ces arrêtés, que le fossé en cause ne peut, après étude sur place, être qualifié de cours d'eau au sens de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement.
5. D'autre part, l'étude d'incidence simplifiée produite par le pétitionnaire démontre, sans être sérieusement contestée, que le projet en litige n'aura pas d'incidence ou une incidence non significative sur les espèces protégées, notamment pour quatre espèces d'oiseaux, compte tenu de leur habitat et de leur aire de développement.
6. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet en litige serait susceptible d'emporter des atteintes significatives aux zones Natura 2000 et aux autres zones de protection situées à proximité et d'en déduire que le dossier de demande de permis devait comprendre une étude d'incidence au sens du code de l'environnement. Par ailleurs, et pour les mêmes motifs, ils ne sont pas fondés à soutenir que les permis de construire en litige ont été délivrés sur la base d'informations erronées quant à la présence d'une zone Natura 2000 sur le terrain d'assiette du projet et que le préfet n'a pas pu apprécier les incidences potentielles du projet sur les espèces des sites classés aux alentours et notamment la ZPS " La Dombes ".
7. En deuxième lieu, en l'absence d'éléments nouveaux en appel le moyen tiré de ce que les permis de construire en litige seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article A2 du plan local d'urbanisme de Chalamont relatif aux autorisations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières : " En zone A sont autorisées, sous réserve qu'ils ne portent pas atteinte aux sites Natura 2000 : / - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole. (...) ". Aux termes de l'article A 11 de ce plan local d'urbanisme et relatif à l'aspect extérieur : " 1. Dispositions applicables aux habitations (...) / 2. Dispositions applicables aux constructions agricoles. / (...) / b) / mouvements de sols : Les affouillements et exhaussements du sol sont autorisés à condition qu'ils soient nécessaires à l'activité agricole. (...). / Pour les équipements publics, construction d'intérêt collectif et ouvrages nécessaires au fonctionnement des services publics susceptibles de s'implanter en zone agricole, les toitures et plus généralement les dispositions sur l'aspect extérieur des ouvrages ne sont pas règlementées. ". Selon le lexique de ce plan, la catégorie des constructions et installations nécessaires aux services publics et d'intérêt collectif recouvre notamment la catégorie des " constructions et installations techniques nécessaires au fonctionnement des réseaux (transports, postes, fluides, énergie, télécommunication...) et aux services urbains ".
9. S'il ressort des pièces du dossier que des affouillements de 1,52 mètres sur un diamètre de 34 mètres s'agissant des planchers des digesteurs et de 2,52 mètres sur un même diamètre pour le plancher de la fosse de stockage sont prévus pour la réalisation du projet, les dispositions précitées du 2) de l'article A 11 sont sans application pour les affouillements destinés à mettre en œuvre le projet de construction de cette unité de méthanisation. En tout état de cause, cette unité, qui est exploitée par des travailleurs agricoles et fonctionne avec des intrants en provenance directe d'exploitations agricoles, est, non un équipement public, mais une construction nécessaire à l'activité agricole au sens des dispositions précitées et, si les requérants soutiennent à bon droit que les objectifs d'optimisation de l'intégration paysagère des ouvrages ou de respect des hauteurs maximales des constructions fixées à l'article UA 10 ne peuvent justifier ces affouillements, il ressort des pièces du dossier que ces derniers sont nécessaires à cette activité agricole au sens des dispositions précitées de l'article A 11.2, au regard de l'objet du projet, en ce qu'ils permettent la mise hors-gel des radiers des ouvrages bétons et une meilleure efficacité énergétique pour les cuves, sans que les données avancées par les requérants concernant la détermination de la profondeur des fondations pour la mise hors gel puissent être utilement retenues compte tenu de la spécificité de la construction en litige. Il suit de là que le 2 de l'article UA 11 du règlement du PLU n'est pas méconnu.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
11. Si le site d'implantation est constitué de vastes étendues agricoles et naturelles et présente un intérêt particulier en raison de l'existence de zones à protéger ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne résulte pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que les affouillements, destinés à accueillir les fondations des ouvrages nécessaires au méthaniseur et ayant vocation pour le surplus à être remblayés, seraient de nature à porter atteinte à ce site. Il suit de là qu'ils ne sont pas fondés à soutenir, qu'en raison de ces affouillements, les arrêtés de permis de construire en litige seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L .110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement. ". Ces dispositions ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.
13. Pour les motifs cités aux points 3 à 5 du présent arrêt, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet en litige serait situé sur un terrain d'assiette compris dans une zone Natura 2000 ou une zone humide ni que le fossé situé à proximité constituerait un cours d'eau au sens du code de l'environnement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les différents " silos couloirs " prévus par le projet en litige seront parallèles au fossé situé à proximité et séparés d'un mur de béton d'une hauteur de trois mètres puis par plusieurs mètres de terrain, perméables faute de construction et d'imperméabilisation du sol. Enfin, le permis modificatif délivré à la société pétitionnaire a prévu un système de collecte des jus de silos et des eaux souillées de la plateforme et notamment la mise en place d'avaloirs sur la dalle béton avec des pentes permettant de récupérer ces eaux, qui seront envoyées dans le pré-fossé et traitées par l'unité de méthanisation. Compte tenu de ces éléments, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les permis en litige seraient entachés d'illégalité en l'absence de prescriptions particulières au sens des dispositions précitées de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme.
14. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt à agir des requérants ni même d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, que M. D... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 10 mai 2019 et du 14 septembre 2020 du préfet de l'Ain. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. D... et autres le versement à la société Gaz de Veyle de la somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et autres est rejetée.
Article 2 : M. D... et autres verseront à la société Gaz de Veyle la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. K... D..., représentant unique en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Gaz de Veyle et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.
La rapporteure,
C. Burnichon La présidente,
M. L...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00209