Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2012.
Par un jugement n° 1808909 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, déchargé M. A... C..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2009, dans un article 2, réduit la base imposable à l'impôt sur le revenu de M. A... C... au titre de l'année 2010 d'un montant de 207 185 euros, dans un article 3, déchargé M. A... C..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à concurrence de la réduction de la base imposable prononcée à l'article 2 et, dans un article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour
I. Par une requête et trois mémoires, enregistrés sous le n°20LY02679 les 10 septembre 2020, 5 mai 2021, 17 septembre 2021 et 8 février 2022 (non communiqué), M. A... C..., représenté par la SELAS De Gaulle Fleurance et associés, agissant par Me Ladreyt, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2020 et lui accorder la décharge des suppléments restant en litige pour les années 2010, 2011 et 2012 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 23 878,33 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a retenu le moyen tiré de la prescription du délai de reprise s'agissant des rectifications consécutives à la mise en œuvre de la procédure d'assistance administrative internationale pour les années 2009 et 2010 ; l'administration ne peut se prévaloir de l'extension du délai de reprise de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales pour ces années dès lors qu'elle ne l'a pas informé de l'existence des réponses adressées par les autorités fiscales luxembourgeoises ;
- l'administration ne peut se prévaloir du délai spécial de reprise en application des articles 1649 A du code général des impôts et de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dès lors qu'il a déclaré en 2009 le compte qu'il détenait en Suisse et que le compte luxembourgeois auquel se réfère l'administration est au nom de la société Holdem ; l'administration méconnaît le principe de loyauté et le prive d'une garantie en évoquant pour la première fois dans la présente instance ce délai spécial de reprise pour l'année 2010 ;
- la qualification d'abus de droit constituée par l'interposition de la société luxembourgeoise Holdem entre la société Fidem et les associés de la société Holdem n'est pas fondée ; les éléments relevés par l'administration ne permettent pas de caractériser l'absence de substance économique de la société Holdem qui, au regard de son activité, n'a pas besoin de personnel et de moyen matériel ou de locaux particuliers ; l'abus de droit n'est pas caractérisé dès lors que le service aurait dû tenir compte du prix de revient très important des titres de la société Fidem dû aux droits de succession importants dont il a dû s'acquitter à la suite du décès de son père en 2006 ; il avait la possibilité d'appréhender la trésorerie de la société Fidem sans fiscalité soit en cédant les titres de celle-ci à un tiers, soit en en se faisant racheter la totalité de ses titres par cette société suivi de leur annulation en application de l'article 161 du code général des impôts ; la réduction de capital de la société Holdem opérée le 27 décembre 2012 et celle opérée le 17 décembre 2015 lui a permis d'appréhender une somme de 356 410 euros et 2 851 280 euros en contrepartie de l'annulation de 90% des actions de la société Holdem ; la supposée absence de consistance économique de la société Holdem ne suffit pas en elle-même à établir l'abus de droit dès lors que la création de cette société ne lui a procuré aucun gain fiscal ; l'administration, qui ne conteste pas qu'il n'a perçu aucun revenu des sociétés Fidem ou Holdem sur l'ensemble des trois années vérifiées, impose un revenu fictif, qui n'a pas été effectivement perçu ; les dividendes litigieux ont été perçus par la société Holdem sans jamais être redistribués aux deux associés ; l'existence d'un abus de droit aurait pour seule conséquence la remise en cause du bénéfice du sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts dont a bénéficié la plus-value dégagée lors de l'apport des titres de la société Fidem à la société luxembourgeoise Holdem ;
- il a cessé d'être résident fiscal français à compter du 1er janvier 2010 au regard des critères de l'article 4 B du code général des impôts ; il a établi sa résidence en Suisse avec son épouse à la suite de leur mariage intervenu le 31 octobre 2009 où ils vivent avec leurs deux enfants ; il n'exerce aucune activité professionnelle en France ; il a financé son train de vie exclusivement grâce au portefeuille de valeurs mobilières qu'il détient directement en Suisse ; il détient un patrimoine important localisé en Suisse ; l'administration considère à tort que les dividendes perçus par la société Holdem constitueraient en réalité un revenu de source français perçu directement par lui et son frère en leur qualité d'associés de la société Holdem ;
- il est en tout état de cause résident fiscal suisse en application de la convention franco-suisse et de la tolérance administrative de 1972 référencée D. adm, 14 B-2211 paragraphe n°7 du 10 décembre 1972 qui s'applique jusqu'aux revenus de l'année 2012 incluse selon le BOI-INT-CVB-CHE-10-10 n°70 du 26 décembre 2012 dont il remplit les conditions ; l'administration et le tribunal lui ont à tort opposé l'absence de précision de l'attestation des autorités fiscales suisses du 27 juin 2014 dès lors que la présentation du formulaire d'attestation de résidence prévu à l'article 31 de la convention ne conditionne pas la détermination du pays de résidence du contribuable ;
- il conteste les autres rectifications résiduelles restant en litige afférentes aux crédits bancaires non justifiés et aux revenus de capitaux mobiliers en conséquence de sa contestation de la procédure d'abus de droit et de l'absence de domiciliation en France au cours des années 2010 à 2012.
Par deux mémoires, enregistrés les 25 mars 2021 et 7 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 10 janvier 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 10 février 2022.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n°20LY03081 les 26 octobre 2020 et 7 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler les articles 1er à 3 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2020 et de rétablir les impositions dégrevées en exécution du jugement à hauteur des sommes de 1 839 010 euros pour l'année 2009 et de 134 907 euros pour l'année 2010.
Il soutient que :
- le tribunal a retenu à tort le moyen tiré de la prescription du délai de reprise s'agissant des rectifications consécutives à la mise en œuvre de la procédure d'assistance administrative internationale pour les années 2009 et 2010 ; c'est à bon droit que le service a pu se prévaloir de l'extension du délai de reprise de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales alors même qu'il a informé le contribuable de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises dans les propositions de rectifications des 29 juillet et 19 décembre 2014 dès lors que les réponses obtenues les 18 février 2013 et 25 juin 2013 n'étaient pas complètes ; ces autorités n'avaient pas répondu à l'ensemble des questions listées dans le formulaire-type e-form " Request for exchange of information " pour les années 2009 à 2011 et la réponse concernant l'année 2012 est intervenue le 21 août 2015 ; au titre des dispositions précitées, seul compte une réponse complète et définitive des autorités fiscales étrangères ; la complétude des réponses apportées par les autorités fiscales luxembourgeoises ne peut s'apprécier a posteriori comme l'a fait le tribunal mais doit s'analyser au moment de leur réception par les autorités fiscales françaises ; l'administration a régulièrement informé le contribuable de la prorogation du délai de reprise ;
- le délai spécial de reprise de dix ans n'était pas davantage prescrit pour ces deux années au titre de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dès lors que M. C... n'avait pas respecté l'obligation déclarative prévu à l'article 1649 A du code général des impôts s'agissant de ses comptes ouverts et utilisés en Suisse et dont le solde était supérieur à 50 000 euros ;
- M. C... doit être regardé comme résident fiscal français au titre des années 2010 à 2012 en vertu du c) de l'article 4 B du code général des impôts ; il a tiré l'essentiel de ses ressources des dividendes servis par la société française Fidem à sa société-mère luxembourgeoise Holdem sous forme d'avances de trésorerie et de prêts ; il ne démontre aucun revenu émanant des actifs détenus en Suisse ;
- étant soumis à une imposition forfaitaire en Suisse, le contribuable ne peut se prévaloir des stipulations du b) du paragraphe 6 de l'article 4 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
- il lui appartient d'établir une double imposition en France et en Suisse des dividendes que l'administration entend imposer en France ;
- la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales est justifiée ; la société Holdem est dénuée de substance économique dès lors qu'elle ne détient que les participations de la SAS Fidem et aucun autre actif mobilier ou immobilier, a pour unique source de revenus les distributions provenant de la SAS Fidem, n'a comme seule activité que de faire fructifier sa trésorerie et les produits du placement des dividendes en provenance de la SAS Fidem, n'emploie aucun salarié, n'a aucun moyen matériel et se situe à une adresse de domiciliation ; la société Holdem ne constitue qu'un simple support juridique sans la moindre consistance économique, interposé de manière artificielle entre la société française et les actionnaires de la société luxembourgeoise, destiné uniquement à percevoir en franchise d'impôt les dividendes de sa filiale française pour les reverser immédiatement ou à terme à ses associés ;
- le litige ne porte pas sur la légitimité de la création de la société Holdem au Luxembourg via l'apport des titres de la société Fidem ; le contribuable ne peut soutenir que le montage en litige ne lui a procuré aucun gain fiscal dès lors qu'en intercalant abusivement une société sans substance économique, implantée à l'étranger, entre la société Fidem et le bénéficiaire réel des dividendes distribués, il a de fait échappé à toute fiscalisation de ces dividendes.
Par trois mémoires, enregistrés les 5 mai 2021, 17 septembre 2021 et 8 février 2022 (non communiqué), M. A... C..., représenté par la SELAS De Gaulle Fleurance et associés, agissant par Me Ladreyt, conclut au rejet de la requête, à la décharge de l'intégralité des impositions mises à sa charge en droits et pénalités et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 23 878,33 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 10 janvier 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 10 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me Ladreyt pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. La société civile Fidem est une société holding créée le 2 juin 1997 par M. B... C.... A la suite d'une donation du 23 novembre 2006, le capital de cette société, d'un montant de 3 061 528,47 euros divisé en 2 000 999 parts, était détenu par M. B... C... à hauteur de 1 998 998 parts en usufruit et une part en pleine propriété, et par ses deux fils, A... et D..., qui détenaient chacun la nue-propriété de 999 499 parts et la pleine propriété de 1 000 parts. A la suite du décès de M. B... C... le 6 décembre 2006, ses deux fils détenaient alors chacun la pleine propriété de 1 000 499 parts, la part restante de la société civile Fidem étant détenue par l'indivision. Cette société possédait des participations dans trois sociétés, la SARL JP2A, la SCI Le parc millésime et la SA Jardiland, ainsi que plusieurs biens immobiliers. Le 12 décembre 2008, MM. A... et D... C... ont créé la société de droit luxembourgeois Holdem, société holding qui a pour objet la prise de participations dans toutes sociétés, dont le capital de 31 000 euros est divisé en 3 100 actions de 10 euros réparties à parts égales entre ses deux associés qui sont également les deux administrateurs de cette société. Le 31 mars 2009, les deux frères ont apporté à la société Holdem l'intégralité des parts qu'ils détenaient dans la société Fidem, laquelle a été transformée le 24 février 2009 en société par actions simplifiée, pour une valeur de 7 097 200 euros, le capital de la société luxembourgeoise étant ainsi porté à 7 128 200 euros. Au cours des années 2009 à 2011, la société Fidem a distribué des dividendes à la société Holdem à hauteur respectivement de 3 501 749 euros, 414 371 euros et 2 165 049,23 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces pour l'année 2009 et d'un examen de situation fiscale personnelle portant sur les années 2010, 2011 et 2012 de M. et Mme A... C..., l'administration a considéré que M. et Mme C... devaient être regardés comme résidants fiscaux français au titre des années vérifiées et elle a estimé, dans le cadre de la procédure d'abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, que les dividendes servis au titre des années 2009 à 2011 par la société française Fidem à sa société-mère luxembourgeoise Holdem, laquelle était dépourvue de substance économique réelle, devaient être soumis directement à l'impôt sur le revenu au nom de M. A... C..., associé à 50 % de la société Holdem, à hauteur de ses droits dans cette société. M. et Mme A... C... ont été également imposés d'office sur des revenus de capitaux mobiliers et des crédits bancaires non déterminés à l'issue du contrôle en application des articles L. 66 et L. 67 du livre des procédures fiscales. Le comité de l'abus de droit fiscal a validé la mise en œuvre de la procédure d'abus de droit par l'administration dans un avis du 22 mars 2017. M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il reste assujetti au titre des années 2009 à 2012.
2. Par un jugement n° 180809 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, déchargé M. A... C..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2009, dans un article 2, réduit la base imposable à l'impôt sur le revenu de M. A... C... au titre de l'année 2010 d'un montant de 207 185 euros, dans un article 3, déchargé M. A... C..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à concurrence de la réduction de la base imposable prononcée à l'article 2 et, dans un article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par une requête n°20LY03081, le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel des articles 1er à 3 de ce jugement tandis que, par une requête n°20LY02679, M. A... C... relève appel de l'article 4 du même jugement.
Sur la jonction :
3. Il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt les deux requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne l'application du délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales (années 2009 et 2010) :
4. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Aux termes de l'article L. 189 de ce livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 188 A du même livre, dans sa rédaction alors en vigueur applicable aux demandes formulées dans les délais de reprise avant le 8 décembre 2013 : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant soit les relations d'un contribuable qui entrent dans les prévisions des articles 57 ou 209 B du code général des impôts avec une entreprise ou une entité juridique exploitant une activité ou établi dans cet Etat ou ce territoire, soit les biens, les avoirs ou les revenus dont un contribuable a pu disposer hors de France ou les activités qu'il a pu y exercer, soit ces deux catégories de renseignements, les omissions ou insuffisances d'imposition y afférentes peuvent être réparées, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réponse à la demande et au plus tard jusqu'à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Le présent article s'applique sous réserve des dispositions de l'article L. 186 et dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements, au moment où celle-ci a été formulée, ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire au moment où cette réponse est parvenue à l'administration. " Il résulte de ces dispositions que, pour prolonger le délai de reprise, l'administration fiscale doit effectuer la demande d'information avant l'expiration de celui-ci. La prolongation du délai de reprise prévue par ces dispositions est acquise à la date d'envoi de la demande de renseignements et non à la date à laquelle information de cet envoi est donnée au contribuable. Si l'administration est tenue, à peine de nullité de la procédure, d'informer le contribuable, dans un délai raisonnable, qu'elle a effectué une telle demande et qu'elle a reçu une réponse, fût-elle incomplète, des autorités compétentes de l'autre État, il ne résulte pas de ces dispositions que cette information doit être faite simultanément à la demande ou à réception de la réponse ou même avant l'expiration du délai de reprise initial. Aux termes de l'article L. 188 A du même livre, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013, applicable aux demandes formulées dans les délais de reprise venant à expiration à compter du 8 décembre 2013 : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. Le présent article s'applique dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l'administration. "
6. Il résulte de l'instruction que, s'agissant des années 2009 et 2010 en litige, le délai de reprise visé à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales expirait respectivement le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013. L'administration a, par courrier du 18 décembre 2012, intervenu dans le délai de reprise, adressé une demande d'assistance administrative internationale aux autorités fiscales luxembourgeoises concernant les relations existant entre la société filiale française Fidem, la société-mère luxembourgeoise Holdem et leurs dirigeants, portant sur l'ensemble de la période vérifiée. Il est constant que M. C... a été informé de l'envoi de cette demande par courrier du 20 décembre 2012, réceptionné le lendemain. Les autorités fiscales luxembourgeoises ont répondu, le 18 février 2013, en transmettant aux autorités fiscales françaises une " réponse partielle " consistant en une copie de déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial de l'année 2009 et ses annexes. Elles ont complété cette réponse le 25 juin 2013 en transmettant aux mêmes autorités une copie des déclarations pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial des années 2010 et 2011 et leurs annexes. Il est toutefois constant que l'administration n'a informé M. C... de l'existence de ces réponses des autorités fiscales luxembourgeoises que dans le cadre des propositions de rectification des 29 juillet et 19 décembre 2014 qu'elle lui a adressées au titre respectivement des années 2010 à 2012 et 2009 et ainsi que cette information a été délivrée, en ce qui concerne l'année 2009, au-delà du délai raisonnable prévu à l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales dans sa version alors applicable, et, en ce qui concerne l'année 2010, postérieurement au délai de soixante jours suivant leur réception par l'administration en méconnaissance des dispositions de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, dans leur version issue de la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013. En appel, le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir que l'administration n'était pas tenue d'informer le contribuable des réponses des autorités fiscales luxembourgeoises, lesquelles consistaient essentiellement en l'envoi des déclarations souscrites tardivement par la société Holdem, tant que celles-ci n'étaient pas complètes, et que ces autorités n'avaient pas répondu à l'ensemble des questions listées dans le formulaire-type e-form " Request for exchange of information ". Toutefois, non seulement le texte de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales ne limite pas l'information du contribuable à une réponse des autorités fiscales étrangères regardée comme complète par l'administration, mais il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, les réponses apportées par les autorités fiscales luxembourgeoises devaient être regardées comme complètes pour les années 2009 à 2011. En effet, s'il ressort de la réponse de ces autorités le 18 février 2013 qu'elle était partielle, ne concernant que les éléments déclaratifs sur l'année 2009, ces autorités ont expressément complété cette réponse le 25 juin 2013 en transmettant la copie de mêmes éléments s'agissant des années 2010 et 2011, et en mentionnant joindre " les documents qui faisaient encore défaut ", à l'exception de " la déclaration fiscale et des comptes annuels pour l'année 2012 qui n'ont pas encore été remis ". Il ressort de cette réponse que les autorités fiscales luxembourgeoises n'envisageaient de transmettre ultérieurement que les éléments déclaratifs manquant sur l'année 2012, ce qu'elles ont effectivement fait le 21 août 2015. En outre, contrairement à ce que soutient le ministre, les propositions de rectifications susvisées n'ont aucunement fait référence à l'existence de réponses incomplètes s'agissant des années 2009 à 2011, seuls les éléments manquants sur 2012 étant précisément visés, l'administration indiquant à ce titre que " cette réponse complémentaire ne satisfait encore que partiellement à la demande formulée par l'administration française, les autorités fiscales luxembourgeoises étant dans l'attente de la remise par la société Holdem SA de ses déclarations et de ses comptes 2012, alors même que ces documents auraient dû être déposés au plus tard le 31 mars 2013 ". Enfin, il résulte de l'instruction, et le ministre ne conteste pas ce point, que l'administration a disposé de tous les éléments d'informations nécessaires sur les années 2009 à 2011 pour procéder aux rectifications en litige quand bien même elle fait valoir que le formulaire-type n'était pas complètement renseigné par les autorités fiscales luxembourgeoises. Le ministre ne soutient pas d'ailleurs avoir sollicité de ces autorités d'autres éléments d'information ou demandé à celles-ci de compléter leur réponse pour ces années. Par suite, faute pour l'administration d'avoir informé M. C... de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, celle-ci n'était pas fondée à se prévaloir du délai spécial de reprise prévue par ces dispositions s'agissant des années 2009 et 2010, seules concernées par l'application de ce délai. Il s'ensuit que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le tribunal a déchargé M. C... des impositions mises à sa charge afférentes aux rectifications notifiées par les propositions de rectification des 29 juillet et 19 décembre 2014 découlant des dividendes servis par la société Fidem, rectifications intervenues après l'expiration du délai normal de reprise prévu aux articles L. 169 et L. 188 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne l'application du délai spécial de reprise visé aux articles 1649 A du code général des impôts et L. 169 du livre des procédures fiscales (année 2010) :
7. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts dans sa version applicable : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret (2). (...) " Aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au même code : " I. - Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / II. - Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement. (...) / III. - La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident. " Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable : " (...) Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles 123 bis, 209 B, 1649 A et 1649 AA du même code n'ont pas été respectées et concernent un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. Ce droit de reprise concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n'ont pas été respectées. (...) " Dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, les mêmes dispositions ne limitent plus l'application du droit de reprise spécial de dix ans qu'elles instituent aux manquements aux obligations déclaratives concernant un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. En vertu du II de l'article 58 de la loi du 28 décembre 2011, cette nouvelle rédaction s'applique aux délais de reprise venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2011, comme en l'espèce pour l'année 2010 en litige.
8. Il ressort de la proposition de rectification du 29 juillet 2014 afférente aux années 2010 à 2012 que l'administration a motivé l'extension du délai normal de reprise à la fois sur le fondement de l'article 188 A du livre des procédures fiscales et sur celui de l'article 1649 A du code général des impôts. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. C..., l'administration n'a pas méconnu le principe de loyauté ou privé le contribuable d'une garantie en évoquant ces dispositions au cours de la présente instance alors qu'elles figuraient dans la proposition de rectification notifiée à l'intéressé. En outre, en application des dispositions susvisées, l'obligation de déclaration des comptes à l'étranger qui découle du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire, mais aussi sur ceux qu'il a utilisés. En l'espèce, il ressort de ladite proposition et il est constant que, pour l'année 2010, M. C... n'a pas déclaré les comptes suisses qu'il détenait. Si le compte luxembourgeois auquel se réfère l'administration a été ouvert du nom de la société Holdem, M. C... ne conteste pas avoir utilisé ce compte, par procuration, alors qu'il est associé à 50% et co-gérant de la société Holdem. Par suite, s'agissant des rectifications restant en litige pour l'année 2010, c'est à bon droit que l'administration a pu se prévaloir du délai spécial de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne l'application de la procédure d'abus de droit (années 2010 et 2011) :
9. L'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.
11. Il résulte de l'instruction que le comité de l'abus de droit fiscal, par avis du 22 mars 2017, a confirmé le bien-fondé de la mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit et que l'administration s'est conformée à l'avis du comité. Par suite, il incombe à M. C..., en vertu des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve inverse.
12. En l'espèce, il ressort de la proposition de rectification adressée à M. C... pour les années 2010 à 2012 que l'administration a estimé, dans le cadre de la procédure d'abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, que les dividendes servis par la société française Fidem à sa société-mère luxembourgeoise Holdem, laquelle était dépourvue de substance économique réelle, au titre des années en litige, devaient être regardés comme ayant été directement appréhendés par le requérant, à hauteur des montants de 1 750 875 euros en 2009, 207 185 euros en 2010 et 628 273 euros en 2011 correspondants à sa participation au capital de cette société, et à ce titre soumis directement à l'impôt sur le revenu sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts. Afin de démontrer l'absence de substance économique réelle de la société Holdem, l'administration a relevé que la société Holdem, dont l'objet social est la prise de participations dans toutes sociétés et l'achat de titres, l'emprunt, l'avance de fonds sur prêts ainsi que la gestion et le développement de ses participations, ne disposait d'aucun moyen matériel ou humain lui permettant d'exercer une quelconque activité et que son adresse au Luxembourg était une adresse de domiciliation. Elle a également souligné que les parts détenues dans la société Fidem constituaient le seul actif immobilisé de la société et que celle-ci ne détenait aucune autre participation ni aucun autre actif mobilier ou immobilier. Elle a constaté que les seuls produits de la société Holdem sur la période en cause étaient uniquement constitués des distributions effectuées par sa filiale Fidem et des revenus de valeurs mobilières tirés des placements de sa trésorerie constituée grâce à ces distributions. A ce titre, il est constant que la société Fidem a distribué à sa société-mère au cours de l'exercice 2009 une somme totale de 3 501 749 euros qui représente la totalité des ressources de la société Holdem sur cet exercice, qu'au cours de l'exercice 2010, la société Fidem a versé 638 451,52 euros de dividendes à sa société-mère, représentant plus de 86 % de ses revenus annuels, hors produits de placements financiers, et qu'au cours de l'exercice 2011, la société Holdem a bénéficié de la réduction du capital de la société Fidem à hauteur de 1 940 969,03 euros, décidée le 27 juin 2011 par la société Holdem, associée unique, ce qui lui a permis de rembourser par compensation un prêt de 2 100 000 euros souscrit auprès de sa filiale le 28 décembre 2009, démontrant ainsi l'absence de fonds propres de la société holding lui permettant la réalisation de son activité de placement et de gestion de trésorerie. L'administration a enfin relevé que les distributions opérées par la filiale Fidem au profit de sa société-mère ont conduit à transférer à cette dernière la majeure partie des actifs de sa filiale, dès lors qu'à la clôture de l'exercice 2014, le poste " disponibilités " représentait plus de 98 % de l'actif du bilan de la société Fidem. Il ressort de l'ensemble de ces éléments, non contestés par M. C..., que l'administration a pu à bon droit estimer que la société Holdem était dénuée de substance économique et que sa création, qui ne répondait pas à un motif économique, financier ou patrimonial, et son interposition entre la société Fidem et les associés de la société-mère présentait le caractère d'un montage artificiel réalisé dans le but exclusif de permettre à ceux-ci de s'approprier le produit de la cession des actifs de la société Fidem via la société luxembourgeoise Holdem, bénéficiaire des dividendes versés par la société Fidem exonérés de toute imposition au Luxembourg.
13. Afin de contester l'existence du caractère artificiel de ce montage, M. C... soutient qu'il doit être tenu compte du prix de revient très élevé, s'élevant à 6 845 662 euros, soit 3 422 831 euros en ce qui le concerne, des titres de la société Fidem en raison des droits de succession acquittés à la suite du décès de son père. Il se prévaut de la faible plus-value réalisée lors de l'apport de ces titres effectué à la société Holdem en mars 2009 alors que, selon lui, il avait la possibilité d'appréhender la trésorerie de la société Fidem en cédant ces titres à un tiers ou de faire procéder au rachat de ses propres titres par la société Fidem suivi de leur annulation en vertu des dispositions de l'article 161 du code général des impôts. Toutefois, la circonstance que M. C... ait été mal conseillé lors de la cession des titres de la société Fidem et qu'il ait disposé de plusieurs possibilités pour appréhender la trésorerie de la société Fidem en franchise d'impôt n'a aucune incidence sur l'existence et la remise en cause du montage artificiel en litige. En outre, s'il estime que l'absence de consistance économique de la société Holdem ne suffit pas en elle-même à établir l'abus de droit dès lors que la création de cette société ne lui a procuré aucun gain fiscal et que l'administration impose un revenu fictif, qui n'a pas été effectivement perçu, dès lors qu'elle ne conteste pas que M. C... n'a perçu aucun revenu des sociétés Fidem ou de Holdem sur l'ensemble des années vérifiées, il résulte de ce qui a été dit que l'interposition de la société Holdem, dépourvue de toute substance économique, a permis de verser à cette société les dividendes de la société Fidem, en franchise d'impôt, dont les bénéficiaires réels étaient au final ses deux associés. En outre, ces distributions ont permis à la société Holdem de racheter 10% en 2012 puis 80% en 2015 de ses propres titres à M. C... et son frère et à ceux-ci de rembourser les deux prêts obtenus de la société holding concernant des sommes versées à M. A... C... de 700 000 euros au titre de l'année 2011 et 500 000 euros au titre de l'année 2012. Le requérant ne saurait ainsi soutenir que le montage en litige ne lui a procuré aucun gain fiscal ni qu'il n'a perçu aucun revenu dès lors que l'interposition de la société Holdem étant artificielle, M. C... doit être regardé comme ayant directement perçu les dividendes versés par la société Fidem. Enfin, contrairement à ce que fait valoir M. C..., l'existence d'un abus de droit n'a pas pour unique conséquence de remettre en cause le bénéfice du sursis d'imposition dont a bénéficié la plus-value qu'il a réalisée lors de l'apport des titres de la société Fidem à la société Holdem. Cette opération n'a pas été remise en cause par l'administration et la procédure de répression des abus de droit en litige consiste à remettre en cause le versement des dividendes de la société Fidem à sa société-mère en franchise d'impôt.
14. Si M. C... avance que les rectifications opérées aboutissent à un montant total de droits, pénalités et intérêts d'un montant total de 473 144 euros ce qui revient à lui confisquer la valeur des parts de la société Fidem déclarées pour 2 428 782 euros lors de la succession, parts sur lesquelles il a déjà acquitté les droits de succession, une telle circonstance est sans incidence sur les impositions restant en litige dès lors que les rectifications opérées sont fondées.
En ce qui concerne la domiciliation fiscale de M. C... (années 2010 à 2012) :
15. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
16. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...) ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économique ".
17. Il est constant que, durant les années 2010 à 2012, M. C... résidait en Suisse avec son épouse et ses enfants et qu'il n'exerçait aucune activité professionnelle en France. Il est également constant que, durant cette période, il n'a exercé aucune activité professionnelle en Suisse ni n'a tiré aucun revenu de ses biens immobiliers. Toutefois, en vertu de ce qui a été dit au point 12, M. C... doit être regardé comme ayant tiré l'essentiel de ses ressources au titre des années 2010 et 2011 des dividendes versés par la société française Fidem à sa société-mère luxembourgeoise Holdem, sous la forme d'avances de trésorerie et de prêts, qui doivent être regardés comme ayant été directement appréhendés par le requérant à hauteur de sa participation dans la société Holdem, dépourvue de toute substance économique. Si M. C... justifie d'un patrimoine important localisé en Suisse via ses comptes bancaires, il ne soutient ni n'établit que ce patrimoine aurait été productif de revenus et en particulier de revenus supérieurs à ceux considérés comme distribués à son profit par la société française Fidem. Dans ces conditions, M. C... doit être regardé comme ayant eu son domicile fiscal en France au sens des dispositions du c) de l'article 4 B du code général des impôts au cours des années 2010 et 2011.
18. En revanche, et alors qu'il appartient toujours à l'administration de justifier du principe même de l'imposition c'est-à-dire d'apporter des éléments tendant à établir que les revenus imposés sont d'origine française, même lorsque le contribuable a été imposé d'office, ce qui est le cas en l'espèce, l'administration ne justifie pas que les revenus de capitaux mobiliers restant en litige sur l'année 2012 d'un montant de 10 522 euros constitueraient des revenus de source française. Elle se borne à évoquer la procédure d'abus de droit visée au point 12 mais il est constant qu'aucune rectification n'a été mise à la charge de M. C... à ce titre pour l'année 2012. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir qu'il ne peut être regardé comme résident fiscal français au titre de cette année sur le fondement du c) de l'article 4 B du code général des impôts.
19. Aux termes du § 2 de l'article 3 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse : " Pour l'application de la convention par un Etat contractant, tout terme ou expression qui n'y est pas défini a le sens que lui attribue le droit de cet Etat concernant les impôts auxquels s'applique la convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente. Le sens attribué à un terme ou expression par le droit fiscal de cet Etat prévaut (...)." Aux termes de l'article 4 de la même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites ; b) Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; (...) 6. N'est pas considérée comme résident d'un Etat contractant au sens du présent article : (...) b) Une personne physique qui n'est imposable dans cet Etat que sur une base forfaitaire déterminée d'après la valeur locative de la ou des résidences qu'elle possède sur le territoire de cet Etat. ". En vertu du 5 de l'article 15 de la même convention, ne sont imposables que dans l'Etat dont le cédant est résident les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres qu'immobiliers, mobiliers mais représentatifs d'actifs immobiliers, ou mobiliers mais propriété d'un établissement stable. Aux termes du 2 de l'article 31 de la même convention : " Pour obtenir dans un Etat contractant les avantages prévus par la présente convention, les résidents de l'autre Etat contractant doivent, à moins que les autorités compétentes en disposent autrement, présenter un formulaire d'attestation de résidence indiquant en particulier la nature ainsi que le montant ou la valeur des revenus ou de la fortune concernés, et comportant la certification des services fiscaux de cet autre Etat. ". Aux termes du 1. de l'article 3 de cette convention : " i) l'expression " autorité compétente " désigne : / i) dans le cas de la France, le ministre chargé du budget ou son représentant autorisé ; / ii) dans le cas de la Suisse, le directeur de l'administration fédérale des contributions ou son représentant autorisé ".
20. Il n'est pas contesté que, durant les années en litige, M. C... était soumis en Suisse à l'impôt sur le revenu selon le régime d'imposition d'après la dépense, applicable aux personnes qui s'installent en Suisse sans avoir la nationalité de ce pays et sans y exercer d'activité lucrative, tel que défini par l'article 14 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct et par l'article 6 de la loi fédérale d'harmonisation des impôts directs. Il ressort de ces dispositions de droit suisse, dans leur version applicable au litige, que si la base d'imposition est déterminée à partir des dépenses annuelles du contribuable et des personnes dont il a la charge, exposées durant la période de calcul en Suisse et à l'étranger, pour assurer leur train de vie, le bénéfice de ce régime est subordonné à la condition que la base d'imposition retenue soit supérieure, notamment, à cinq fois le loyer ou la valeur locative de l'habitation pour les chefs de famille et à deux fois ce montant pour les autres contribuables. Les contribuables imposés selon ce régime doivent, par suite, être regardés comme entrant dans le champ de l'exclusion prévue au b) du paragraphe 6 de l'article 4 de la convention, quand bien même l'attestation du 27 juin 2014 de l'administration fiscale suisse produite par M. C... mentionne que cette exclusion ne leur est pas applicable. M. C..., qui a été imposé selon ce régime, ne peut, ainsi, être regardé comme résident de Suisse par application de la convention, alors même qu'il serait, en vertu de la législation suisse, assujetti à l'impôt dans cet Etat à raison de son domicile ou de sa résidence, au sens et pour l'application du 1 du même article.
21. L'intéressé se prévaut en appel, comme il l'avait fait en première instance, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'accord amiable intervenu en application de l'article 27 de ladite convention sous forme d'échange de lettres le 29 février 1968 entre les autorités compétentes françaises et suisses. Cet accord a été publié à la documentation de base sous la référence 14 B-2111 n° 7 du 12 septembre 1972 et était encore en vigueur pour les années 2010 à 2011. En effet, le paragraphe 70 de la documentation de base référencée BOI-INT-CVB-CHE-10-10, publiée le 26 décembre 2012, précise : " La tolérance de 1972 prévue par la DB 14 B-2211 n° 7 mise à jour au 10 décembre 1972 n'ayant pas été reprise par la base BOFIP- Impôts est rapportée à compter du 12 septembre 2012, date d'ouverture de la base, conformément à l'instruction 13 A-2-12 du 7 septembre 2012. Toutefois, il est admis que cette tolérance continue à s'appliquer jusqu'aux revenus de l'année 2012 incluse. "
22. En vertu de cet accord, une personne physique imposée au forfait dans un Etat peut se voir reconnaître la qualité de résident fiscal de cet Etat : " a - si la base d'imposition fédérale, cantonale et communale, est supérieure à cinq fois la valeur locative de l'habitation du contribuable ou à une fois et demie le prix de pension qu'il paie, et - b si la base d'imposition cantonale et communale ne s'écarte pas notablement de celle qui est déterminante pour 1'IDN (Impôt fédéral pour la défense nationale), ladite base cantonale et communale devant, en tout état de cause, être égale ou supérieure aux éléments du revenu du contribuable qui proviennent de Suisse et de France, pour les revenus de source française, lorsqu'ils sont privilégiés par la convention, notamment dividendes, intérêts, redevances de licences (voir circulaire de l'Administration fédérale suisse des Contributions du 29 février 1968 annexe n°13) ". Cette dernière circulaire fait état du ralliement, " par souci de conciliation ", des autorités françaises à la position des autorités suisses selon lesquelles les stipulations du b) du paragraphe 6 de l'article 4 de la convention " ne visent que les personnes imposées sur un multiple de la valeur locative de leur habitation ou d'un prix de pension, à l'exclusion de toute personne taxée sur une base supérieure, que celle-ci corresponde au train de vie du contribuable ou à la somme des différents éléments du revenu mentionnés à l'article 18 bis AIN ".
23. Dès lors que M. C..., pour les années 2010 et 2011, relevait de l'application du régime d'imposition d'après la dépense, il doit être considéré comme acquis que la valeur locative de son habitation était cinq fois supérieur à sa base d'imposition puisque cette condition est également, en vertu des articles 14 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct et 6 de la loi fédérale d'harmonisation des impôts directs, une condition d'éligibilité au régime d'imposition à la dépense. En outre, il résulte de l'instruction, et notamment du tableau figurant dans le premier mémoire en défense de l'administration du 25 mars 2021 que les dividendes et revenus de capitaux mobiliers perçus par M. C... se sont élevés à 215 566 euros pour 2010 et 640 243 euros pour 2011 alors que la base d'imposition s'élève à 260 000 CHF (soit 208 089,89 euros après application d'un taux de conversion au 31 décembre 2010 de 1 euro = 1,24946 CHF). Cette base d'imposition n'était ainsi pas égale ou supérieure à ces revenus pour les années 2010 et 2011. Par suite, M. C... ne peut être regardé, en vertu de l'accord amiable visé au point 21, comme résident fiscal suisse au cours des années 2010 et 2011.
En ce qui concerne les autres rectifications en litige (années 2010 et 2011) :
24. La procédure de répression de l'abus de droit étant en l'espèce régulière et fondée et le requérant devant être regardé comme ayant disposé d'une domiciliation fiscale en France pour les années 2010 et 2011, M. C... n'est pas fondé à contester par voie de conséquence les autres rectifications mises à sa charge pour les années 2010 et 2011.
25. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 23 que M. C... est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2012, en droits et pénalités.
Sur les frais liés au litige :
26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête n°20LY03081 du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.
Article 2 : M. C... est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge pour l'année 2012, en droits et pénalités.
Article 3 : Le jugement n°1808909 du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n°20LY02679 est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 octobre 2022.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N°20LY02679, 20LY03081
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