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20/10/2022 | FRANCE | N°21LY02465

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 20 octobre 2022, 21LY02465


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101838 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pay

s de destination, enjoint au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer la situation d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101838 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, enjoint au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer la situation de Mme B... et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2021, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme B... ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- en procédant à l'annulation de ces décisions, les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation et ont statué de manière contradictoire, dès lors que la mesure d'éloignement est consubstantielle à la décision de refus de séjour, dont ils ont confirmé la légalité dans le même jugement ;

- l'obligation de quitter le territoire n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle n'empêchait pas Mme B... de poursuivre ses études et qu'elle ne justifiait d'aucune circonstance exceptionnelle justifiant son maintien en France pendant une durée supérieure à trente jours.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Barone, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 19 février 2021 en tant qu'il porte refus de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour provisoire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des critères prévus à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le préfet, qui indique être tenu d'assortir la décision de refus de séjour d'une mesure d'éloignement, a commis une erreur de droit.

Par ordonnance du 29 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante kosovare née le 3 septembre 2000, est entrée en France avec sa famille le 18 novembre 2014, selon ses déclarations, alors qu'elle était mineure. Le 28 janvier 2020, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 février 2021, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble, faisant partiellement droit à la demande de Mme B..., a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de destination. Le préfet de la Haute-Savoie relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé ces décisions. Eu égard à son argumentation, Mme B... doit être regardée comme demandant, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... réside sur le territoire national, où elle a été scolarisée, depuis un peu plus de cinq ans à la date de la mesure d'éloignement prise à son encontre. Après avoir obtenu, en 2019, un certificat d'aptitude professionnelle Métiers de la mode - Vêtement flou, elle était inscrite en deuxième année d'une formation débouchant sur un diplôme de technicien des métiers du spectacle, spécialité techniques de l'habillage, au lycée professionnel Germain Sommeiller à Annecy. Si Mme B... justifie d'une bonne maîtrise de la langue française et si ses professeurs, comme le proviseur de son lycée, soulignent son implication dans la formation suivie, qui serait " rare et recherchée ", ses bons résultats et ses perspectives professionnelles encourageantes, de tels éléments ne suffisent pas, à eux seuls, alors que les parents et la fratrie de l'intéressée ne disposent d'aucun droit au séjour en France et qu'elle ne fait état d'aucun obstacle avéré à la poursuite de ses études soit dans son pays d'origine, soit en France après délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, à faire regarder l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, annulé cette décision.

3. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant devant le tribunal administratif de Grenoble que devant la cour.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

4. La décision de refus de titre de séjour, qui vise l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue le fondement de la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par Mme B..., et énonce, de manière détaillées, les considérations de fait tirées de sa situation personnelle prises en compte par le préfet, est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. Il ressort tant des termes de la décision attaquée que des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie a procédé à un examen réel et sérieux du dossier de Mme B....

6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. "

7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2 du présent arrêt, la situation de Mme B... ne caractérise ni des considérations humanitaires, ni des motifs exceptionnels au sens de ces dispositions, de nature à lui ouvrir un droit au séjour. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut, dès lors, qu'être écarté.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Mme B... est célibataire, sans charge de famille et ne dispose d'aucune attache familiale stable en France, ses parents et ses frères majeurs ne justifiant d'aucun droit au séjour sur le territoire national. Elle ne fait, par ailleurs, état d'aucun obstacle avéré à la poursuite de ses études dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et en dépit de sa bonne insertion dans la société française, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Mme B..., qui est majeure, ne peut utilement se prévaloir de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour qui la fonde.

En ce qui concerne les autres moyens :

13. La décision portant obligation de quitter le territoire français, qui fait suite à une décision de refus de séjour, vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit être regardée comme se référant aux éléments de fait relatifs à la situation administrative, personnelle et familiale de Mme B... détaillés par le préfet de la Haute-Savoie dans le cadre de la décision de refus de séjour. Par suite, elle est suffisamment motivée au regard des exigences du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. Il ressort tant des pièces du dossier que des éléments de motivation de la décision contestée mentionnés au point 13 ci-dessus que le préfet de la Haute-Savoie a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme B... avant de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

15. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle il a été édicté, que le préfet se serait cru tenu d'assortir la décision de refus de séjour opposée à Mme B... d'une mesure d'éloignement. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, dès lors, être écarté.

16. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

17. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au points 10 et 11 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

18. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 à 11 du présent arrêt, Mme B... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la décision par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour serait insuffisamment motivée, entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de son dossier, d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et méconnaitrait le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision par laquelle il a obligé Mme B... à quitter le territoire français, et par voie de conséquence, la décision désignant le pays de destination et que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101838 du tribunal administratif de Grenoble du 30 juin 2021 est annulé en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme B... tendant à l'annulation des décisions du 19 février 2021 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination.

Article 2 : La demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02465
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : BARONE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-20;21ly02465 ?
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