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20/10/2022 | FRANCE | N°21LY02105

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 20 octobre 2022, 21LY02105


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 19 juin 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002008 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2021, M. A..., repré

sentée par Me Brey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 19 juin 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002008 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2021, M. A..., représentée par Me Brey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 19 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprie à sa pathologie dans son pays d'origine ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde ;

- cette décision méconnaît l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2021, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2021.

Par ordonnance du 29 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022.

Un mémoire, présenté pour M. A..., enregistré le 6 septembre 2022, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les observations de Me d'Ovidio, représentant le préfet de la Côte-d'Or ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, né le 8 avril 1989, est entré irrégulièrement en France le 25 juin 2013 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 juillet 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 8 janvier 2015. Le 15 janvier 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 juin 2020, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de faite droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 18 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

3. M. A... souffre de troubles psychiatriques, en particulier d'un syndrome post-traumatique et d'un état dépressif majeur, qui seraient, selon lui, en lien avec des évènements traumatiques vécus en Guinée. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 7 juin 2019, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, les soins nécessités par son état de santé devant être poursuivis pendant une durée de six mois.

4. Le préfet de la Côté-d'Or, qui n'est pas lié par cet avis, a estimé, sans remettre en cause la gravité de l'état de santé de M. A..., que celui-ci pouvait bénéficier des soins nécessités par sa pathologie dans son pays d'origine en se fondant, notamment, sur un rapport de mission établi par le Federal Public Service Home Affairs de Bruxelles dans le cadre d'une enquête réalisée en Guinée en janvier 2014. Si les extraits de ce rapport repris dans la décision contestée, qui se bornent à constater, en termes généraux, une amélioration de l'accès aux soins des Guinéens, ne contiennent aucune indication utile sur les pathologies psychiatriques en cause dans la présente instance, le préfet, pour justifier sa décision, se réfère également aux informations récentes transmises, en mai 2020, par le médecin conseil du centre médico-social près l'ambassade de France à Conakry, selon lesquelles la République de Guinée dispose, d'une part, des traitements psychotropes standards utilisés dans le traitement des syndromes de stress post-traumatique et des dépressions, et, d'autre part, de psychiatres et psychologues au sein des établissements hospitalo-universitaires, informations corroborées par un avis du bureau des conseillers médicaux du ministère de l'intérieur des Pays-Bas de 2012 et par la liste des médicaments essentiels de Guinée, établie en août 2006 par le ministère de la santé publique guinéen, qui fait état de plusieurs spécialités psychotropes, documents produits en première instance. Ces éléments concordants établissent que, contrairement à ce qu'a estimé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, aux termes de l'attestation du 17 juillet 2020 établie par son psychiatre et à la teneur des documents à caractère général produit par l'intéressé, notamment des rapports de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés de 2010 et 2016, M. A... peut bénéficier, dans son pays d'origine, du traitement nécessité par son état de santé, notamment d'un suivi spécialisé et d'un traitement médicamenteux adapté à sa pathologie, au regard des spécialités disponibles, et dont il n'est pas démontré qu'elles ne seraient pas équivalentes à celles qui lui sont prescrites en France. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits par M. A..., que les troubles dont il souffre résulteraient d'évènements traumatisants vécus en Guinée, de telle sorte qu'il ne pourrait y bénéficier d'un traitement approprié, ni, en l'absence de toute précision sur ses propres revenus, qu'il ne pourrait effectivement y accéder. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Côte-d'Or aurait méconnu le 11° précité de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Côte-d'Or a méconnu ces dispositions.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. A... est célibataire et sans charge de famille. Son état de santé ne justifie pas, ainsi qu'il vient d'être dit, son maintien sur le territoire national. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales en Guinée, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Dans ces conditions, et en dépit de son intégration au sein de la communauté Emmaüs de Sainte Sabine et Sasoge, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté.

10. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la mesure d'éloignement dont M. A... fait l'objet.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision contestée devrait être annulée en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02105
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : BREY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-20;21ly02105 ?
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