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20/10/2022 | FRANCE | N°21LY00306

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 20 octobre 2022, 21LY00306


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Concept agencements tous types (CATT) a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'ordonner le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée constatés au titre des mois de septembre 2017, novembre 2017, janvier 2018 et février 2018 à raison de l'acquisition en leasing d'un véhicule et, d'autre part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période couverte par les exercices clos en 2015 et 2016, afféren

ts à l'acquisition du même véhicule.

Par un jugement n° 1804110- 1804132- 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Concept agencements tous types (CATT) a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'ordonner le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée constatés au titre des mois de septembre 2017, novembre 2017, janvier 2018 et février 2018 à raison de l'acquisition en leasing d'un véhicule et, d'autre part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période couverte par les exercices clos en 2015 et 2016, afférents à l'acquisition du même véhicule.

Par un jugement n° 1804110- 1804132- 1804135- 1804139- 1906716 du 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2021, l'EURL CATT, représentée par Me Dorascebzi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et d'ordonner le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée sollicités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale n'a pas suffisamment motivé sa position consistant à exclure du droit à déduction le pick-up qu'elle a acquis, si bien qu'aucun débat contradictoire n'a pu avoir lieu quant à l'usage principal et effectif de ce véhicule ;

- le véhicule n'entre pas dans le champ d'exclusion du droit à déduction au sens du 6° du 2 du IV l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, dès lors que l'existence d'une double cabine, équipée de strapontins amovibles, ne modifie pas sa capacité de chargement ;

- elle est fondée à se prévaloir des réponses ministérielles n ° 54973 à M. B..., député (JOAN du 8 mars 2005 p. 2431) et n° 26914 à M. A..., député (JOAN du 22 mars 2005 p. 2989), qui ont été reprises au paragraphe 20 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-DED-30-30-20 du 18 novembre 2013.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL CATT, qui a pour activité principale la pose et l'installation de cuisines, a acquis le 30 novembre 2015, au moyen d'un crédit-bail, un véhicule neuf de type 4x4 pick-up de marque Dodge Ram. Elle a fait l'objet, courant 2017, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration a, notamment, remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'acquisition de ce véhicule et lui a, en conséquence, réclamé les rappels correspondants à la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. L'administration a par ailleurs, en 2018, rejeté les demandes de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentées par l'EURL CATT au titre des mois de septembre 2017, novembre 2017, janvier 2018 et février 2018 relatives à la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ce même véhicule. L'EURL CATT relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et au remboursement de ces crédits de taxe sur la valeur ajoutée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même code : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler de façon utile ses observations.

3. Le service vérificateur a mentionné, dans la proposition de rectification du 12 décembre 2017, l'impôt concerné, la période d'imposition, les bases d'impositions retenues et le fondement légal des rectifications. Il a également précisé les motifs de fait justifiant ces dernières, à savoir que le véhicule en litige comporte quatre à cinq places assises hors strapontins, et non une simple cabine préservant un volume de charge important. Une telle motivation répond aux exigences posées par les dispositions précitées et a permis à l'EURL CATT de présenter utilement des observations et d'engager un débat quant à l'usage principal et effectif de ce véhicule.

4. Les décisions par lesquelles l'administration fiscale a rejeté les demandes de l'EURL CATT sollicitant le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée constatés au titre des mois de septembre 2017, novembre 2017, janvier 2018 et février 2018 constituent des décisions statuant sur des réclamations contentieuses. Or, les vices de forme susceptibles d'entacher la décision par laquelle l'administration rejette la réclamation préalable présentée par le contribuable en application de l'article L. 190-1 du livre des procédures fiscales sont sans incidence sur la régularité de la procédure et le bien-fondé des impositions. Par suite, une insuffisance de motivation des décisions de refus de remboursement en litige, à la supposer établie, ne peut être utilement invoquée.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de l'annexe II audit code prévoit : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) IV.-1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : a. Destinés à être revendus à l'état neuf ; / b. Donnés en location ; / c. Comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et utilisés par des entreprises pour amener leur personnel sur les lieux du travail ; / d. Affectés de façon exclusive à l'enseignement de la conduite ; / e. De type tout terrain affectés exclusivement à l'exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables, dès lors qu'ils ont été certifiés par le service technique des remontées mécaniques et des transports guidés, dans des conditions fixées par décret ; / f. Acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que les véhicules dont les caractéristiques propres le destinent au transport de personnes ou à un usage mixte ne peuvent ouvrir droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à l'occasion de leur acquisition.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment de la présentation du véhicule en cause figurant sur le site internet du constructeur, du certificat d'immatriculation et de la photographie produite au dossier, que le véhicule de marque Dodge Ram acquis par l'EURL CATT est un véhicule à quatre roues motrices de type pick-up, pourvu d'une plate-forme ouverte à l'arrière et d'une double cabine dotée de deux fois deux portes latérales, comportant à l'avant deux sièges fixes et à l'arrière trois sièges à dossiers fixes dont l'assise peut être relevée. La seule circonstance que les sièges situés sur la banquette arrière soient escamotables, augmentant d'autant l'espace de chargement, ne suffit pas à faire regarder ce véhicule, compte tenu de ses finitions, de son confort et de son équipement, comme n'étant pas conçu pour le transport de personnes ou, à tout le moins, pour un usage mixte au sens du 6° précité du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts. Par suite, et alors que l'exonération de taxe sur les véhicules de sociétés est, en elle-même, sans incidence sur les conditions d'application de l'exclusion que ce texte prévoit, l'EURL CATT n'est pas fondée à soutenir que c'est tort que l'administration fiscale a refusé, sur le terrain de la loi fiscale, d'admettre en déduction la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ce véhicule.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

8. L'EURL CATT se prévaut des réponses ministérielles n ° 54973 à M. B..., député, n° 26914 à M. A..., député, publiées au Journal officiel en 2005 et reprises au paragraphe 20 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-DED-30-30-20 du 18 novembre 2013, qui indique que : " les véhicules 4 x 4 de type pick-up pourvus d'une simple cabine, c'est-à-dire ne comportant que deux sièges ou une banquette, ou comprenant une simple cabine approfondie dans laquelle sont placés, outre les sièges ou la banquette avant, des strapontins destinés à faire l'objet d'un usage occasionnel, ne relèvent pas de l'exclusion du 6° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au CGI. Dans ces situations, les véhicules présentent un caractère utilitaire dans la mesure où leur volume de chargement demeure important. En revanche, les autres véhicules 4 x 4 du type pick-up, qui comportent quatre à cinq places assises hors strapontin, entrent dans le champ d'application de l'exclusion. ".

9. Il résulte toutefois de l'instruction que, si l'assise des sièges arrière du véhicule en litige est susceptible d'être relevée, ainsi qu'il a été mentionné au point 6, elle ne peut l'être qu'à la suite d'une manipulation, si bien que ces sièges, dont l'assise ne se redresse pas automatiquement, et qui présentent une emprise importante et un niveau de confort élevé, ne peuvent être regardés comme des strapontins mobiles destinés à faire l'objet d'un usage occasionnel. Dans ces conditions, le véhicule en cause, qui comporte cinq places assises hors strapontins, n'entre pas dans le champ de l'exception à l'exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par les réponses ministérielles précitées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL CATT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL CATT est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Concept agencements tous types.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00306
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : DORASCENZI-FENART

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-20;21ly00306 ?
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