La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2022 | FRANCE | N°20LY02571

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 20 octobre 2022, 20LY02571


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Staff plafond isolation et cloison (SPIC) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de cette période et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802038 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a

prononcé la décharge, d'une part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée réclamé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Staff plafond isolation et cloison (SPIC) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de cette période et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802038 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge, d'une part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée réclamés au titre de l'année 2013, à hauteur de 2 444 euros, et des pénalités correspondantes, et, d'autre part, en conséquence de la réintégration du montant des factures établies par la société FERP, des impositions à l'impôt sur les sociétés établies au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 12 juillet 2022, la société SPIC, représentée par Me Palomares, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2013 à 2015 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si une fraction des frais généraux liés au siège de sa succursale en Suisse ne peut être déduite des charges, elle a fait appel, au titre de l'exercice 2013, à un prestataire extérieur, la société SEA, chargé d'assurer le suivi des chantiers qu'elle a réalisés en Suisse ; elle justifie ainsi de l'engagement de frais de gestion sur le territoire suisse faisant double emploi avec les frais dont l'administration, qui supporte la charge de la preuve, a rejeté la déduction ; la rémunération du gérant représente une part minoritaire des charges concernées par la réintégration ;

- en toute hypothèse, le montant des sommes facturées par la société SEA, qui s'élève à 58 579,30 euros, doit être déduit des charges qui ont été rejetées par le service ;

- la provision qu'elle a constituée pour tenir compte du caractère douteux des créances qu'elle détenait sur l'un de ses plus importants clients était justifiée par la relation privilégiée qu'elle entretenait avec ce client et le risque de défaut de recouvrement ;

- elle justifie de provisions à hauteur de 1 % de son chiffre d'affaires correspondant au coût de travaux de reprise auxquels elle est tenue par la garantie de parfait achèvement des chantiers qu'elle a réalisés.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société SPIC ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention signée le 9 septembre 1966 entre la République française et la Confédération suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Staff plafond isolation et cloison (SPIC), dont le siège social est situé à Saint-Martin-d'Hères (Isère) et qui effectue des travaux d'isolation, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015 à l'issue de laquelle l'administration a notamment, d'une part, réintégré dans ses résultats imposables les charges correspondant aux frais généraux et aux rémunérations se rapportant à l'activité de la succursale qu'elle possédait en Suisse et, d'autre part, refusé d'admettre en déduction de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des provisions pour créances douteuses et pour garantie donnée aux clients. Par un jugement du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir prononcé, à concurrence du montant des factures établies par la société FERP, sous-traitante de la société, la réduction des compléments d'impôt sur les sociétés des pénalités correspondantes assignés à la société SPIC au titre des exercices vérifiés et une réduction des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont réclamés par ailleurs, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société requérante relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés et aux pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les frais de siège et les dépenses de personnel se rapportant à l'activité de la succursale en Suisse :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) ". Aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45,(...) et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu'une société dont le siège est en France exerce dans un établissement situé hors de France une activité industrielle ou commerciale distincte, elle ne peut pas tenir compte, pour la détermination du bénéfice imposable en France à l'impôt sur les sociétés, des charges qui se rapportent à son activité exercée dans l'établissement situé hors de France. Pour ventiler la fraction des frais généraux du siège de la société qui se rapporte à cette dernière activité, la société peut, à défaut de circonstances particulières propres à justifier un autre mode de calcul, se référer au rapport existant entre le chiffre d'affaires de cet établissement et le chiffre d'affaires total de la société.

3. Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. (...) 3. Dans le calcul des bénéfices d'un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d'administration ainsi exposés, soit dans l'Etat où est situé cet établissement stable, soit ailleurs. (...) "..

4. Le service, faisant application à la société SPIC des règles issues de la combinaison des stipulations et dispositions citées aux points 2 et 3, a réintégré, dans les résultats imposables des années 2013, 2014 et 2015 de cette société, les rémunérations de M. A..., son dirigeant, et du personnel administratif ainsi que les loyers versés pour la disposition des locaux de son siège, qu'elle avait portés en charges, à proportion du montant de son chiffre d'affaires réalisé par sa succursale située en Suisse. A cet égard, l'administration a relevé que l'établissement situé en Suisse bénéficie des services du personnel du siège social français et de son gérant lesquels assurent le suivi des marchés, la gestion des commandes et des achats de matériaux ainsi que, plus généralement, le suivi des chantiers relevant de l'établissement situé à l'étranger. Il résulte de l'instruction, et notamment des mentions non contestées de la proposition de rectification, que le chiffre d'affaires de la succursale suisse de la société requérante a représenté 41 % du chiffre d'affaires total de la société de l'exercice clos en 2013 et 2 % des exercices clos en 2014 et 2015. Si la société requérante soutient ne pas avoir engagé de frais de personnel pour l'activité de sa succursale suisse au titre de l'exercice 2013 au motif qu'elle a eu recours à un prestataire extérieur, la société SEA, à laquelle elle a délégué la gestion administrative et physique des chantiers réalisés en Suisse, la seule attestation, peu détaillée, qu'elle se borne à produire, établie le 30 mai 2017 par le gérant de la société SEA, mentionne qu'elle a seulement délégué à ce prestataire les commandes de matériels auprès de ses fournisseurs. En revanche, cette attestation indique que, s'agissant du suivi des chantiers réalisés pour le compte de sa succursale suisse, l'organisation des plannings était réalisée conjointement par les salariés du siège social de la société SPIC et le prestataire et que l'analyse de la situation des chantiers était supervisée par un salarié de la société SPIC, lequel procédait à l'émission de la facture et sa transmission au client. Il n'est pas davantage contesté par la société SPIC que son gérant a effectué plusieurs déplacements sur les chantiers suisses au cours des exercices vérifiés. Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la société requérante, il résulte de ces éléments, ainsi que l'a relevé l'administration, que son gérant et le personnel du siège ont contribué, notamment au titre de l'exercice 2013, à l'activité exercée par son établissement situé en Suisse. La société SPIC, en se bornant à faire état du montant des frais qu'elle a engagés auprès de son prestataire, ne conteste pas sérieusement le mode de calcul retenu par l'administration, laquelle a retenu, ainsi qu'il a été dit, le rapport entre le chiffre d'affaires de la succursale suisse et le chiffre d'affaires total de la société SPIC. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a considéré qu'en prenant en charge les frais généraux et dépenses de personnel engagées pour le fonctionnement de la succursale suisse, la société SPIC a commis un acte de gestion anormal et qu'elle a, en conséquence, réintégré les sommes de 77 602 euros, 3 617 euros et 3 378 euros dans les bases de la société imposable à l'impôt sur les sociétés au titre respectivement des exercices 2013, 2014 et 2015.

En ce qui concerne les provisions :

5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits correspondant à ces charges et, en ce qui concerne les provisions pour pertes, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogènes, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées.

6. Il appartient au contribuable de justifier des provisions qu'il entend déduire de son bénéfice.

S'agissant des provisions pour créances douteuses :

7. Au bilan des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, la société SPIC a porté en provision le montant intégral de trois créances qu'elle estimait irrécouvrables. Toutefois, en se bornant à soutenir que deux de ces créances concernaient un client important, la société requérante ne justifie pas du caractère non recouvrable de ces créances à la clôture de chaque exercice concerné, ni même ne précise avec une approximation suffisante dans quelle proportion le recouvrement de ces créances aurait présenté douteux.

S'agissant des provisions pour garanties :

8. La société SPIC a constitué, au titre de l'exercice clos en 2015, une provision de 32 051,11 euros, représentant 1,20 % de son chiffre d'affaires, destinée à faire face au coût des travaux résultant de la mise en œuvre de la garantie de parfait achèvement des chantiers réalisés alors qu'au cours des exercices clos en 2013 et en 2014, la provision constituée à ce même titre représentait seulement 0,40 % du chiffre d'affaires. L'administration fiscale a remis en cause la déduction de la provision constituée par la société la clôture de l'exercice 2015 en ce qu'elle excédait 0,40 % du chiffre d'affaires. Si, pour justifier, comme il lui appartient de le faire, le montant de la provision ainsi comptabilisée au titre de l'exercice 2015, la société SPIC se prévaut d'une augmentation du nombre de litiges par rapport aux exercices précédents, elle n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments au soutien de son argumentation permettant de constater que la provision en cause a été évaluée avec une approximation suffisante.

9. Il résulte de ce qui précède que la société SPIC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SPIC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Staff plafond isolation et cloison (SPIC) et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02571
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : PALOMARES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-20;20ly02571 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award