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20/10/2022 | FRANCE | N°20LY02527

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 20 octobre 2022, 20LY02527


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Sabatier a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016, des impositions à l'impôt sur le revenu établies au nom de ses associés, des majorations correspondantes et des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts.

Par un jugement n° 1900114 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif

de Dijon, auquel la demande a été transmise par une ordonnance du président de la sixi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Sabatier a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016, des impositions à l'impôt sur le revenu établies au nom de ses associés, des majorations correspondantes et des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts.

Par un jugement n° 1900114 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Dijon, auquel la demande a été transmise par une ordonnance du président de la sixième chambre du tribunal administratif de Lyon, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 31 août 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 mars 2022, la SCI Sabatier, représentée par la SARL Cannet Mignot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions, des majorations correspondantes et des amendes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 :

- la proposition de rectification n'est pas motivée ;

- l'administration n'a pas mis en œuvre son droit de communication auprès des établissements bancaires et de ses locataires ;

- l'administration s'est bornée à reprendre les bases imposables qu'elle a déclarées sans aucune vérification alors que ces déclarations sont erronées dès lors qu'elles intègrent dans la base imposable des flux de trésorerie entre sociétés du groupe qui sont hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'administration ne précise pas la méthode suivie pour reconstituer la base taxable à la taxe sur la valeur ajoutée et ne produit aucune pièce permettant de vérifier les calculs ; la méthode retenue par l'administration est imprécise et ne se rapproche pas de la réalité comptable de la SCI ;

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2014, 2015 et 2016 :

- l'administration a méconnu l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- au titre des années 2014 et 2015, le service s'est contenté de reprendre les bases imposables retenues dans les déclarations CA3 déposées par la SCI sans faire de vérification alors que ces déclarations sont erronées dès lors qu'elles intègrent dans les bases imposables des flux de trésorerie entre sociétés du groupe, que les loyers retenus par l'administration ne correspondent pas aux baux conclus par la SCI et que les virements de compte à compte ont par erreur été intégrés dans la base taxable à la taxe sur la valeur ajoutée dans les déclarations CA3 ;

Sur les rehaussements en matière d'impôt sur le revenu :

- la méthode de l'administration ne saurait être retenue ;

Sur les majorations :

- aucune mise en demeure n'a été adressée au titre des mois de juin à décembre 2013 et par suite la pénalité de 40 % prévue en cas d'absence de déclaration dans les trente jours d'une mise en demeure ne peut être appliquée ;

- la pénalité de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par l'article 1729 a du code général des impôts n'a pas lieu d'être appliquée pour le mois de novembre 2013 dans la mesure où les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour ce mois sont contestés ;

Sur l'amende fiscale :

- la doctrine administrative BOI-CF-IOR-60-40-10 n° 55 précise que les SCI soumises à plusieurs impôts commerciaux ne sont pas dispensées de fournir un fichier des écritures comptables ; elle n'est redevable que d'un seul impôt commercial ; par suite, la tolérance administrative s'applique à son cas et l'amende prévue par l'article 1729 D du code général des impôts n'était pas applicable.

Par un mémoire, enregistré le 16 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- il y a lieu de maintenir sur le fondement de l'article 1729 a. du code général des impôts applicable en cas de manquement délibéré la pénalité de 40 % appliquée aux droits rappelés.

Par courrier du 9 septembre 2022, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tirés :

- de l'irrégularité du jugement du 7 juillet 2020 en tant que le tribunal administratif de Dijon a procédé d'office à une substitution de base légale en substituant aux pénalités prévues par le b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts celles prévues au a de l'article 1729 du même code en cas de manquement délibéré ;

- de la méconnaissance du champ d'application de la loi (décision du Conseil Constitutionnel n° 2013 685 DC du 29 décembre 2013 laquelle a déclaré inconstitutionnelle les deux premiers points de l'article 1729 D et a limité la portée du point 3), l'administration ne pouvant, lors du même contrôle, infliger plusieurs amendes dans le cas d'absence de production de plusieurs fichiers portant sur des exercices différents.

Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 20 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer sur l'amende à concurrence du dégrèvement de 10 000 euros prononcé le 19 septembre 2022 et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Sabatier, qui exerçait une activité de location de locaux nus, essentiellement commerciaux, à raison de laquelle elle a opté pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et était soumise au régime réel normal d'imposition, a fait l'objet, en 2016, d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur le chiffre d'affaires, sur la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016. A l'issue de ce contrôle, l'administration lui a réclamé, d'une part, des droits d'un montant de 79 185 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 rappelés en application de la procédure de taxation d'office par notification du 22 décembre 2016 et, d'autre part, des droits d'un montant de 467 305 euros au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2016 notifiés, selon que les déclarations ont été déposées ou non dans les délais légaux, en application de la procédure de taxation d'office ou de la procédure contradictoire par notification du 27 septembre 2017. L'administration a appliqué aux droits rappelés des majorations au taux de 40 % d'un montant de, respectivement, 31 674 euros et 147 885 euros pour chaque période, fondées, selon les mois concernés, sur le b) de l'article 1728-1 ou le a) de l'article 1729 du code général des impôts. Ces impositions et pénalités ont donné lieu à deux avis de mise en recouvrement émis, respectivement, le 29 décembre 2017 et le 31 janvier 2018. Le second de ces avis de mise en recouvrement a également mis à la charge de la SCI Sabatier une somme de 15 773 euros au titre d'amendes infligées sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts. La SCI Sabatier relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée, des majorations appliquées à ces droits et de la somme réclamée au titre des amendes.

Sur l'impôt sur le revenu assigné aux associés :

2. La SCI Sabatier ne conteste pas en appel l'irrecevabilité opposée par les premiers juges aux conclusions de sa demande relatives aux cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de ses associés en conséquence du contrôle. Par suite, ses conclusions d'appel tendant à la décharge de ces impositions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la société :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. La SCI soutient, en premier lieu, que les notifications des 22 décembre 2016 et 27 septembre 2017 sont insuffisamment motivées en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

5. La SCI Sabatier, qui a été taxée d'office à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article L. 66-3° du livre des procédures fiscales au titre des mois de janvier à décembre 2013, de janvier 2014 à mars 2015 et des mois de juin et juillet 2016 faute d'avoir déposé dans les délais légaux les déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle était tenue, ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dont les dispositions, relatives aux propositions de rectification adressées dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du même livre, ne sont pas applicables à des impositions établies selon une procédure d'imposition d'office.

6. Il ressort de la proposition de rectification du 27 septembre 2017 que seuls les droits de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre des mois d'avril 2015 à mai 2016 ont été rappelés en application de la procédure contradictoire. La proposition de rectification mentionne, s'agissant des rappels notifiés au titre de cette période, la nature des impôts concernés, les dispositions applicables et les périodes d'imposition. S'agissant des bases imposables, la proposition de rectification, d'une part, indique que l'administration a retenu les montants de taxe sur la valeur ajoutée collectée et de taxe sur la valeur ajoutée déductible mentionnés dans les déclarations déposées par la SCI Sabatier entre avril et décembre 2015 et, d'autre part, donne les motifs et le détail des calculs des corrections apportées aux montants de taxe collectée et de taxe déductible portés dans les déclarations des mois de janvier à mai 2016. Par suite, la SCI Sabatier a disposé de l'ensemble des informations et éléments chiffrés lui permettant de formuler utilement ses observations sur les rappels envisagés ou de faire connaître son acceptation en réponse à la proposition de rectification qui lui a été adressée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette proposition de rectification, en ce qu'elle concerne les rappels notifiés au titre de cette période, doit être écarté.

7. En deuxième lieu, si la SCI Sabatier soutient qu'il appartenait à l'administration de faire usage du droit de communication auprès des établissements bancaires et de ses locataires pour fixer les bases d'imposition, la mise en œuvre du droit de communication relève de la seule initiative de l'administration qui n'est pas tenue d'y recourir.

8. En troisième lieu, la SCI Sabatier ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40 et BOI-CF-IOR-50-20, laquelle est relative à la régularité de la procédure d'imposition et ne comporte, dès lors, aucune interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration.

En ce qui concerne le bien-fondé des droits rappelés :

S'agissant de la charge de la preuve :

9. Ainsi qu'il a été dit, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre des mois de janvier 2013 à décembre 2013, au titre des mois de janvier 2014 à mars 2015 et au titre des mois de juin et juillet 2016 ont été notifiés sur le fondement de la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66-3° du livre des procédures fiscales. Il appartient, dès lors, à la SCI Sabatier, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition retenues au titre de ces périodes.

10. Il résulte de l'instruction que la SCI Sabatier n'a pas présenté d'observations à la suite de la réception de la proposition de rectification du 27 septembre 2017 lui notifiant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois d'avril 2015 à mai 2016 en application de la procédure contradictoire. Par suite, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions établies au titre de ces périodes lui incombe également en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.

11. Au demeurant, il résulte également de l'instruction que la société requérante a déposé, le 30 juin 2015, des déclarations mensuelles de taxe sur le chiffre d'affaires pour la période couvrant les années 2013 et 2014 et au titre des mois de janvier à juin 2015. En vertu de l'article R. 194-1, il appartient au contribuable qui présente une réclamation dirigée contre une imposition établie conformément aux bases indiquées dans sa déclaration de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'il conteste pour en obtenir la décharge ou la réduction.

S'agissant du montant des droits rappelés :

12. La SCI Sabatier soutient que la méthode de reconstitution utilisée par l'administration est imprécise et sommaire. Si le vérificateur a effectivement procédé à une reconstitution de ses recettes à partir des factures et des encaissements bancaires, il résulte de l'instruction que cette reconstitution avait pour but de vérifier l'exactitude des montants portés sur les déclarations qu'elle a souscrites en 2015 et qu'à l'exception, d'une part, du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 460 405 euros reporté dans sa déclaration du mois de janvier 2013 dont l'administration a estimé qu'il n'était pas justifié et, d'autre part, de la taxe sur la valeur ajoutée déductible mentionnée sur la déclaration du mois de novembre 2013, la SCI Sabatier a été imposée à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de janvier à décembre 2013 sur la base des éléments qu'elle a elle-même déclarés tardivement. Par suite, dès lors que cette reconstitution n'a pas été utilisée par le vérificateur pour déterminer le montant des opérations taxables, la SCI Sabatier ne peut utilement soutenir que les impositions en litige procéderaient d'une reconstitution de ses recettes. Par ailleurs, si la SCI Sabatier fait valoir qu'elle est en mesure de justifier le crédit de taxe sur la valeur ajoutée et la taxe sur la valeur ajoutée déductible remis en cause, elle ne produit aucun élément à l'appui de sa critique du refus d'admission du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible et de la taxe sur la valeur ajoutée déductible. Dans ces conditions, le moyen tiré du caractère imprécis et sommaire de cette reconstitution ne peut qu'être écarté comme inopérant.

13. Si, en faisant valoir qu'une partie importante des flux de trésorerie apparaissant sur les comptes bancaires constituent en réalité des flux de trésorerie intragroupes ne correspondant pas à des opérations taxables à auto-liquidation taxe sur la valeur ajoutée, la SCI Sabatier entend contester non seulement les rectifications apportées par l'administration aux déclarations qu'elle a souscrites au titre des mois de janvier à mai 2016 et les bases fixées d'office par l'administration au titre des mois de juin et juillet 2016 mais aussi les bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée issues de ses propres déclarations, elle ne rapporte pas la preuve de leur exagération en se bornant à produire un jugement du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône du 14 janvier 2016 relatif à l'adoption du plan de continuation concernant une autre société, des tableaux récapitulatifs établis par ses soins retraçant de flux en 2013, 2014 et 2015 entre l'un de ses comptes bancaires et les comptes bancaires de sociétés liées dépourvus de valeur probante, un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 29 mars 2018 mentionnant le montant du solde du compte courant d'une autre société dans ses livres et une liste des factures qu'elle a établie pour les exercices clos en 2013, 2014, 2015 et 2016 sans valeur probante. Elle n'apporte pas davantage la preuve de l'exagération du montant des loyers retenu pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée collectée en se bornant à présenter un tableau de synthèse reprenant une liste de ses locataires et une liste des factures émises au cours des périodes en litige. Enfin, si elle soutient qu'auraient été pris en compte à tort, dans certaines déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qui, au demeurant, ne sont pas précisément désignées, des virements internes entre ses comptes bancaires, elle n'apporte pas d'éléments suffisants en se bornant à produire des tableaux de synthèse de mouvements de trésorerie sans valeur probante et des relevés bancaires non assortis d'explications. Il suit de là qu'elle ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des impositions à la taxe sur la valeur ajoutée mises à sa charge à l'issue du contrôle.

Sur les majorations appliquées aux rappels établis au titre de l'année 2013 :

14. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, l'administration a assorti les droits, d'un montant de 79 185 euros, rappelés au titre de la période des mois de janvier à décembre 2013 visée par la proposition de rectification du 22 décembre 2016 de pénalités au taux de 40 %. Il résulte de l'instruction, et notamment du tableau récapitulatif des conséquences financières joint à la proposition de rectification que ces pénalités, d'un montant de 31 674 euros, correspondent, à hauteur de 20 332 euros, à la majoration de 40 % prévue au b) de l'article 1728-1 du code général des impôts en cas d'absence de déclaration dans les trente jours de la réception d'une mise en demeure appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre du mois de janvier 2013 à mai 2013 et, à hauteur de 11 342 euros, à la majoration de 40 % prévue au a) de l'article 1729 lorsque le contribuable a délibérément manqué à ses obligations déclaratives appliquée au rappel de taxe sur la valeur ajoutée établi au titre du mois de novembre 2013.

15. La SCI Sabatier reprend en appel les moyens tirés, d'une part, de ce que la majoration de 40 % pour absence de déclaration dans les trente jours d'une mise en demeure n'est pas applicable au motif qu'elle n'a pas reçu de mise en demeure de souscrire des déclarations de taxe sur la valeur au titre des mois de juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2013 et, d'autre part, de ce que la majoration de 40 % pour manquement délibéré doit être remise en conséquence de sa contestation du rappel de taxe sur la valeur ajoutée établi au titre du mois de novembre 2013.

16. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de :/ a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ".

17. Aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

18. Aux termes enfin de l'article 1729 A du même code : " Lorsque des rehaussements sont opérés sur une déclaration tardive, la majoration prévue par l'article 1728 s'applique, à l'exclusion des majorations prévues par l'article 1729, tant aux droits résultant de la déclaration tardive qu'aux droits résultant des rehaussements apportés à la déclaration. Toutefois, les majorations prévues à l'article 1729 se substituent à la majoration de retard sur la fraction des droits résultant des rehaussements lorsque leur taux est supérieur ".

En ce qui concerne la majoration du b) de l'article 1728-1 du code général des impôts :

19. Pour confirmer la majoration de 20 332 euros appliquée aux droits rappelés au titre de 2013, le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur la circonstance que la base retenue par l'administration pour l'application de la majoration de 40 % pour absence de déclaration dans les trente jours d'une mise en demeure s'établissait à 50 830 euros, s'agissant de la seule année 2013, correspondant au montant des droits dus au titre de l'année 2013, et à 460 405 euros s'agissant de l'ensemble des années en litige, correspondant au montant des droits rappelés au titre du mois de janvier 2013. Ayant déduit de ces constatations que l'administration ne pouvait asseoir la majoration en cause que sur la base des droits éludés au titre des mois de janvier à mai 2013 pour lesquels la SCI Sabatier avait été destinataire de mises en demeure et considéré que l'intention délibérée du contribuable d'éluder la taxe sur la valeur ajoutée était établie, les premiers juges ont substitué à la majoration de 40 % appliquée sur le fondement du b) de l'article 1728-1 du code général des impôts la majoration de 40 % du a) de l'article 1729 du même code.

20. Si le moyen tiré de l'inapplicabilité des pénalités de l'article 1729 du code général des impôts à un contribuable qui n'a pas souscrit de déclaration est d'ordre public et si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse et sous certaines conditions, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement, il n'appartient pas au juge de l'impôt, lorsqu'il n'y est pas invité par l'administration défenderesse à la procédure contentieuse, de substituer à la majoration du b) de l'article 17281 du code dont l'objet est de sanctionner le " défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt " la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 qui a pour objet de sanctionner le contribuable ayant délibérément souscrit une déclaration entachée d'insuffisances ou d'inexactitudes ou présentant un caractère incomplet.

21. Il ressort du dossier de première instance que, pour justifier la majoration appliquée sur le fondement du b) de l'article 1728-1 du code, l'administration s'est bornée à faire valoir devant les premiers juges que la SCI Sabatier n'avait pas déposé de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de janvier à mai 2013 en dépit d'une mise en demeure, sans invoquer un manquement délibéré de la société. Ainsi, le tribunal administratif, en se fondant d'office sur le moyen, qui n'est pas d'ordre public, que la pénalité était justifiée au regard des dispositions de l'article 1729 du code, pour la confirmer, a entaché son jugement sur ce point d'une irrégularité qu'il y a lieu de relever d'office en appel. Le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé en tant qu'il a statué sur la pénalité d'un montant de 20 332 euros appliquée à ces droits.

22. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement, dans cette mesure, sur la demande présentée par la SCI Sabatier devant le tribunal administratif de Dijon.

23. Il est constant que la SCI Sabatier n'a pas souscrit sa déclaration mensuelle de taxe sur la valeur ajoutée des mois de janvier à mai 2013 avant le 30 juin 2015, date à laquelle elle a tardivement souscrit ses déclarations mensuelles de l'année 2013 après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure de régulariser sa situation qui lui est parvenue le 5 août 2013. C'est dès lors par une exacte application des dispositions citées ci-dessus que les droits rappelés au titre des mois de janvier à mai 2013 ont été assortis de la majoration de 40 % prévue au b) de l'article 1728-1 du code général des impôts. La demande de substitution de base légale du ministre ne peut dès lors qu'être rejetée.

En ce qui concerne la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts :

24. La SCI Sabatier reprend en appel le moyen tiré de ce que la pénalité pour manquement délibéré doit être remise compte tenu de ce que le rehaussement de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de novembre 2013 est contesté. Ce moyen a été écarté à bon droit par les premiers juges au point 24 de leur jugement par des motifs qu'il convient pour la cour d'adopter.

Sur l'amende fiscale de l'article 1729 D du code général des impôts :

En ce qui concerne l'étendue du litige sur ce point :

25. Par une décision du 19 septembre 2022, postérieurement à l'introduction de la requête, le directeur du contrôle fiscal centre-est a prononcé, à hauteur de 10 000 euros, le dégrèvement des amendes mises à la charge de la SCI Sabatier sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts. Les conclusions de la requête de la SCI Sabatier sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

26. Aux termes de l'article 1729 D du code général des impôts dans sa version applicable à la date de l'avis de vérification de comptabilité du 14 septembre 2016 : " Le défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales entraîne l'application d'une amende égale à 5 000 € ou, en cas de rectification et si le montant est plus élevé, d'une majoration de 10 % des droits mis à la charge du contribuable. "

En ce qui concerne le bien-fondé de l'amende :

27. Il résulte de l'instruction que, par un procès-verbal du 18 octobre 2016 signé par sa cogérante, la SCI Sabatier a été mise en demeure de fournir les copies des fichiers des écritures comptables conformément aux dispositions précitées du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Il est constant que seul le fichier des écritures comptables relatif à l'année 2013 a été remis au vérificateur.

28. La SCI Sabatier ne peut utilement se prévaloir du paragraphe 55 de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-60-40-10 selon laquelle " par mesure de tolérance, sont dispensées de fournir un fichier des écritures comptables les sociétés civiles immobilières (SCI) soumises exclusivement aux revenus fonciers et qui ne comportent que des associés personnes physiques. / Les autres SCI sont, en revanche, tenues de fournir un fichier des écritures comptables. Il en est ainsi des SCI soumises aux impôts commerciaux. " publiée le 7 juin 2017 postérieurement aux années d'imposition en litige et dont les énonciations qui ont trait au " champ d'application de la procédure de remise de la copie des fichiers des écritures comptables " ne comportent aucune interprétation formelle de la loi fiscale, au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

29. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SCI Sabatier n'est pas fondée à demander la décharge de la majoration prévue par le b) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts et, sous réserve du dégrèvement partiel de l'amende prononcé en cours d'instance, n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

30. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SCI Sabatier présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 10 000 euros en ce qui concerne les amendes infligées sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SCI Sabatier.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 juillet 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la SCI Sabatier tendant à la décharge de la majoration de 40 % prévue au b) du l'article 1728-1 du code général des impôts appliquée au titre de l'année 2013.

Article 3 : La demande présentée par la SCI Sabatier devant le tribunal administratif de Dijon en ce qui concerne cette majoration ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Sabatier et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. Pruvost La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02527
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal - Moyens d'ordre public.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SCP MAZEN CANNET MIGNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-20;20ly02527 ?
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