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18/10/2022 | FRANCE | N°21LY01094

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 21LY01094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2019 par lequel le président de la métropole de Lyon a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée ... à Villeurbanne (69100).

Par un jugement n° 1908026 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 30 septembre 2019 et a enjoint à la métropole de Lyon de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets de l'arrêté du 30 septembre 2

019, dans les conditions prévues aux points 8 et 9 du jugement.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2019 par lequel le président de la métropole de Lyon a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée ... à Villeurbanne (69100).

Par un jugement n° 1908026 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 30 septembre 2019 et a enjoint à la métropole de Lyon de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets de l'arrêté du 30 septembre 2019, dans les conditions prévues aux points 8 et 9 du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 avril 2021, la métropole de Lyon, représentée par Me Jacques, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme B... présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de condamner M. et Mme B... à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme n'impose pas à l'autorité détentrice du pouvoir de préemption de pouvoir justifier de l'usage de ce pouvoir par l'existence d'un projet d'aménagement spécifique, alors que le bien se situe à l'intérieur du périmètre d'un projet permettant le renouvellement urbain ;

- la circonstance que la métropole de Lyon n'a pas fait suite à une offre d'achat de gré à gré faite par les propriétaires un an plus tôt est sans incidence ;

- en tout état de cause, la métropole disposait d'un projet suffisamment réel sur le bien en cause dès lors que la parcelle en cause est située dans le périmètre de l'étude de cadrage urbain de l'ilot de Fays et s'inscrit dans un projet de réaménagement urbain poursuivi en vue de permettre un développement de l'habitat et d'activités dans cette zone.

Par un mémoire enregistré le 31 mai 2021, M. et Mme B... concluent au rejet de la requête, à ce que les conclusions en injonction soient assorties d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter d'un mois à partir de la notification de l'arrêt à intervenir, et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la métropole de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés et reprennent l'intégralité de leurs moyens soulevés en première instance.

Par ordonnance du 7 avril 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 9 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., présidente-asesseure,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me Depenau, représentant la métropole de Lyon, et de Me Jorion, représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... se sont portés acquéreurs, par un compromis de vente signé le 16 juillet 2019, d'une maison d'habitation de deux étages située sur la parcelle cadastrée ... à Villeurbanne. Par un arrêté du 30 septembre 2019, le président de la métropole de Lyon a exercé le droit de préemption urbain sur ce bien. Saisi par M. et Mme B... d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande par un jugement du 4 février 2021, au motif que la métropole de Lyon ne pouvait être regardée comme justifiant de ce qu'à la date de l'acte contesté, elle disposait réellement d'un projet répondant aux conditions fixées par les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme, et lui a enjoint de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets de l'arrêté du 30 septembre 2019. La métropole de Lyon relève appel de ce jugement.

Sur l'appel principal de la métropole de Lyon :

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

3. En l'espèce, pour prendre la décision litigieuse, la métropole de Lyon s'est fondée sur ce que le bien faisant l'objet de la décision de préemption, à savoir une maison d'habitation de deux logements sur trois niveaux, d'une superficie de 275 m², se situe dans le périmètre d'une étude menée sur le secteur Grandclément, qui couvre 120 hectares, et plus précisément au sein d'un îlot d'environ 10 hectares, caractérisé par " un tissu urbain complexe et hétérogène, faisant l'objet d'une importante dynamique immobilière, entretenu par la présence de parcelles mutables et par un dynamisme économique associé à l'ouverture récente du Médipôle ". L'arrêté indique que la métropole de Lyon a acquis la propriété de terrains situés sur cet îlot et qu'une étude de cadrage urbain a mis en évidence son morcellement foncier et la nécessité d'une intervention en vue de favoriser le remembrement foncier et l'émergence de projets. Il précise enfin que le bien à usage d'habitation faisant l'objet du droit de préemption " limite les perspectives de remembrement avec les fonciers voisins à vocation économique ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'étude de cadrage urbain dont se prévaut la métropole de Lyon, réalisée le 29 août 2017 et réactualisée jusqu'au 4 juin 2018, souligne le morcellement de cet espace à usage économique et d'habitation et suggère plusieurs hypothèses de réaménagement urbain de cet ensemble. En premier lieu, cette étude suggère d'améliorer la desserte de l'îlot, qui fonctionne en impasses, en vue de limiter la coupure urbaine qu'il représente, ainsi que son accessibilité aux modes de déplacement doux. Lors de réunions qui ont suivi l'étude de cadrage en juin et juillet 2018, la métropole de Lyon a repris cet objectif d'amélioration du maillage interne via notamment la prolongation des impasses. Il ne ressort toutefois ni de cette étude, ni des comptes rendus de ces réunions de la métropole de Lyon, que la parcelle d'assiette du bien préempté se trouve sur un axe de circulation à créer. En deuxième lieu, aux termes des mêmes documents, un objectif d'amélioration du potentiel de rayonnement économique de la zone a été identifié. Il est envisagé notamment de développer la programmation économique à l'Est de l'îlot et de conserver le résidentiel et l'ambiance de faubourg à l'Ouest de l'îlot. La parcelle litigieuse, au Nord de l'îlot, n'est identifiée qu'une fois dans l'un des nombreux schémas présents dans l'étude dans ses différentes versions, comme possible " enjeu d'extension de périmètre identifié comme mutable aux parcelles voisines pour faciliter les opportunités de projet ". Pour le reste, cette parcelle n'apparait pas comme se situant à un endroit stratégique pour la réalisation d'un scénario envisagé et les objectifs poursuivis, et la rue qui la dessert n'est d'ailleurs pas mentionnée dans la synthèse littéraire de l'étude, ni dans les comptes rendus de réunions de la métropole de Lyon. En troisième lieu, si la métropole de Lyon se prévaut de ce qu'elle a exercé son droit de préemption sur d'autres parcelles situées dans cet îlot, celles-ci se trouvent au Sud-Est de l'îlot, identifié par l'étude de cadrage comme une zone de morcellement parcellaire et de mutabilité. La parcelle en cause est isolée de cette zone, notamment par des bâtiments d'habitation collectifs, et la circonstance qu'elle est de plus petite taille que les parcelles voisines n'en fait pas pour autant une parcelle isolée au sein de " fonciers voisins à vocation économique ". En dernier lieu, la seule circonstance que la parcelle se trouve dans le périmètre de l'îlot ayant fait l'objet d'une étude démontrant la nécessité d'une intervention foncière de la commune ne suffit pas à démontrer la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement concernant la parcelle objet du présent litige, dès lors que le rattachement de cette parcelle au projet global dont la métropole de Lyon se prévaut n'est pas établi. A cet égard, contrairement à ce que soutient la métropole de Lyon, la circonstance que, le 13 novembre 2018, elle n'a pas donné suite à l'offre d'achat de gré à gré de la parcelle en litige, que ses propriétaires lui avaient faite le 18 septembre précédent, est un indice de ce que l'étude de cadrage dont elle se prévaut et qui avait été réalisée antérieurement, ne l'identifiait pas comme stratégique pour la réalisation des objectifs définis. Eu égard à ces différentes considérations, la métropole de Lyon ne justifie pas de ce qu'à la date de l'acte contesté, elle disposait réellement d'un projet répondant aux conditions fixées par les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme, englobant la parcelle litigieuse.

5. Il résulte de ce qui précède que la métropole de Lyon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de M. et Mme B.... Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur l'appel incident de M. et Mme B... :

6. Le jugement du 4 février 2021 du tribunal administratif de Lyon, qui annule en son article 1er la décision en litige, a, dans son article 2, enjoint à la métropole de Lyon de prendre toute mesure pour mettre fin aux effets de cette décision en proposant aux anciens propriétaires indivis, dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, d'acquérir le bien, puis, éventuellement, en cas de refus de leur part, et dans les meilleurs délais, en faisant cette même proposition à M. et Mme B....

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la métropole de Lyon est rejetée.

Article 2 : La métropole de Lyon versera 2 000 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole de Lyon et à M. et Mme C... et D... B....

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Mehl-Schouder, présidente,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

C. A...La présidente,

M. E...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01094
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LEGA-CITE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-18;21ly01094 ?
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