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13/10/2022 | FRANCE | N°21LY00960

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 13 octobre 2022, 21LY00960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge ou la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge au titre des périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 et du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1905382 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leu

r demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge ou la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge au titre des périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 et du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1905382 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mars 2021 et 23 février 2022,

M. et Mme A..., représentés par Me Chareyre, demandent à la cour :

1°) d'annuler ou de réformer le jugement susvisé du tribunal administratif de Lyon du

9 février 2021 et, à titre principal, de leur accorder la décharge ou la réduction sollicitées et, à titre subsidiaire, de leur accorder la décharge de la majoration de 80% pour activité occulte ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les opérations d'achat-revente réalisées ne peuvent être qualifiées d'activité professionnelle ; elles constituent le loisir de M. A... ;

- l'administration fiscale n'ayant pas relevé l'existence d'une activité professionnelle lors d'un précédent contrôle portant sur les années 2010 et 2011, ils sont fondés à revendiquer le bénéfice de la garantie prévue par les articles L. 80 A et L. 80 B du code général des impôts, l'administration ayant pris une position formelle sur leur situation ;

- le rehaussement des bénéfices industriels et commerciaux doit être réduit sur l'année 2015 à hauteur de la somme de 18 000 euros dès lors que cette somme ne leur a jamais été versée en espèces par l'acheteur du véhicule Mercedes 230 SL ;

- la majoration de 80 % pour activité occulte n'est pas justifiée dès lors que la qualification d'activité professionnelle n'est pas démontrée et qu'ils peuvent se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration s'agissant du taux de la majoration à appliquer.

Par deux mémoires, enregistrés les 5 août 2021 et 14 avril 2022 (non communiqué), le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 23 février 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 8 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

-et les observations de Me Chareyre pour les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle en 2017, portant sur les années 2014 et 2015, à l'issue duquel l'administration a considéré que M. A... avait exercé, au cours de ces années, une activité professionnelle d'achat-revente de véhicules d'occasion. Elle a, en conséquence, opéré un rehaussement dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, qui a généré une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme A... au titre de l'année 2015 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge au titre des périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 et du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, assortis d'une majoration de 80 % pour activité occulte. Ces derniers relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge ou à la réduction de ces impositions et rappels.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne le principe de l'imposition :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 110-1 du code de commerce : " La loi répute actes de commerce : / 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre (...) " et en vertu de l'article 34 du code général des impôts : " sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si l'accomplissement habituel d'opérations ayant le caractère d'actes de commerce, tels que l'achat en vue de la revente de biens meubles, caractérise l'exercice d'une profession commerciale dont les bénéfices sont, sauf disposition législative spécifique, soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article 34 du code général des impôts, le seul fait de procéder à la vente de biens meubles, fût-ce de manière répétée, ne suffit pas à traduire l'exercice d'une telle profession lorsque ces biens n'ont pas été acquis en vue de leur revente.

3. Il résulte de l'instruction que M. A... a acquis quatre véhicules au cours de l'année 2014 et qu'il les a revendus quelques mois plus tard ainsi que deux autres véhicules qu'il avait achetés en 2013. Il a également revendu au cours de l'année 2015 cinq véhicules achetés entre 2013 et 2015 et pour trois d'entre eux détenus moins de 8 mois. Il est constant que ces transactions ont concerné, pour la plupart, des véhicules de marque Jaguar, Mercedes, ou Porsche, dont la mise en circulation datait de plus de trente ans et qui pouvaient être qualifiés de voitures de collection. Si M. A... soutient qu'il a procédé à ces opérations d'achat puis de revente dans le cadre d'un loisir personnel, il résulte des faits ainsi constatés par l'administration et rappelés dans la proposition de rectification adressée à M. et Mme A... le 5 février 2018 qu'eu égard au nombre d'opérations réalisées et à leur fréquence au cours des années 2014 et 2015, ces opérations doivent être regardées comme présentant un caractère habituel. En outre, dès lors que les véhicules revendus au cours des années d'imposition ne sont pas demeurés dans le patrimoine de M. A... pendant une longue période, l'administration a pu considérer que ces biens étaient destinés à être revendus dès leur acquisition. M. et Mme A... ne contestent pas à ce titre que, pour certaines ventes, M. A... avait acheté des pièces détachées pour réparer le véhicule avant même son achat ce qui démontre une intention de le revendre, ce qu'il a fait dans une courte période. Enfin, il ressort de la proposition de rectification susvisée que

M. A... a reconnu au cours de l'examen mené par l'administration avoir l'intention de " créer une structure afin d'exercer son activité d'achat-revente de façon régulière ", activité qu'il a effectivement créée à compter de l'année 2018. Eu égard à ces circonstances, l'administration a pu à bon droit considérer que les biens en cause étaient destinés à être revendus dès leur acquisition et, en conséquence, à regarder M. A... comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts et imposer les revenus issus de cette activité de revente dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

5. Si M. et Mme A... se prévalent d'un précédent contrôle portant sur les années 2010 et 2011 au cours duquel l'administration fiscale n'a pas remis en cause les opérations d'achat-revente de véhicules d'occasion effectués par M. A..., une telle absence de redressement, qui concerne au demeurant des années d'imposition différentes, ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait qui serait opposable à l'administration fiscale sur le fondement des dispositions précitées du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

6. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises (...) commerciales (...) lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office (...) n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ". Aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

7. Eu égard à la situation d'évaluation d'office sur les deux années en litige des bénéfices industriels et commerciaux résultant de l'activité individuelle commerciale occulte de M. A..., faute d'avoir déposé des déclarations des bénéfices réalisés ou d'avoir fait connaître son activité professionnelle auprès d'un centre de formalités des entreprises, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses incombe à M. et Mme A....

8. Les requérants contestent le bénéfice retenu par l'administration s'agissant de la vente réalisée le 17 juin 2015 de deux véhicules de marque Mercedes 230 SL et 280 SL vendues à M. C... pour un montant de 52 500 euros et soutiennent que si ce dernier a indiqué à l'administration avoir versé un montant de 52 500 euros perçu par M. A... pour la vente de ces véhicules incluant un versement d'espèces de 18 000 euros, la vente s'est conclue au prix de 34 500 euros ainsi qu'en atteste le dépôt et l'encaissement d'un chèque du même montant le

17 juin 2015. Il résulte de l'instruction que, pour imposer le complément de prix de

18 000 euros, l'administration s'est uniquement fondée sur les déclarations de M. C... qui, lors de son audition du 5 avril 2016 par les services de gendarmerie de Fontaines-sur-Saône, a mentionné une somme de 18 000 euros versée en espèces alors qu'il n'avait également mentionné que la vente d'un seul véhicule ce qui s'est avéré mensonger. Ce dernier n'a, par ailleurs, pas mentionné dans le courriel adressé à l'administration le 21 novembre 2017 ce complément de prix de 18 000 euros en espèces qu'il dit avoir versé. Dans ces conditions, l'administration ne pouvait se fonder uniquement sur les déclarations de M. C..., sans aucun autre élément corroborant ses allégations, pour imposer la somme de 18 000 euros. Les requérants apportent ainsi la preuve du caractère exagéré du rehaussement de leur bénéfice imposable opéré par l'administration fiscale à hauteur de cette somme.

En ce qui concerne la majoration pour activité occulte :

9. M. et Mme A... réitère en appel le moyen tiré de ce que l'administration ne justifie pas de l'application de la majoration de 80% pour activité occulte et de ce qu'ils peuvent se prévaloir d'une prise de position formelle de l'interlocuteur départemental s'agissant du taux de la majoration à appliquer. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux point 14 et 15 de leur jugement et qui ne sont pas critiqués en appel et alors qu'il n'est pas contesté non plus que les requérants n'ont pas déclaré les plus-values afférentes aux ventes réalisées à l'impôt sur le revenu.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... sont uniquement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande en décharge des impositions en litige à hauteur de l'imposition de la somme de 18 000 euros concernant la vente opérée le 17 juin 2015.

Sur les frais liés au litige :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : M. et Mme A... sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2015 ainsi que du rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la somme de 18 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1905382 du 9 février 2021 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. et Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 octobre 2022.

La rapporteure,

V. Rémy-Néris

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

S. Lassalle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°21LY00960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00960
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Personnes et activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CHAREYRE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-13;21ly00960 ?
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