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11/10/2022 | FRANCE | N°21LY03298

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 11 octobre 2022, 21LY03298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 mai 2021 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103861 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2021, Mme C..., représentée p

ar Me Aldeguer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2021 ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 mai 2021 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103861 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2021, Mme C..., représentée par Me Aldeguer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 12 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer le titre de séjour demandé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant un titre de séjour a été prise en méconnaissance de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Turquie du 12 septembre 1963 et du protocole additionnel du 23 novembre 1970 et des articles 7 alinéa 1er, 12, 13 et 14 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie ; le préfet ne pouvait pas lui opposer la nécessité d'un regroupement familial dès lors qu'elle remplissait les conditions posées par l'article 7 alinéa 1er précité en ce qu'elle a la qualité de conjoint d'un ressortissant turc, titulaire d'une carte de résident de dix ans et travaillant en France, et, qu'au moment de son entrée en France, elle était titulaire d'une carte de séjour délivrée en Belgique ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3, 1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, 1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

La clôture de l'instruction a été fixée au 26 juillet 2022, par une ordonnance du 11 juillet précédent.

Le préfet de l'Isère n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie du 12 septembre 1963, approuvé par la décision 64-732 CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;

- le protocole additionnel et le protocole financier, signés le 23 novembre 1970, annexés à l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, approuvé par le règlement 2760/72/CEE du Conseil du 19 décembre 1972 ;

- la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante turque née en 1983, est entrée en dernier lieu en France en mai 2018. Elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 12 mai 2021, le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 16 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 alinéa 1er de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie : " Les membres de la famille d'un travailleur turc appartenant au marché régulier de l'emploi d'un État membre, qui ont été autorisés à le rejoindre : / - ont le droit de répondre - sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté - à toute offre d'emploi lorsqu'ils y résident régulièrement depuis trois ans au moins ; / - y bénéficient du libre accès à toute activité salariée de leur choix lorsqu'ils y résident régulièrement depuis cinq ans au moins. ". Ces stipulations doivent être interprétées en ce sens qu'un membre de la famille d'un travailleur turc, ressortissant d'un pays tiers autre que la Turquie, peut invoquer, dans l'État membre d'accueil, les droits qui résultent de cette disposition, dès lors que toutes les autres conditions prévues par celle-ci sont remplies. Par ailleurs, aux termes de l'article 12 de cette décision : " Lorsqu'un État membre de la Communauté ou la Turquie subit ou est menacé de subir des perturbations graves sur son marché de l'emploi pouvant entraîner des risques graves pour le niveau de vie ou d'emploi dans une région, branche d'activité ou profession, l'État concerné peut ne pas appliquer automatiquement les dispositions des articles 6 et 7. L'État concerné informe le conseil d'association de cette restriction temporaire. " L'article 13 du même texte prévoit que : " - Les États membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d'accès à l'emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l'emploi. ". Enfin, aux termes de l'article 14 du texte précité : " Les dispositions de la présente section sont appliquées sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité et de santé publiques. ".

3. Mme C... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre du refus de séjour en litige, des stipulations précitées des articles 7, 12, 13 et 14 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie, lesquelles régissent l'accès à l'emploi des conjoints de travailleurs turcs ayant été admis à résider régulièrement sur le territoire aux côtés de leur époux, condition que ne remplit pas l'intéressée.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a séjourné plus de deux années en France sans entreprendre de démarche pour régulariser sa situation après son entrée en mai 2018. Elle fait valoir qu'elle est mariée depuis le 23 février 2018 avec un compatriote, lequel travaille en France et est titulaire d'une carte de résident valable dix ans et que le couple a deux enfants nés en 2019 et 2021. Toutefois, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressée, du fait que leur union est récente, que les enfants sont encore en bas âge et peuvent demeurer, le cas échéant, avec leur mère et de la possibilité pour celle-ci de solliciter le bénéfice du regroupement familial ou encore que son époux la rejoigne dans leur pays d'origine, la décision du préfet de l'Isère n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Pour les mêmes motifs, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3, 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. En troisième lieu, Mme C... n'établissant pas que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait illégale, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée et doit, en conséquence, être rejetée.

6. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux développés au point 4.

7. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants du couple nés en 2019 et 2021 ne pourraient pas suivre leur mère et, le cas échéant, que l'époux de Mme C... ne puisse leur rendre visite en Turquie le temps de l'instruction d'une éventuelle procédure de regroupement familial. Par suite, en l'obligeant à quitter le territoire, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3, 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., épouse A... et(/nom)(ano)A(/ano) au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022.

La rapporteure,

C. Burnichon La présidente,

M. D...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03298
Date de la décision : 11/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-11;21ly03298 ?
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