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06/10/2022 | FRANCE | N°21LY03019

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 octobre 2022, 21LY03019


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques (DDFP) de la Drôme lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, de condamner l'État à l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices liés à l'illégalité de la décision du 25 mai 2018, et d'enjoindre à ce dernier de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai de quinze jours suivant la notification du jug

ement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques (DDFP) de la Drôme lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, de condamner l'État à l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices liés à l'illégalité de la décision du 25 mai 2018, et d'enjoindre à ce dernier de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1806370 du 22 mars 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 septembre 2021 et le 5 janvier 2022, Mme C..., représentée par Me Poulet-Mercier-l'Abbé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;

2°) de condamner l'État à l'indemniser de l'ensemble des préjudices liés à l'illégalité de la décision du 25 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre au DDFP de la Drôme de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le directeur départemental des finances publiques a méconnu l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; elle avait droit à la protection fonctionnelle dès lors qu'elle était victime de harcèlement moral ; elle a été victime de discrimination ;

- l'illégalité de la décision du 25 mai 2018 lui a causé des préjudices d'un montant total de 130 300 euros.

Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 6 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 janvier 2022.

Par une lettre du 30 juin 2022, la cour a informé les parties, qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte.

Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a répondu au moyen d'ordre public en soutenant qu'il n'était pas fondé.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2009-208 du 20 février 2009 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., agent administratif des finances publiques, affectée à compter du 1er septembre 2013 à la direction départementale des finances publiques de la Drôme, a présenté le 14 août 2014 une demande tendant à ce que son administration lui accorde le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison de faits de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime. Par décision du 25 mai 2018, le DDFP de la Drôme lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle. Mme C... demande l'annulation du jugement qui a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et de condamnation de l'État à l'indemniser.

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

3. La décision attaquée mentionne précisément les considérations de droit ainsi que les éléments de fait propres à la situation de Mme C..., qui lui servent de fondement. Ainsi, et quand bien même le rapport d'enquête administrative n'a pas été communiqué à l'intéressée, cette décision satisfait à l'obligation de motivation résultant des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa version applicable au litige : " (...) IV. La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

5. Des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre à l'agent public qui en est l'objet d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions ci-dessus de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont les fonctionnaires et les agents publics non titulaires pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions.

6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Mme C... soutient qu'elle a subi des agissements constitutifs d'un harcèlement moral en évoquant ses conditions de travail au sein de la direction départementale des finances publiques de la Drôme. Ils auraient pour origine une discussion qu'elle a eue le 12 septembre 2012 avec son supérieur hiérarchique direct à propos d'échanges que l'intéressée avait précédemment eus le 17 août 2012 avec la responsable des ressources humaines de la direction départementale des finances publiques du Haut-Rhin concernant une formation qu'elle envisageait. A la suite de cet évènement, elle aurait été progressivement mise à l'écart professionnellement jusqu'à son placement d'office en disponibilité pour raison de santé. Mais rien au dossier ne permet de dire que, lors de cet entretien, son supérieur hiérarchique aurait manifesté à son égard un comportement ou tenu des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ni que les troubles psychiques qui l'ont affectée par la suite seraient en lien avec les conditions d'exercice du service. Au nombre des actes de harcèlement dont elle se plaint, figurent notamment sa mutation dans le département de la Drôme au services des impôts de Romans sur Isère, l'organisation de son travail selon le régime du temps partiel au lieu d'un temps partiel thérapeutique, l'absence de convocation à un oral d'entraînement pour le concours interne de contrôleur des finances publiques, le délai de saisine et de consultation de la commission de réforme et le retard pris par l'administration pour prendre la décision du 28 février 2015, l'absence de placement en congé de maladie à plein traitement à titre conservatoire le temps de l'instruction de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, le défaut de convocation par le médecin de prévention, l'absence d'information et de rapport du médecin de prévention sur sa demande d'imputabilité au service de sa maladie, les conditions de saisine du comité médical, le refus d'indemnisation de jours compte épargne temps, le blocage répété du versement mensuel des indemnités journalières de maladie, sans plus de précisions, la connaissance par des agents du service de gestion du personnel d'éléments d'ordre médical la concernant, le refus de lui communiquer le rapport d'enquête administrative de 2014, l'absence de réponse à sa demande d'aménagement de poste compte tenu de sa qualité de travailleur handicapé, son placement en disponibilité d'office pour raisons de santé sans traitement. Toutefois, et alors que l'administration, non sérieusement contestée sur ce point, fait valoir que la situation de Mme C... a été traitée par les services gestionnaires de manière identique à celle des autres agents et que l'intéressée, en congés maladie à compter du 10 octobre 2012, et mutée dans le département de la Drôme à compter du 1er septembre 2013, n'a été présente qu'une seule journée, le 7 janvier 2014, dans les services de sa nouvelle direction d'affectation, avant de bénéficier de congés de maladie ordinaire pour la période du 8 janvier 2014 au 7 janvier 2015 et d'être placée en disponibilité d'office pour raisons de santé du 8 janvier au 7 juillet 2015, aucun des éléments produits n'apparaît susceptible de faire présumer un tel harcèlement et, en lien avec ce dernier, une dégradation de ses conditions de travail et de sa situation. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production du rapport d'enquête administrative de 2014, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

8. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race (...) ".

9. Le juge, lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination, attend du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il lui soumette des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. Si Mme C... soutient avoir subi une discrimination, elle se borne à faire état de ce qu'elle n'aurait pas été convoquée à un oral d'entraînement pour un concours. Toutefois elle a été informée à deux reprises de la tenue de cet oral blanc, sans qu'à aucun moment elle ne manifeste sa volonté d'en connaitre les dates pour y participer. Une telle circonstance ne suffit pas à laisser présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement entre les personnes. Par suite, le moyen tiré par Mme C... de ce qu'elle a été victime de discrimination doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires et celles à fin d'injonction.

12. Les conclusions présentées par Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.M. A...

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY03019 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03019
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : POULET-MERCIER-L'ABBE MARJOLAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-06;21ly03019 ?
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