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29/09/2022 | FRANCE | N°21LY03027

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 29 septembre 2022, 21LY03027


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2104189 du 12 août 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, en application de l'article L. 614-15

du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeté sa demande en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2104189 du 12 août 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, en application de l'article L. 614-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre les décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et interdisant son retour sur le territoire pour une durée de trois ans.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Messaoud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104189 du 12 août 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 25 juin 2021 du préfet de l'Isère l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et interdisant son retour sur le territoire pour une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder à l'effacement dans le système d'information Schengen de son signalement aux fins de non-admission ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- il entre de plein droit dans le champ des stipulations du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 de sorte qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- les stipulations du 2° et du 3° de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

Sur l'interdiction de retour pour une durée de trois ans :

- la décision attaquée a été prise au visa des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui étaient abrogées et est dès lors privée de base légale ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- sa durée est disproportionnée.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 20 juin 1999, est entré irrégulièrement en France le 18 janvier 2018. Le 29 octobre 2020, il a sollicité son admission au séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un arrêté du 25 juin 2021, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement du 12 août 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour pour une durée de trois ans.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

2. Il ressort des pièces du dossier que les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressé ont été pris en considération par l'autorité administrative et que celle-ci a procédé à l'examen particulier du dossier de M. B....

Sur l'obligation de quitter le territoire français sans délai :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

4. M. B..., père d'un enfant français né le 9 juin 2021, soutient qu'il remplissait à la date de l'arrêté attaqué les conditions posées par les stipulations du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié pour l'obtention d'un certificat de résidence d'une validité d'une année. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, M. B..., incarcéré depuis le 26 février 2021, a été condamné, par un jugement du 26 mars 2021 du tribunal correctionnel de Grenoble, à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement pour des faits de violence sur son épouse et sur la fille mineure de celle-ci. Compte tenu de la gravité de ces faits et de leur caractère récent, le préfet est ainsi fondé à soutenir que la présence en France de M. B... constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, en édictant à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " (...) 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. ".

6. M. B... fait valoir qu'il vit en France depuis 2018, qu'il est marié avec une ressortissante française, avec laquelle il a eu un enfant né le 9 juin 2021. Toutefois, alors que le mariage, contracté le 17 juillet 2020, était très récent à la date de l'arrêté attaqué et que l'intéressé n'allègue pas de vie commune antérieure, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné le 26 mars 2021 pour des faits de violence commis sur son épouse et sur la fille mineure de celle-ci, née d'une précédente union. Au surplus, il ressort de l'enquête administrative sur la communauté de vie du couple qu'il existe des doutes sur la sincérité du mariage. M. B..., dont la fille est née alors qu'il était incarcéré depuis plusieurs mois, ne justifie pas avoir entretenu de liens ou participé à l'éducation de son enfant depuis sa naissance. L'intéressé, qui ne justifie d'aucune intégration sociale ou professionnelle dans la société française, n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où vivent notamment ses parents ainsi que son frère et sa sœur. Par suite, le préfet de l'Isère n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale sur les droits de l'enfant, ni celles de l'article 24 de la charge des droits fondamentaux de l'Union européenne. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant. (...) ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, le requérant ne justifie pas, par les pièces produites, de la réalité des liens qu'il entretiendrait avec sa fille. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant doit, en tout état de cause, être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

9. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement du refus de titre de séjour, M. B... ne saurait, en tout état de cause, utilement exciper de l'illégalité de ce refus à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

10. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle lui interdisant le retour sur le territoire français.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

12. D'une part, si l'un des visas de l'arrêté attaqué mentionne les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors abrogées, cette circonstance qui procède d'une erreur de plume, comme l'atteste la mention dans les visas du même arrêté de l'article L. 612-6 et L. 612-10, est sans influence sur la légalité de la décision contestée et ne saurait, en tout état de cause, la priver de base légale.

13. D'autre part, comme il a été indiqué précédemment, M. B..., entré en France en 2018, ne démontre ni l'intensité de ses attaches familiales en France, notamment des liens qui l'unissent à sa fille, ni l'absence de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine. Eu égard au caractère grave et récent des faits pour lesquels il a été condamné pénalement en 2021, son comportement représente une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

C. Bentéjac

Le président,

F. PournyLa greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03027


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03027
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Caroline BENTEJAC
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : MESSAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-29;21ly03027 ?
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