Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 décembre 2020 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2100585 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 22 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Henry, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 16 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande d'annulation n'est pas tardive ;
- l'arrêté litigieux a été adopté au terme d'une procédure irrégulière, aucun récépissé de demande ne lui ayant été délivré en méconnaissance de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- contrairement à ce qu'a retenu le préfet, sa demande n'était pas fondée sur l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;
- le préfet a commis une erreur de droit, en exigeant la production d'un visa de long séjour ;
- le préfet n'a pas examiné sa demande sur le fondement des articles 11 de l'accord franco-tunisien et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- compte tenu des changements de circonstances, il doit être enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de sa situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2021, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 janvier 2022.
Par une ordonnance du 21 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme du 16 décembre 2020 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
2. En premier lieu, Mme B... ne conteste pas qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, elle ne demande l'annulation de l'arrêté litigieux qu'en ce qu'il rejette sa demande de titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par suite, la circonstance que le préfet de la Drôme se serait à tort abstenu de lui délivrer préalablement un récépissé de sa demande de titre de séjour, et quelles qu'en soient les conséquences sur sa situation, est dépourvue d'incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux.
3. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Par suite, Mme B... ne peut utilement reprocher au préfet de la Drôme d'avoir examiné son droit au séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, en l'absence même de demande en ce sens. Par ailleurs, en application de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet de la Drôme ne pouvait, pour refuser de lui délivrer un titre sur ce fondement, exiger la production d'un visa de long séjour.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.
6. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. En se prononçant, d'une part, sur son droit à bénéficier d'un titre portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en indiquant, d'autre part, que ce même article n'est pas applicable aux ressortissants tunisiens en ce qu'il prévoit la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " avant d'estimer qu'il n'y a pas lieu de procéder à une régularisation exceptionnelle de l'intéressée, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux que, contrairement à ce que prétend Mme B..., le préfet de la Drôme a examiné son droit au séjour sur le fondement des dispositions qu'elle invoquait à l'appui de sa demande.
8. En quatrième lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont la requérante peut utilement se prévaloir. En tout état de cause, Mme B... ne démontre pas relever des hypothèses visées par cette circulaire, en particulier quant à l'expérience professionnelle requise. Le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ne peut donc qu'être écarté.
9. En cinquième et dernier lieu, s'il est constant que Mme B..., ressortissante tunisienne née le 13 février 1987, est entrée en France le 2 octobre 2011, elle ne démontre nullement la continuité de son séjour sur le territoire français depuis cette date. Elle ne s'y prévaut en outre d'aucune attache privée et familiale et ne justifie, par l'activité bénévole qu'elle invoque, au demeurant peu démontrée, par les quelques attestations produites et par les cours, notamment de français, qu'elle aurait suivis, d'aucune intégration particulière. Dans ces circonstances, Mme B... ne justifie manifestement d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, Mme B... se prévalant uniquement d'une promesse d'embauche dépourvue de toute précision, le préfet de la Drôme n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle au titre de sa situation professionnelle.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
11. Doivent être rejetées, par voie de conséquence et sans que Mme B... ne puisse dès lors utilement se prévaloir d'un changement de circonstances, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY02226