La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2022 | FRANCE | N°22LY01483

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 22 septembre 2022, 22LY01483


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2200358 du 13 avril 2022, le magistrat désigné du tribunal a annulé la décision fixant le pays de destination, a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la situation de M. A...

dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2200358 du 13 avril 2022, le magistrat désigné du tribunal a annulé la décision fixant le pays de destination, a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 14 mai 2022 sous le n° 22LY01483, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Cano, demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de destination et de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision fixant le pays de destination méconnaissait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 22 juin 2022, M. A..., représenté par Me Desprat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser ou à verser à Me Desprat dans le cas où l'aide juridictionnelle lui serait accordée en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen soulevé par le préfet n'est pas fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2022.

II. Par une requête enregistrée le 14 mai 2022 sous le n° 22LY01484, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Cano, demande à la cour qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2200358 du 13 avril 2022 du magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative en tant que ce jugement a annulé la décision fixant le pays de destination et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que le moyen qu'il soulève dans la requête au fond est de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions accueillies par ce jugement.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... ;

- les observations de Me D'Ovidio pour le préfet de la Côte-d'Or, et de Me Desprat pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre le même jugement.

2. M. A..., ressortissant lybien, né le 12 octobre 1995, est irrégulièrement entré en France, selon ses déclarations le 27 mai 2016. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 30 avril 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 16 septembre 2021 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 12 janvier 2022, le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. Par un jugement du 13 avril 2022 le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de destination, a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement en lui procurant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et a rejeté le surplus de la demande. Le préfet de la Côte-d'Or demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de destination par la requête n° 22LY01483 et qu'il soit sursis à son exécution, dans cette mesure et en tant qu'il a prononcé une injonction, par la requête n° 22LY01484.

Sur la requête n° 22LY01483 :

3. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable depuis le 1er mai 2021 et anciennement L. 513-2 : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la Cour nationale du droit d'asile a estimé, par une décision du 16 septembre 2021, que M. A... était fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié au motif qu'il craint avec raison, au sens des stipulations de la convention de Genève, d'être persécuté en cas de retour dans son pays en raison des opinions politiques qui lui sont imputées du fait de son engagement armé au sein des milices affiliées à Khalifa Haftar et de sa fuite du pays. La cour a néanmoins refusé de lui accorder le statut de réfugié car il existe des raisons sérieuses de penser que M. A..., en tant que combattant au sein des milices Sawa'iq et Al-Qa'qa'a, en particulier à l'été 2014 à Tripoli, a personnellement contribué, à tout le moins en tant que complice, à la commission d'agissements pouvant être qualifiés de crimes de guerre au sens de l'article 1 F a) de la convention de Genève, sans que ne puisse être retenu un motif de contrainte tiré de la nécessité d'obéissance aux ordres de ses supérieurs hiérarchiques. En produisant cette décision de la Cour nationale du droit d'asile, qui a été prise seulement quatre mois avant que le préfet ne fixe le pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des éléments particuliers permettraient malgré tout d'établir l'absence de risques de traitements inhumains ou dégradants pour M. A..., ce dernier justifie de la réalité et de l'actualité des craintes de persécution dont il se prévaut. Le préfet de la Côte-d'Or a en conséquence, et ainsi que l'a jugé le tribunal, méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en désignant la Lybie comme pays de destination.

5. Il résulte ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a annulé la décision fixant le pays de destination de M. A....

Sur la requête 22LY01484 :

6. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 2200358 du magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon, les conclusions de la requête n° 22LY01484 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont ainsi privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais d'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au préfet de la Côte-d'Or une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Desprat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à lui verser.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22LY01484.

Article 2 : La requête n° 22LY01483 du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Desprat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D....

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

La rapporteure,

A. C...Le président,

Ph. Arbaretaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

Nos 22LY01483, 22LY01484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01483
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité externe.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : DESPRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-22;22ly01483 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award