Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... et M. D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1802088 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er décembre 2020 et le 15 septembre 2021, Mme C... et M. D..., représentés par Me Fouquet-Chabert, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la réduction de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) d'en ordonner le remboursement assorti des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition suivie avec la SAS Lecheres Invests est irrégulière au regard de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales, l'administration n'ayant pas respecté le délai de soixante jours pour répondre à ses observations au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ;
- certaines des dépenses de la SAS Lecheres Invests, considérées comme des revenus taxables entre ses mains, ont été exposées pour les besoins de l'activité de cette société et non dans l'intérêt personnel de Mme C... ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée.
Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2022 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Lecheres Invests, dont Mme C... détenait 10 % des parts, qui avait pour activité la location de machines industrielles, la ventes d'outils et la fourniture de prestations annexes à destination d'un unique client, la société Bamarec SRL, société de droit roumain, filiale de la société Bamarec Precision Components Europe, dont l'intéressée détenait également 20 % des parts, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013, à l'issue de laquelle le vérificateur a réintégré dans les résultats de chacun de ces exercices, des dépenses à caractère personnel de ses deux associés prises en charge par cette société. Tirant les conséquences de ces constatations sur la situation personnelle de Mme C..., l'administration a inclus dans ses revenus imposables des années 2011, 2012 et 2013, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les sommes correspondant aux dépenses personnelles de l'intéressée qu'elle a regardées comme des distributions occultes imposables entre ses mains sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. En conséquence, Mme C... et son époux ont été assujettis, selon la procédure contradictoire, à des compléments d'impôt sur le revenu au titre de ces années et à des contributions sociales, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 40% pour manquement délibéré prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 2 octobre 2020, dont Mme C... et M. D... relèvent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la réduction de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition suivie avec la SAS Lecheres Invests :
2. L'irrégularité de la procédure d'imposition suivie avec une société imposable à l'impôt sur les sociétés est sans influence sur la régularité des compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge des associés, alors même qu'ils procèdent d'une rectification des bases de cette société à l'impôt sur les sociétés. Ainsi, Mme C... et M. D... ne peuvent utilement se prévaloir d'une irrégularité dans la procédure d'imposition suivie avec la SAS Lecheres Invests pour contester la régularité de la procédure d'imposition suivie à leur encontre.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société et d'autre part, qu'il existait une intention pour celle-ci, d'octroyer et pour le tiers de recevoir une libéralité.
4. Il résulte de l'instruction, en particulier des propositions de rectification du 22 décembre 2014 et du 19 mai 2015 adressées à Mme C... et à M. D..., qu'après avoir rappelé que des charges, d'un montant de 18 310 euros en 2011, 34 585 euros en 2012 et 42 845 euros en 2013 correspondant à des dépenses de déplacements et de réception ainsi qu'à des dépenses à caractère personnel de ses deux associés, avaient été réintégrées dans les résultats de la SAS Lecheres Invests au motif qu'elles n'avaient pas été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise, l'administration a considéré que celles de ces sommes correspondant aux dépenses personnelles de Mme C..., pour des montants de 7 611 euros en 2011, 17 651 euros en 2012 et 18 750 euros en 2013, étaient constitutives d'une libéralité, accordée par la SAS Lecheres Invests à son associée, imposable entre les mains de cette dernière sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.
5. Pour considérer que les dépenses en cause n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de la société, l'administration a relevé que ces dépenses n'étaient assorties d'aucune pièce justificative permettant d'identifier leur caractère professionnel, notamment les retraits d'espèce au moyen de la carte bancaire de la société mise à la disposition de l'intéressée et les frais d'habillement de cette dernière. Elle a également relevé que les frais de restauration, comprenant pour certains des " menus enfant " ainsi que les frais d'hôtellerie avaient été exposés les week-ends, que les frais de déplacement à Paris et en Roumanie n'étaient pas assortis des pièces justificatives permettant d'identifier l'objet de ces déplacements et que les factures d'achat de matériel de bureau un dimanche ou de tableaux ne permettaient pas à elles seules de justifier d'un motif professionnel de ces dépenses. Si Mme C... reconnaît que la plupart des dépenses en cause, prises en charge par la SAS Lecheres Invests, présentent un caractère personnel, elle fait valoir, pour certaines d'entre elles, que la circonstance que des repas ont été organisés le week-end, en présence des épouses et enfants de ses partenaires d'affaires, n'enlève en rien leur caractère professionnel. Les pièces qu'elle produit, qui consistent en des tickets de caisse et des notes de frais, sont toutefois insuffisantes à permettre de tenir pour établi l'objet professionnel des frais de restauration et d'hôtellerie en litige. S'agissant de ses déplacements à Paris, l'attestation du président de la société Akya Consulting, qu'elle produit, rédigée le 12 février 2015 pour les besoins de la cause, faisant état de la participation de son associé à des réunions au cours des années 2012 et 2013 dans les locaux de cette entreprise à Paris, n'est pas suffisante à justifier du caractère professionnel des frais de ces déplacements à Paris, non plus que la circonstance que ces frais ont été, en 2017, refacturés à la société Bamarec SRL. De même, en l'absence de toute élément d'explication sur l'objet de son déplacement en Roumanie en mars 2012, la circonstance que la SAS Lecheres Invests a pour unique cliente, la société roumaine Bamarec SRL, et que les frais en cause lui ont été refacturés en 2017 ne saurait être suffisante pour établir que ces frais ont été engagés dans l'intérêt de la SAS Lecheres Invests. Enfin, ni le ticket de caisse émis le 20 février 2011 relatif à l'achat de matériel de bureau, ni la facture, émise par la SARL Bungalow Graphics le 18 mai 2013 pour un montant de 1 030 euros, pour l'achat de deux tableaux ne sont en soi de nature à établir que ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt de la SAS Lecheres Invests alors qu'il est constant que la première de ces dépenses a été exposée à Chamonix un dimanche et que la société ne dispose pas de bureaux où ces tableaux pourraient être exposés. Il en résulte que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe, que les frais en litige, qui présentent le caractère de dépenses personnelles, n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. La prise en charge de ces frais ne s'est ainsi accompagnée d'aucune contrepartie avérée pour la SAS Lecheres Invest et Mme C... étant associée de cette société, la preuve de l'intention pour la SAS d'octroyer et pour Mme C... de recevoir une libéralité est présumée établie. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a inclus les sommes en litige dans les revenus imposables des années 2011, 2012 et 2013 de Mme C... et de M. D... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.
Sur les pénalités :
6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
7. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux compléments d'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquels Mme C... et M. D... ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, l'administration s'est fondée sur la nature des dépenses en cause prises en charge par la SAS Lecheres Invests correspondant à des frais non justifiés par des factures, de frais d'hôtel et de restaurant dont le caractère strictement professionnel n'a pas été démontré, et de frais personnels d'habillement dans diverses boutiques de Chamonix, ainsi que sur la qualité d'associée de Mme C..., qui ne pouvait ignorer ni l'existence d'avantages occultes ni le fait que ces sommes étaient imposables entre ses mains au titre de chacune des années concernées et le caractère répété des faits sur les années 2011 à 2013. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme ayant établi la volonté des contribuables d'éluder les impositions dont ils étaient redevables, justifiant ainsi l'application de la majoration pour manquement délibéré en litige sans que les appelants puissent utilement se prévaloir de ce que Mme C... a remboursé à la SAS Lecheres Invests une somme de 50 000 euros en 2014.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Leurs conclusions tendant au remboursement des impositions en litige assorti des intérêts moratoires et celles présentées au titre des frais du litige doivent en conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... et M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 septembre 2022.
Le rapporteur,
F.-X. PinLe président,
D. Pruvost
La greffière,
A.-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY03509