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22/09/2022 | FRANCE | N°20LY03503

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 22 septembre 2022, 20LY03503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Lecheres Invests a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, la réduction des droits de taxe sur les véhicules de société auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er oct

obre 2012 au 30 septembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, et la déch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Lecheres Invests a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, la réduction des droits de taxe sur les véhicules de société auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, et la décharge de l'amende fiscale qui lui a infligée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1802087 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé la SAS Lecheres Invests, à concurrence de 11 904 euros, des droits de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2014 ainsi que des pénalités y afférentes, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er décembre 2020 et le 15 septembre 2021, la SAS Lecheres Invests, représentée par Me Fouquet-Chabert, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction des impositions restant en litige et des pénalités y afférentes et la décharge de l'amende fiscale ;

3°) d'ordonner le remboursement de ces impositions assorti des intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière au regard de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales, l'administration n'ayant pas respecté le délai de soixante jours pour répondre à ses observations au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ;

- la suspension de la facturation des loyers afférents aux deux machines qu'elle loue à la société de droit roumain, Bamarec SRL, ne saurait être considérée comme une renonciation à recettes ou un abandon de créances constitutifs d'un acte anormal de gestion ; à supposer que la qualification d'abandon de créances puisse être retenue, la suspension avait pour objet la sauvegarde financière de son unique client ;

- les provisions constatées déterminées par rapport à la valeur nette comptables de ces matériels, sont conformes au risque de perte probable encouru par elle ;

- l'ensemble des frais afférents au suivi de l'utilisation de ces machines par sa cliente, et en particulier les frais de déplacements de ses deux associés, relève de ses propres charges d'exploitation et n'avait pas à être refacturé à la société roumaine ;

- elle justifie des raisons pour lesquelles elle n'a pas comptabilisé les ventes d'outillages et de prestations diverses à la société Bamarec SRL ;

- il appartient à l'administration d'apporter la preuve du caractère non déductible des frais de déplacements et de réception de ses associés qui ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise ; les rehaussements consécutifs en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés ne sont pas fondés ;

- la majoration de 40 % n'est pas fondée ;

- le défaut de production dans les délais requis des déclarations d'échanges de services et des déclarations d'échanges de biens procède d'une simple inadvertance et n'a causé aucun préjudice pour le Trésor ; les amendes fiscales qui lui ont été infligées méconnaissent le principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; elles portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens, garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juillet 2022 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Lecheres Invests, dont M. A... et Mme B... détenaient respectivement 90 % et 10 % des parts, qui avait pour activité la location de machines industrielles, la ventes d'outils et la fourniture de prestations annexes à destination d'un unique client, la société Bamarec SRL, société de droit roumain, filiale de la société Bamarec Precision Components Europe, dont M. A... et Mme B... détenaient aussi chacun 20 % des parts, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, le service a, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, refusé d'admettre en déduction la taxe grevant les dépenses engagées à des fins étrangères à l'entreprise et inclus dans les chiffre d'affaires de la société des produits non comptabilisés, réintégré dans ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés les charges correspondant à des dépenses personnelles de ses associés, remis en cause une provision pour pertes sur contrats comptabilisée au titre de l'exercice clos en 2012 et, enfin, assujetti la SAS Lecheres Invests à la taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013. Le service a également considéré, à l'issue d'un contrôle sur pièces, que la société devait être soumise à la taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014. En conséquence de ces contrôles, la SAS Lecheres Invests a été assujettie, selon la procédure contradictoire, d'une part, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à des compléments d'impôt sur les sociétés, au titre de la période vérifiée, auxquels ont été appliqués les intérêts de retard et la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts et, d'autre part, à des droits de taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue au a. de l'article 1728 du code général des impôts. Elle s'est également vu infliger l'amende prévue au a. du 1. de l'article 1788 A du code général des impôts pour n'avoir pas souscrit, dans les délais, les déclarations d'échange de services et les déclarations d'échanges de biens conformément aux articles 289 B et 289 C du code général des impôts. Par un jugement du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir déchargé la SAS Lecheres Invests, à concurrence de 11 904 euros, des droits de taxe sur les véhicules de société assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2014 et des pénalités y afférentes, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La SAS Lecheres Invests relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande de réduction de ces impositions et pénalités et à la décharge de l'amende fiscale.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales : " I.-En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 euros s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 euros, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable. (...) ".

3. La SAS Lecheres Invests soutient sans être contestée, que son chiffre d'affaires des exercices clos en 2013 et 2014, même additionné au montant des rectifications envisagées, n'excède pas la limite de 460 000 euros prévue par les dispositions précitées, qu'elle a fait parvenir à l'administration fiscale, par courriers électroniques du 25 février 2015 et du 19 février 2015, ses observations à la suite, respectivement, de la notification de la proposition de rectification du 19 décembre 2014 portant sur les rehaussements envisagés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés et de taxe sur les véhicules de société et de la notification de la proposition de rectification du 22 décembre 2014 portant sur la taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014, et que l'administration y a répondu après l'expiration du délai de soixante jours prévu par les dispositions précitées.

4. En premier lieu, il est constant que le montant de chiffre d'affaires réalisé par la SAS Lecheres Invests au titre des exercices clos en 2011 et 2012 a excédé le seuil de 460 000 euros fixé par l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales. Dès lors que la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet portait sur les trois exercices clos en 2011, 2012 et 2013, au titre de deux desquels son chiffre d'affaires excédait le seuil fixé par cet article, la circonstance que l'administration fiscale n'a pas répondu à ses observations dans le délai de soixante jours suivant la réception de ses observations à la suite de la notification de la proposition de rectification du 19 décembre 2014, n'a pas entaché la procédure d'une irrégularité.

5. En second lieu, la SAS Lecheres Invests ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 57 A du code général des impôts pour demander la décharge des droits de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 dès lors que cette imposition fait suite à un contrôle sur pièces et non à une vérification de comptabilité et ce alors, au demeurant, que le jugement attaqué a fait droit à sa demande sur ce point.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

6. Aux termes du 1. du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de la même annexe prévoit que : " I.-Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission (...) IV.-1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise (...) ".

7. Lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en œuvre la procédure de rectification contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis était utilisé à plus de 90 % à des fins étrangères à l'entreprise.

8. L'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses correspondant à des frais de déplacement de ses deux associés ainsi que des dépenses de réception et de frais divers dont le caractère professionnel n'est pas justifié. Si la société reconnaît que la plupart de ces dépenses ont été engagées à des fins étrangères à l'exploitation, elle conteste la remise en cause du caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à certaines d'entre elles. En particulier, elle fait valoir que les frais d'hôtellerie et de restauration exposés à Genève ou en Haute-Savoie sont justifiées par les relations d'affaires qu'elle entretient avec ses fournisseurs et autres partenaires et que la circonstance qu'ils ont été engagés le week-end et concernaient également les conjoints et les enfants ne sont pas de nature à leur dénier ce caractère. Elle soutient également que les frais d'hôtel aux Etats-Unis comptabilisés le 1er octobre 2011 pour un montant de 688,12 euros TTC de même que les frais de déplacement de ses associés à Paris dans le cadre de projets d'acquisition de sociétés ou activités par le groupe Bamarec, comptabilisés le 7 mars 2012, le 31 décembre 2012, le 28 janvier 2013 et le 31 décembre 2013 pour des montants de 1 066,98 euros TTC et 1 092,42 euros TTC, 1 234,89 euros TTC et 1 159,90 euros TTC, ont été refacturées en 2017 à la société Bamarec SRL et que le déplacement de Mme B... en Roumanie, comptabilisé le 14 mars 2012 pour un montant de 2 197,49 euros TTC, est justifié par la nature même de son activité pour le compte de cette société. Toutefois, les pièces qu'elle produit qui consistent en des tickets de caisse et des factures ne sont pas suffisantes à démontrer le caractère professionnel des dépenses exposées aux Etats-Unis ou à Paris pas plus que l'attestation du président de la société Akya Consulting, rédigée le 12 février 2015 pour les besoins de la cause, mentionnant la participation de M. A... à certaines réunions en 2012 et 2013, ni les refacturations, émises postérieurement aux opérations de contrôle, de certains frais de déplacement à la société roumaine. Si la société produit un ticket de caisse justifiant l'achat, d'un radioréveil, d'un adaptateur secteur universel et d'une souris optique, il est constant que ces achats ont été réalisés un dimanche à Chamonix. Enfin, la facture de la SARL Bungalow Graphics, émise le 18 mai 2013 pour un montant de 1 030 euros, pour l'achat de deux tableaux, qui au demeurant, ne correspond pas au montant de la charge enregistrée en comptabilité, ne saurait suffire à justifier du caractère professionnel de cette dépense dès lors que la SAS Lecheres Invests ne dispose pas de bureaux où ces œuvres pourraient être exposées. Il en résulte que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que les biens et services en litige ont été utilisés par la SAS Lecheres Invests à plus de 90 % à des fins étrangères à l'entreprise.

Sur l'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne les omissions de recettes :

S'agissant des loyers des machines données en location à la société Bamarec SRL :

9. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

10. Il résulte de l'instruction que la SAS Lecheres Invests a, par deux contrats du 1er décembre 2010 et du 1er novembre 2011, mis à la disposition de la société Bamarec SRL, pour une durée de cinq ans, deux machines industrielles, en contrepartie du paiement d'un loyer mensuel de, respectivement, 2 620 euros et de 1 670 euros. Par des avenants signés le 2 décembre 2012, il a été mis fin de manière anticipée à ces contrats à compter du 1er mars 2013 " compte tenu de la fin du marché additionnel " chambre 616 7129 "au 31 décembre 2012 marché réduit ". Les machines n'ayant pas été restituées à la SAS Lecheres Invests à l'expiration des contrats de location, l'administration fiscale a considéré que cette société avait consenti à la société Bamarec SRL un avantage, qui étant dépourvu de contrepartie, était constitutif d'une renonciation à recettes n'entrant pas dans le cadre d'une gestion commerciale normale. Elle a en conséquence réintégré, dans les résultats de cette société au titre de l'exercice clos en 2013, la somme de 42 720 euros correspondant au montant des loyers dus de mars à décembre 2013, qui n'ont pas été comptabilisés.

11. La société appelante soutient qu'en vertu des contrats de location, qui ont pris fin à compter du 1er mars 2013, le paiement des loyers par la société Bamarec SRL était conditionné par l'usage des machines industrielles et que le marché de production de chambres, conclu entre cette société et le groupe Autoliv, pour lequel les machines en cause avaient été louées, a pris fin. Elle ne conteste toutefois pas que ces machines sont restées à la disposition de la société roumaine après la résiliation des contrats de location et il ne résulte pas de l'instruction que la société Bamarec SRL aurait cessé de les utiliser et ce alors que, ainsi que le soutient l'administration sans être contredite, le groupe Autoliv n'a pas mis fin au marché de production de chambres mais a, par un courrier électronique du 3 octobre 2012, informé la société Bamarec SRL d'une révision à la baisse de la part de marché accordée à cette société sans que cela n'ait nécessairement un impact sur le volume de production pour l'année 2013.

12. La SAS Lecheres Invests fait en outre valoir qu'elle a seulement accordé la suspension du paiement des loyers, qui a repris en 2016 lors de la remise en service des machines utilisées dans le cadre d'un nouveau marché conclu avec un autre client de la société Bamarec SRL et qu'elle a agi dans son propre intérêt dans le but de préserver les capacités financières de son unique cliente. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la société Bamarec SRL aurait été dans une situation financière telle qu'elle était dans l'incapacité, sauf à mettre en péril sa propre exploitation, de payer les loyers afférents à la location des deux machines dont elle a gardé la disposition et l'usage jusqu'au 31 décembre 2013. Il s'ensuit que l'administration, qui ne s'est pas prononcée sur l'opportunité du choix de la SAS Lecheres Invests de laisser ces machines à la disposition de sa cliente plutôt que de les céder, doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe, qu'en s'abstenant de facturer à la société Bamarec SRL les loyers afférents à la mise à disposition de deux machines industrielles entre mars et décembre 2013, la SAS Lecheres Invests a commis un acte anormal de gestion justifiant l'inclusion des recettes correspondantes dans son chiffre d'affaires et, partant, dans son résultat de l'exercice clos en 2013.

S'agissant des ventes d'outillages et de pièces et des prestations accessoires :

13. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable aux bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 de ce code : " 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...) ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. "

14. Au cours des opérations de vérification, le service a constaté que la SAS Lecheres Invests n'avait pas facturé à la société Bamarec SRL des produits se rapportant à des ventes d'outillages et de pièces de machines ainsi qu'à des prestations réalisées sur les machines louées à cette société. Elle a en conséquence réintégré dans ses résultats des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, les sommes respectives de 76 855 euros, 20 009 euros et 9 280 euros correspondant au montant des dépenses supportées par cette société à raison de ces opérations de vente et de prestations de service auquel elle a appliqué un taux de marge commerciale de 5 %.

15. S'agissant de l'exercice clos en 2011, la SAS Lecheres Invests conteste, d'une part, la réintégration de la somme de 31 500 euros correspondant à la facture F Delta Mise Service KNC 72 Occas émise le 28 février 2011 par son fournisseur mentionnant les prestations d'études de la gamme, faisabilité et mise au point de la gamme, lancement en production suite à l'achat d'une machine " Tout Type KNC 200D RT n° 72 " facturé le même jour. Si elle ne conteste pas que cette somme devait être refacturée à la société Bamarec SRL, bénéficiaire de ces prestations en 2011, elle soutient qu'au cours de l'exercice 2010, elle a facturé à tort à cette société une somme de 30 000 euros HT correspondant à des prestations similaires afférentes à l'achat d'une machine de type " Hardinge de type GS200 " et que s'étant rendu compte de son erreur au cours de l'exercice clos en 2011, elle s'est abstenue de refacturer à sa cliente la facture émise le 28 février 2011. Toutefois, cette circonstance ne saurait remettre en cause l'application des dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts selon lesquelles la créance à laquelle se rapporte la fourniture d'un service doit être rattachée à l'exercice au cours duquel intervient l'achèvement de la prestation.

16. La SAS Lecheres Invests conteste, d'autre part, la réintégration de la somme de 27 930 euros correspondant à la facture F Robot + Chargeur Transfert WG2 émise par son fournisseur le 18 janvier 2011 relative à l'achat d'outillages et équipements nécessaires à l'utilisation de la machine WG n° 2 qu'elle a donnée en location à la société Bamarec SRL en contrepartie du paiement d'un loyer mensuel de 4 570 euros, en vertu d'un contrat conclu le 1er mars 2011 pour une durée de cinq ans. Si elle ne conteste pas que le prix d'achat de ces outillages et équipements devait être refacturé à sa cliente au titre de l'exercice clos en 2011, elle fait valoir que leur coût de revient était compris dans les mensualités mises à la charge de la société Bamarec SRL pour la location de la machine WG n° 2. Toutefois, le contrat de location, dont la société requérante n'a pas produit les pièces annexées en dépit d'une mesure d'instruction, ne vise pas les équipements et outillages en cause et ce alors, ainsi que le relève sans être contestée l'administration fiscale dans sa réponse aux observations du contribuable du 23 avril 2015, que les outillages ou équipements livrés par la SAS Lecheres Invests à la société Bamarec SRL font systématiquement l'objet d'une refacturation en sus des contrats de location des machines auxquels ils se rapportent.

17. S'agissant de l'exercice clos en 2012, la SAS Lecheres Invests conteste la réintégration dans ses résultats d'une somme de 7 933 euros correspondant à la facture Regul Ventil FA Ecma émise par son fournisseur le 31 décembre 2012 relative à des frais d'étude et de développement. Si elle ne conteste pas que la somme correspondante devait être refacturée, au titre de l'exercice 2012, à la société Bamarec SRL, bénéficiaire de ces prestations, elle soutient que son abstention est justifiée par un excédent de facturation d'un montant de 34 146,38 euros au titre du même exercice. Il résulte toutefois de l'instruction qu'elle n'a émis aucune facture d'avoir pour rectifier l'erreur de facturation alléguée.

S'agissant des frais de déplacements des associés en Roumanie non facturés :

18. Il résulte de l'instruction que la SAS Lecheres Invests facture à sa cliente roumaine tous les achats de prestations annexes à la mise à disposition des machines qu'elle lui donne en location. L'administration fiscale a considéré que les frais de déplacements des associés au siège social de la société Bamarec SRL en lien avec la location de ces machines devaient donc être refacturés à cette société comme le sont toutes les autres prestations annexes. Elle a en conséquence réintégré dans les produits de la société appelante, au titre des exercice clos en 2011, 2012 et 2013, les sommes respectives de 8 312 euros, 26 917 euros et 16 619 euros correspondant aux dépenses supportées par la SAS Lecheres Invests augmentées d'un taux de marge commerciale de 5 %.

19. La société appelante, qui reconnaît que ses associés fournissent à deux l'ensemble des services accompagnant la mise à disposition des machines dans le cadre de la garantie de fonctionnement qu'elle assure à la société Bamarec SRL, soutient que leurs frais de déplacement font partie intégrante de la prestation globale qu'elle fournit à sa cliente et sont compris dans le montant des loyers que cette dernière lui verse. La SAS Lecheres Invests ne produit toutefois pas l'intégralité des contrats en cause et ne justifie pas qu'ils se rapporteraient à d'autres prestations que la location d'équipements de production. Il en résulte que c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré, dans les produits de la SAS Lecheres Invest, au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, les sommes en cause.

En ce qui concerne les charges non justifiées par l'intérêt de la société :

20. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; / b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes (...) Pour l'application de ces dispositions, les personnes les mieux rémunérées s'entendent, suivant que l'effectif du personnel excède ou non deux cents salariés, des dix ou des cinq personnes dont les rémunérations directes ou indirectes ont été les plus importantes au cours de l'exercice. / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ".

21. Il résulte des dispositions du 5 de l'article 39 du code général des impôts que les frais de voyage et de déplacements exposés par les personnes les mieux rémunérées de la société sont en principe déductibles. Il en va cependant autrement si l'entreprise ne justifie pas de l'intérêt direct que présentent ces dépenses pour son activité présente ou future ou si l'administration établit que le montant de ces dépenses est excessif au regard de l'intérêt qu'elles présentent pour l'entreprise.

22. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des charges correspondant à des frais de déplacement de ses deux associés ainsi que des dépenses de réception et de frais divers pour lesquels la société n'a pas apporté la preuve qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. Si la société reconnaît que la plupart de ces dépenses correspondent à des dépenses personnelles de ses associés, elle conteste la remise en cause par l'administration fiscale du caractère déductible de certaines d'entre elles. En particulier, elle fait valoir que les frais d'hôtellerie et de restauration à Genève ou en Haute-Savoie sont justifiées par les relations d'affaires qu'elle entretient avec ses fournisseurs et autres partenaires et que la circonstance qu'ils ont été engagés le week-end et concernaient également les conjoints et les enfants ne sont pas de nature à leur dénier ce caractère. Elle soutient également que les frais d'hôtel aux Etats-Unis comptabilisés le 1er octobre 2011 pour un montant de 688,12 euros TTC, de même que les frais de déplacement de ses associés à Paris dans le cadre de projets d'acquisition de sociétés ou activités par le groupe Bamarec, comptabilisés le 7 mars 2012, le 31 décembre 2012, le 28 janvier 2013 et le 31 décembre 2013 pour des montants de 1 066,98 euros TTC et 1 092,42 euros TTC, 1 234,89 euros TTC et 1 159,90 euros TTC, ont été refacturées en 2017 à la société Bamarec SRL et que le déplacement de Mme B... en Roumanie, comptabilisé le 14 mars 2012 pour un montant de 2 197,49 euros TTC, est justifié par la nature même de son activité à destination de son unique client, la société Bamarec SRL de droit roumain. Toutefois, les pièces qu'elle produit qui consistent en des tickets de caisse et des factures ne sont pas suffisantes à démontrer le caractère professionnel des dépenses en cause, pas plus que l'attestation du président de la société Akya Consulting, rédigée le 12 février 2015 pour les besoins de la cause, mentionnant la participation de M. A... à certaines réunions en 2012 et 2013, ni les refacturations, émises postérieurement aux opérations de contrôle, de certains frais de déplacement à la société roumaine. En outre, la société appelante, en se bornant à produire un ticket de caisse pour des achats, le dimanche 20 février 2011 à Chamonix, d'un radioréveil, d'un adaptateur secteur universel et d'une souris optique, ne justifie pas de l'engagement de cette dépense, d'un montant de 63,40 euros TTC pour les besoins de la société. Enfin, la facture qu'elle produit, émise par la SARL Bungalow Graphics le 18 mai 2013 pour un montant de 1 030 euros, pour l'achat de deux tableaux ne suffit pas à justifier du caractère professionnel de cette dépense et ce alors que cette facture ne correspond pas au montant de la charge comptabilisée et que la SAS Lecheres Invests ne dispose pas de bureaux où ces tableaux pourraient être exposés. Il en résulte que la société appelante n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les frais de voyage et de déplacements de ses associés ont été engagées dans l'intérêt direct de son entreprise et ne peut donc prétendre, sur le terrain de la loi fiscale, à la déduction de ces charges de ses résultats des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.

23. En second lieu, la SAS Lecheres Invests n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe n° 50 de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20 selon lequel " la déduction des frais de voyage, de réception et de représentation des chefs d'entreprise ne doit pas être refusée systématiquement pour le seul motif que le montant de ces frais n'est pas justifié par la production de documents formant preuve certaine lorsque les sommes comptabilisées au titre de ces frais correspondent effectivement à des dépenses d'ordre professionnel et ne sont pas excessives eu égard à l'importance de l'exploitation ainsi qu'à toutes autres circonstances propres à chaque cas particulier " qui ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt. Par ailleurs, la société appelante ne saurait se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-BNC-BASE-40-60-60 relative aux bénéfices non commerciaux et dans le champ duquel elle n'entre pas.

En ce qui concerne la provision pour pertes sur contrat :

24. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) Les provisions pour pertes afférentes à des opérations en cours à la clôture d'un exercice ne sont déductibles des résultats de cet exercice qu'à concurrence de la perte qui est égale à l'excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture du même exercice sur le prix de vente de ces travaux compte tenu des révisions contractuelles certaines à cette date (...) ".

25. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré la provision pour pertes sur contrats qu'elle a comptabilisée pour un montant de 57 025 euros et a déduit de ses résultats de l'exercice clos en 2013 la reprise de provision constatée à hauteur de 19 959 euros. Ainsi qu'il a été dit au point 10 du présent arrêt, la SAS Lecheres Invests a, par deux contrats du 1er décembre 2010 et du 1er novembre 2011, mis à la disposition de la société Bamarec SRL, pour une durée de cinq ans, deux machines industrielles, en contrepartie du paiement d'un loyer mensuel de respectivement 2 620 euros et de 1 670 euros. Par des avenants signés le 2 décembre 2012, il a été mis fin de manière anticipée à ces contrats à compter du 1er mars 2013 " compte tenu de la fin du marché additionnel " chambre 616 7129 " au 31 décembre 2012 marché réduit ". La SAS Lecheres Invests a, au titre de l'exercice clos en 2012, comptabilisé une dotation de provision pour risque d'un montant de 57 025 euros correspondant à la valeur nette comptable de ces deux machines, puis a constaté, au titre de l'exercice clos en 2013, une reprise partielle de 19 959 euros correspondant à la différence entre la valeur nette comptable constatée en 2012 et celle constatée en 2013. Pour justifier ces écritures comptables, la SAS Lecheres Invests a fait valoir, lors des opérations de contrôle, que la société Bamarec SRL n'utilisait pas les deux machines à leur pleine capacité en raison d'une diminution du volume des commandes de son principal client, le groupe Autoliv, en 2012, que les machines auraient une valeur nulle à leur revente et qu'elle serait conduite à constater une perte correspondant à leur valeur nette comptable en cas de cession. Outre que les provisions pour pertes ne peuvent être déterminées à partir de la dépréciation d'un élément d'actif, la société appelante, en se bornant à soutenir que la provision constatée est conforme " au risque de perte, probable mais non encore définitif encouru ", n'établit pas que la valeur des machines données en location à la société Bamarec SRL était potentiellement nulle en 2012 et 2013 et ce alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette société aurait cessé de les utiliser au cours de ces exercices, le groupe Autoliv n'ayant pas interrompu ses commandes mais seulement révisé à la baisse le marché accordé à cette société.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

26. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

27. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductibles, l'administration fiscale relève la réitération, sur l'ensemble de la période vérifiée, du comportement de la SAS Lecheres Invests qui ne pouvait ignorer que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses strictement personnelles de ses associés consistant en des frais de déplacement à caractère non professionnel, des frais de restauration exposés le week-end et des frais d'habillement, n'était pas déductible. Pour justifier l'application de cette majoration aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, elle se fonde sur la persistance, sur l'ensemble de la période vérifiée, du comportement de cette société qui s'est abstenue de comptabiliser des recettes d'exploitation et a comptabilisé des charges correspondant à des dépenses personnelles de ses associés. Elle doit être regardée, ce faisant, comme apportant la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt et c'est par suite à bon droit qu'elle a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré à ces impositions.

Sur l'amende infligée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts :

28. Aux termes du a du 1 de l'article 1788 A du code général des impôts : " Entraîne l'application d'une amende de 750 euros : / a. Le défaut de production dans les délais des déclarations prévues aux articles 289 B et 289 C (...) ". Les dispositions des articles 289 B et 289 C dans leur version applicable au litige, qui ont été prises dans le cadre du dispositif de recoupement d'informations entre les Etats-membres de l'Union européenne destiné à leur permettre de contrôler la réalité des opérations intracommunautaires déclarées et de détecter les anomalies de facturation, imposent aux assujettis identifiés à la taxe sur la valeur ajoutée en France qui se livrent à des opérations intracommunautaires avec des redevables de la taxe dans un autre Etat membre, de déposer chaque mois un état récapitulatif pour ces livraisons de biens et prestations de service.

29. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la période vérifiée du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, la SAS Lecheres Invests n'a pas souscrit, dans le délai légal, les déclarations d'échanges de biens et les déclarations d'échanges de services à raison des livraisons de biens et des prestations de service à la société de droit roumain, Bamarec SRL. L'administration lui a donc infligé l'amende fiscale prévue au 1 de l'article 1788 A du code général des impôts pour des montants de 15 000 euros en 2011, 15 000 euros en 2012 et 9 750 euros en 2013.

30. En premier lieu, eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur visant à contraindre les assujettis qui réalisent des échanges intracommunautaires de biens et de services à respecter leurs obligations déclaratives et au caractère essentiel que ces dernières revêtent pour l'efficacité des procédures d'échanges d'informations entre les administrations fiscales des Etats membres en matière de lutte contre la fraude, le montant fixé par les dispositions du a du 1 de l'article 1788 A du code général des impôts ne présente pas un caractère disproportionné par rapport à la gravité du manquement qu'elle réprime, alors même que la sanction est susceptible d'être infligée tous les mois et indépendamment de l'existence de droits éludés et de la valeur des biens ou services échangés. La SAS Lecheres Invests n'est donc pas fondée à soutenir que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée, au regard de l'objectif poursuivi, au droit au respect des biens garanti par les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

31. En deuxième lieu, la sanction fiscale prévue par les dispositions précitées du a du 1 de l'article 1788 A du code général des impôts présente le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'a pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice subi par l'Etat. Par suite, la SAS Lecheres Invests ne peut utilement soutenir, pour contester l'application de cette amende, que le Trésor n'aurait pas été lésé dans la mesure où elle a finalement souscrit, hors délai, les déclarations en cause.

32. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que l'article 1788 A du code général des impôts serait contraire au principe de proportionnalité des peines et des sanctions découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peut être utilement soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen est irrecevable.

33. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Lecheres Invests n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions tendant au remboursement des impositions en litige, assorti des intérêts moratoires ainsi que celles présentées au titre des frais du litige doivent en conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Lecheres Invests est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Lecheres Invests et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 septembre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin Le président,

D. Pruvost

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY03503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03503
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-07-03 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Procédure de taxation. - Procédure de rectification (ou redressement).


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : JOUANJAN et PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-22;20ly03503 ?
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