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14/09/2022 | FRANCE | N°21LY00905

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 14 septembre 2022, 21LY00905


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 1er juillet 2020 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2002142 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête

enregistrée le 23 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Corneloup (DSC Avocats), avocat, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 1er juillet 2020 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2002142 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Corneloup (DSC Avocats), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 février 2021 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Yonne du 1er juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du même code ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- les premiers juges se sont abstenus de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination et le délai de départ volontaire :

- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2022, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Cano (SELARL Centaure avocats), avocat, conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2021.

Par une ordonnance du 17 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- et les observations de Me d'Ovidio, avocate, pour le préfet de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... relève appel du jugement du 18 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Yonne du 1er juillet 2020 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que prétend Mme B..., il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments soulevés à son appui, ont statué sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant par l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet. Leur jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain, dispose par ailleurs, dans sa rédaction alors applicable, que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

4. Mme B..., ressortissante marocaine née le 5 juillet 1974, est entrée, d'après ses déclarations, au mois d'août 2010 en France, sans toutefois qu'elle n'établisse, par les pièces peu nombreuses qu'elle produit au titre des années 2010 à 2015, la continuité de son séjour sur le territoire français à compter de cette date. Elle s'y est en outre maintenue irrégulièrement en dépit d'une première mesure d'éloignement prise à son encontre en 2017 et ne démontre aucune intégration particulière. Par ailleurs, si elle a entretenu, à compter de 2011, une relation avec un compatriote, titulaire d'une carte de résident, de laquelle est née une enfant en 2013, il ressort des pièces du dossier qu'elle vit désormais séparée de celui-ci, sans qu'elle n'établisse, par le certificat médical du 10 juillet 2019 dépourvu de précisions en ce sens et les plaintes qu'elle a déposées et qui n'ont pas abouti à une condamnation judiciaire, les violences conjugales qu'elle lui impute. Il ressort en outre du jugement du tribunal judiciaire d'Auxerre du 12 juin 2020 qu'à la date du refus de titre de séjour en litige, sa fille n'entretenait plus de relation avec son père depuis près d'un an. Alors même qu'il attribue aux deux parents l'exercice conjoint de l'autorité parentale, instaure un droit de visite et d'hébergement progressif au profit du père de l'enfant et subordonne à son accord le départ de l'enfant du territoire français, ce jugement ne fait pas en lui-même obstacle à ce que Mme B... établisse avec sa fille sa résidence hors de France. Enfin, il est constant que Mme B... n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales au Maroc, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans et où demeurent sa mère et une partie de sa fratrie. Dans ces circonstances, et nonobstant la scolarisation de sa fille débutée en France et la présence d'une de ses sœurs sur le territoire français, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Yonne a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations et dispositions précitées.

5. En deuxième lieu, et pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Yonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

7. Comme indiqué au point 4, Mme B... ne produit pas d'éléments permettant de tenir pour établies les violences conjugales qu'elle invoque. Elle ne démontre pas davantage la continuité de son séjour en France. Par suite, Mme B... ne justifiant d'aucune autre circonstance susceptible de constituer des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires, le préfet de l'Yonne n'a pas manifestement méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. Comme indiqué au point 4, le jugement du tribunal judiciaire d'Auxerre du 12 juin 2020 ne fait pas en lui-même obstacle à ce que Mme B... établisse, avec sa fille, sa résidence hors de France. En outre, il en ressort qu'à la date de la décision en litige, sa fille n'entretenait plus de relation avec son père depuis près d'un an. Enfin, la seule circonstance que sa fille soit née et ait été scolarisée jusqu'en classe préparatoire en France ne saurait suffire à établir qu'il existerait un obstacle à ce que sa scolarité se poursuive normalement en dehors du territoire français, notamment au Maroc. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire et de celle fixant le pays de destination :

11. Comme indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... et celle lui faisant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions doit, en tout état de cause, être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

13. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 30 août 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2022.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00905


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00905
Date de la décision : 14/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET ADAES AVOCATS (SARL)[DIJON + PARIS]

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-14;21ly00905 ?
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