Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SASU Hôtel du golf a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 12 décembre 2016, ainsi que la décharge des amendes prononcées au titre de ces années.
Par un jugement n° 1905996 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et quatre mémoires, enregistrés les 25 novembre 2020, 4 octobre 2021, 7 mars 2022, 7 avril 2022 (non communiqué) et 8 avril 2022 (non communiqué), la SASU Hôtel du golf, représentée par Me Pomeon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Lyon du 29 septembre 2020 et de lui accorder la décharge sollicitée ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification du 21 décembre 2017 est insuffisamment motivée ;
- le rejet de sa comptabilité n'est pas justifié par les motifs retenus par le vérificateur ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est viciée ;
- la reconstitution est entachée d'erreurs ; le chiffre d'affaires " petit déjeuner " aurait dû être comptabilisé dans l'activité " hôtel " et non l'activité " restaurant " ; il ne peut être concerné par la méthode des vins et doit être extourné de la méthode de reconstitution ; le poste " soirée étape " a été comptabilisée deux fois ; le service vérificateur n'a pas ventilé les " postes soirée étape, soirée rest-forfait semin. Nour " ; les offerts constatés par la vérificatrice sont constants alors que le chiffre d'affaires progresse ; les chiffres retenus pour les " offerts " ne sont pas en rapport avec la réalité de l'entreprise ; le taux de 11 % retenu pour le taux de recettes vins dans les recettes du restaurant n'est pas justifié ; le vin consommé au bar n'apparait pas dans la proposition de rectification et la contenance des verres à retenir est de 18 cl et non 12 cl comme retenu par la vérificatrice ;
- la minoration de recettes et ses conséquences en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée ne sont ainsi pas justifiées ;
- elle conteste, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les redressements concernant les cadeaux clientèle et les charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise ;
- elle conteste, en matière d'impôt sur les sociétés, l'incidence financière des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise, les immobilisations comptabilisées en charge, les provisions pour clients douteux et les minorations du chiffre d'affaires ;
- les amendes pour non remise des fichiers informatiques et manquement délibéré ne sont pas justifiées.
Par deux mémoires, enregistrés les 6 juillet 2021 et 29 mars 2022 (non communiqué), le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 8 mars 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 8 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- et les observations de Me Pomeon pour la SASU Hôtel du golf ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 juillet 2022, présentée pour la SASU Hôtel du golf
Considérant ce qui suit :
1. La SASU Hôtel du Golf a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 12 décembre 2016 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 lui ont été notifiés ainsi que des amendes. La SASU Hôtel du Golf relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge en droits, pénalités et amendes en conséquence de ce contrôle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la SASU Hôtel du golf reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance tiré de ce que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée. Le tribunal a suffisamment répondu à ce moyen aux points 2 et 3 du jugement. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, d'écarter ce moyen.
3. En deuxième lieu, si la requérante conteste l'ensemble des motifs par lesquels la vérificatrice a rejeté sa comptabilité comme non sincère et probante, il résulte de l'instruction que la SASU Hôtel du golf n'a pas conservé l'intégralité de ses fichiers comptables informatiques sur l'ensemble de la période vérifiée alors que sa comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés. Elle n'a présenté que des fichiers concernant 476 journées au lieu de 1 096 jours représentant la période vérifiée. Si elle soutient qu'elle a présenté à la vérificatrice l'intégralité des tickets Z en format papier, il est constant que l'ensemble des fichiers informatiques n'avaient pas été conservés et que la comptabilité tenue sur support informatique n'avait pas été présentée de manière complète en méconnaissance des articles L. 13, L. 47 A II et L. 102 B du livre des procédures fiscales et que la seule production des tickets journaliers ou mensuels " Z " n'est pas suffisante pour vérifier l'exhaustivité de l'enregistrement des recettes. La vérificatrice a également relevé une rupture de la chaîne informatique entre la saisie des opérations sur le logiciel de gestion commerciale et leur comptabilisation effective dû au fait que l'édition des factures ou notes de caisse n'entraînait pas leur comptabilisation automatique et que, quotidiennement, avant le service de midi, il était procédé à une remise à zéro de la caisse enregistreuse et les documents papiers édités (bandes de contrôle) étaient remis au gérant qui se chargeait de leur comptabilisation via un tableau Excel. Elle a souligné le caractère insuffisamment détaillé de la liste des articles enregistrés sur les logiciels de caisse ne permettant pas d'identifier précisément les articles revendus et a relevé des irrégularités dans les tickets de caisse, établis à des heures et pour des tables différentes avec des montants différents qui comportent le même numéro, des interruptions dans la séquentialité des numéros de tickets de caisse et le caractère incomplet des produits vendus figurant sur les tickets. Les éléments ainsi relevés par l'administration sont suffisants pour ne pas mettre en mesure la vérificatrice de vérifier la réalité des recettes encaissées et sont suffisamment graves pour ôter tout caractère probant à la comptabilité de la société requérante. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a rejeté la comptabilité de la société comme non probante et a procédé à la reconstitution de ses recettes.
4. En l'espèce, la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie, l'administration supporte la charge de la preuve du bien-fondé des rectifications en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.
5. En troisième lieu, si la société requérante soutient que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée, il résulte de l'instruction que la vérificatrice a utilisé la méthode des vins rappelée au point 14 du jugement attaqué laquelle ne saurait, dans son principe, être radicalement viciée.
6. S'agissant des erreurs relevées par la requérante affectant les résultats de la reconstitution de recettes opérée, il résulte de l'instruction que le taux de 11 % de recettes vins dans les recettes du restaurant retenu par la vérificatrice ressort de l'analyse de la propre comptabilité de la société requérante dès lors que la vérificatrice a utilisé les lignes des comptes " 70114000-CA restaurant 10 % " et " 70113000-CA restaurant 20 % " figurant dans les fichiers conservés par la société vérifiée pour calculer le chiffre d'affaires " restaurant hors vin " et le chiffre d'affaires " vin " et en déterminer le taux susmentionné. En outre, il est constant que seule l'activité " restaurant " exercée par la requérante a fait l'objet d'une reconstitution de recettes et non l'activité " hôtellerie ". Si la SASU Hôtel du golf soutient que le poste " petit déjeuner " ne peut être pris en considération dans la reconstitution du chiffre d'affaires " restaurant ", il ressort de la propre comptabilité de la société vérifiée qu'elle a elle-même comptabilisé ce poste dans son activité " restaurant " ainsi qu'il ressort de l'analyse des comptes susvisés. Elle ne saurait ainsi soutenir que ce poste aurait dû être extourné de la reconstitution de recettes s'agissant de la partie " restaurant ". En outre, si le tableau figurant en page 16 de la proposition de rectification mentionne bien à tort une double ligne " soirée étape # ", il ressort des calculs effectués sur ce tableau que la ligne supplémentaire n'a pas été comptabilisée. Enfin, la société fait aussi valoir que le service vérificateur n'aurait pas ventilé les " postes soirée étape, soirée rest-forfait semin. nour ". Toutefois, il ressort du tableau précité que ces postes dont les données sont issues des fichiers transmis par la requérante ont été différenciés par la vérificatrice.
7. S'agissant des offerts, il résulte de la proposition de rectification adressée à la SASU Hôtel du golf que la vérificatrice a déterminé un montant d'offerts à partir de la somme des montants figurant sur les bandes de caisse, qui n'ont pu être fournies par la société que pour 476 jours, que le service a ensuite extrapolé aux 1 096 jours de la période vérifiée, justifiant un montant d'offerts identique pour l'ensemble de la période en cause. La société requérante ne conteste pas utilement ce montant d'offerts en présentant un tableau retraçant les offerts réalisés pour certains évènements et en les ajoutant au montant obtenu par la vérificatrice, lequel a déjà intégré l'ensemble des offerts réalisés. Si la requérante estime que l'administration a sous-estimé la consommation de vin lors des soirées de l'AS Saint-Etienne et que sa politique commerciale n'a pas été prise en considération, elle ne produit aucun élément comptable probant de nature à corroborer ses allégations. Enfin, elle ne justifie pas du taux de perte de 2 % qu'elle revendique pour les vins perdus, bouchonnés ou consommés par le personnel alors que la vérificatrice a extourné de la reconstitution le vin utilisé en cuisine.
8. Il ne résulte pas de l'instruction que la société aurait comptabilisé les recettes de vin servi au bar dans d'autres comptes que ceux évoqués au point 6. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le vin consommé au bar n'aurait pas été pris en compte.
9. La société requérante conteste la contenance des verres retenue par la vérificatrice. Toutefois, il résulte de l'instruction que celle-ci a justifié des raisons pour lesquelles elle ne retenait pas la contenance de 18 cl figurant en comptabilité pour lui substituer celle de 12 cl par verre. Elle a en effet relevé qu'une contenance au verre de vin vendu de 18 cl était incohérente dès lors que le prix de vente au centilitre pour le vin vendu au verre serait alors inférieur au prix de vente au centilitre pour le même vin vendu en bouteille ou en pot. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le prix de vente du vin, ramené au centilitre, étant d'autant plus élevé que son volume est petit, la contenance évoquée par la société vérifiée n'apparait pas justifiée.
10. Il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du chiffre d'affaires reconstitué au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 et du rehaussement des bénéfices en découlant.
11. Si la société requérante indique contester les redressements concernant la taxe sur la valeur ajoutée sur les cadeaux clientèle et sur les charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise et, en matière d'impôt sur les sociétés, l'incidence financière des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise, les immobilisations comptabilisées en charge, les provisions pour clients douteux et les minorations du chiffre d'affaires, elle ne soulève aucun moyen spécifique à l'encontre de ces rectifications.
12. En dernier lieu, la SASU Hôtel du golf réitère en appel ses moyens tirés de l'absence de justification des amendes mises à sa charge pour non remise des fichiers informatiques et de la pénalité pour manquement délibéré. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 22 à 25 de leur jugement.
13. Il résulte de ce qui précède que la SASU Hôtel du golf n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SASU Hôtel du golf la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SASU Hôtel du golf est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Hôtel du golf et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre ;
Mme Dèche, présidente assesseure ;
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 août 2022.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
S. Lassalle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY03431
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