Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une première demande, enregistrée sous le n°1805765, la société Foncière 2C2F a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013 en droits et pénalités.
Par une seconde demande, enregistrée sous le n°1906367, correspondant à la réclamation présentée le 10 décembre 2018 par la société Foncière 2C2F et soumise d'office au tribunal par l'administration fiscale le 12 août 2019, la SCI Foncière 2C2F a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2014 et 2015.
Par un jugement n° 1805765, 1906367 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 2 mars 2020, la société Foncière 2C2F, représentée par Me Fanget, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 décembre 2019 en tant qu'il porte sur la demande n°1805765 et lui accorder la décharge sollicitée ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Foncière 2C2F soutient que :
- la procédure de vérification est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, qui prohibent les doubles vérifications de comptabilité, dès lors qu'une vérification avait déjà été menée au titre des mêmes années concernant la taxe sur la valeur ajoutée ;
- la décision de rejet du 27 juillet 2016 de sa première réclamation présentée le 24 février 2015 est irrégulière dès lors qu'elle a été signée par l'inspecteur principal qui a rejeté son recours hiérarchique en méconnaissance de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-90-20120912 prescrivant qu'un agent délégataire doit s'abstenir de prendre une décision d'admission ou de rejet total ou partiel lorsqu'il a visé la proposition de rectification ou est intervenu en qualité d'interlocuteur ;
- la procédure suivie est irrégulière faute pour l'administration d'avoir répondu dans le délai de 6 mois à sa seconde réclamation présentée le 2 décembre 2016 et ce en méconnaissance des dispositions de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales et de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-80-20161227 ; ce retard lui a été préjudiciable ;
- la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre précité ;
- la facture d'un montant de 299 000 euros hors taxes auxquels s'ajoutent 58 604 euros de taxe sur la valeur ajoutée que la société a réglée à la société Filgrès Groupe en remboursement des sous-loyers acquittés pendant vingt-trois mois ne constitue pas un abandon de créances ; la société Filgrès Groupe n'avait pas la qualité de caution solidaire de la société Filgrès Carrelages Montélimar ni de co-preneur du bail de sous-location conclu entre cette société et la SCI Foncière 2C2F et n'était donc pas tenue de payer les loyers en lieu et place de la société sous-locataire en cas de défaillance de celle-ci ; la société Filgres Groupe est intervenue en tant que garant du paiement direct du loyer de sous-location au crédit-bailleur dans le cadre de la cession Dailly prévue au contrat de crédit-bail, et non en tant que débiteur final, celui-ci demeurant la SCI Foncière 2C2F, crédit-preneur ; la société Filgrès Groupe disposait d'une action récursoire aux fins d'obtenir le remboursement de la créance de garantie vis-à-vis du débiteur final, à savoir la SCI Foncière 2C2F ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée s'agissant de l'application de la majoration de 40% pour manquement délibéré ; les faits ayant conduit à la constatation d'un passif injustifié sont atteints par la prescription et l'administration n'établit pas le caractère délibéré du manquement.
Par un mémoire, enregistré le 1er décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 13 septembre 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 15 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me Fanget pour la société requérante. ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Foncière 2C2F a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'impôt sur les sociétés pour les exercices clos les 31 décembre 2011, 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013. Par une proposition de rectification du 11 décembre 2014, l'administration fiscale a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assorties de la majoration de 40% pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. La société Foncière 2C2F relève appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces suppléments.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, la société requérante soutient que la décision de rejet du 27 juillet 2016 en réponse à sa première réclamation préalable du 24 février 2015 est irrégulière dès lors qu'elle a été signée par l'inspecteur principal qui a rejeté son recours hiérarchique. Toutefois, outre que les vices entachant la décision de rejet de la réclamation contentieuse sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard du contribuable comme sur le bien-fondé des impositions mises à sa charge, il résulte de l'instruction que cette décision de rejet n'a pas lié le contentieux. La société requérante a en effet introduit son recours auprès du tribunal après l'édiction de la décision de rejet du 28 mai 2018 prise sur sa deuxième réclamation du 2 décembre 2016. En outre, elle ne peut utilement se prévaloir des termes de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-90-20120912 prescrivant qu'un agent délégataire doit s'abstenir de prendre une décision d'admission ou de rejet total ou partiel lorsqu'il a visé la proposition de rectification ou est intervenu en qualité d'interlocuteur dès lors que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne s'appliquent pas en matière de procédure d'imposition. En conséquence, le moyen ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, il résulte de la combinaison des articles R. 198-10 et R. 199-1 du livre des procédures fiscales que lorsque l'administration n'a pas statué sur cette réclamation dans le délai de six mois qui lui est imparti, elle est considérée comme ayant rejeté implicitement la réclamation dont elle était saisie, ce qui permet au demandeur de saisir le tribunal administratif compétent. Par suite, la société requérante, qui n'a pas contesté cette décision implicite de rejet de sa réclamation mais uniquement la décision expresse édictée le 28 mai 2018, ne peut utilement soutenir que la procédure serait entachée d'irrégularité en raison du dépassement du délai de six mois ni se prévaloir, en tout état de cause, du préjudice causé par le délai excessif avec lequel l'administration a explicitement répondu à sa réclamation alors qu'il lui était loisible de contester la décision implicite susmentionnée.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevé, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. "
5. Il résulte de l'instruction que la société requérante a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité, l'une portant sur la taxe sur la valeur ajoutée et l'autre portant sur l'impôt sur les sociétés. Par suite, dès lors que ces deux procédures ont concerné deux impôts différents, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, la proposition de rectification du 11 décembre 2014 comporte la désignation de l'impôt concerné, mentionne la période d'imposition en cause, les bases des rappels envisagés et leur montant. Elle expose par ailleurs de manière suffisamment précise les motifs justifiant les rectifications opérées. Par suite, cette proposition de rectification est suffisamment motivée.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
7. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts (CGI), le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
8. Les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.
9. Il résulte de l'instruction que, par un acte signé le 24 septembre 2007, la SCI Fil 26, devenue la SCI Foncière 2C2F, a conclu un contrat de crédit-bail immobilier avec la société Fortis Lease, établissement de crédit, pour une durée de douze années pour l'acquisition future d'un tènement immobilier à Montélimar. Elle a conclu au même moment un contrat de sous-location avec la société Filgrès Carrelages Montélimar, qui s'est engagée à lui sous-louer le bien objet du crédit-bail, assurant ainsi le financement de celui-ci, pour une durée de six ans. Ce contrat prévoit qu'en cas de défaillance de la société Filgrès Carrelages Montélimar, la société Filgrès Groupe, sa société-mère, dont les associés sont identiques à ceux de la SCI Fil 26, se substituera à elle et reprendra le bail de sous-location. Le contrat de crédit-bail rappelle en son article 16 ce contrat de sous-location et stipule que la SCI Fil 26 cède par cession Dailly à la société Fortis Lease les droits qu'elle détient sur son sous-locataire et les garanties qui y sont attachées. Par un protocole d'accord signé le 31 janvier 2011, les associés de la société Filgrès Groupe ont cédé leurs parts dans cette société au groupe Plattard, qui s'est engagé à lui apporter une augmentation de capital avec pour contrepartie l'arrêt de l'activité de la société Filgrès Carrelages Montélimar, déficitaire. Il précise également que si la société Filgrès Groupe était amenée à supporter, directement ou indirectement, toute charge ou coût dans le cadre de la mise en œuvre de l'engagement de reprise du contrat de sous-location conclu par la société Filgrès Carrelages Montélimar, les deux associés de la société Filgrès Groupe indemniseraient la société dans un délai maximal de vingt-trois mois. Par un acte signé le 31 janvier 2011, la SCI Fil 26 et la société Filgres Carrelages Montélimar ont résilié le contrat de sous-location les liant, à effet au même jour, et ce sans indemnité de résiliation.
10. A la suite de la résiliation du bail de sous-location, la SCI Fil 26 a émis des factures portant sur le règlement des sous-loyers pendant vingt-trois mois qu'elle a adressées directement à la société Filgrès Groupe et que celle-ci a réglées. La SCI Fil 26 a quant à elle réglé la facture émise le 31 mai 2013 par la société Filgrès Groupe d'un montant de 299 000 euros hors taxes auxquels s'ajoutent 58 604 euros de taxe sur la valeur ajoutée en remboursement des sous-loyers acquittés. Il résulte de l'instruction que le règlement des sous-loyers par la société Filgrès Groupe, postérieurement à la résiliation du contrat de sous-location liant la SCI Fil 26 et la société Filgrès Carrelages Montélimar, trouve sa cause juridique, en raison de cette résiliation, dans le contrat de crédit-bail signé entre la SCI Fil 26 et la société Fortis Lease et précisément son article 16 lequel fait mention du contrat de sous-location signé avec la société Filgrès Carrelages Montélimar et vise " l'engagement de reprise du contrat de sous-location par Filgrès Groupe (...) en cas de défaillance du sous-locataire ". Il résulte également de l'instruction que le règlement des sous-loyers par la société Filgrès Groupe a permis à la SCI Fil 26 d'honorer les échéances du contrat de crédit-bail, en tant que crédit-preneur, et ce jusqu'au terme de ce crédit-bail, et lui a ainsi permis la poursuite de l'exécution du crédit-bail et de conserver la possibilité de lever l'option d'achat au terme de ce contrat. Par suite, le versement des sous-loyers par la société Filgrès Groupe, en sa qualité de garant du paiement direct du loyer de sous-location au crédit-bailleur prévu au contrat de crédit-bail, doit être regardé comme une avance effectuée au profit de la SCI Fil 26 pour lui permettre de régler les échéances du crédit-bail, et qui devait donner lieu à un remboursement, ce qui a été opéré par le règlement de la facture litigieuse. Dans ces conditions, en l'absence d'appauvrissement de la SCI Fil 26, devenue société Foncière 2C2F, décidé à des fins étrangères à son intérêt, c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de cette facture en considérant que cette dépense devait être regardée comme un abandon de créances constitutif d'un acte anormal de gestion et l'a réintégrée au résultat imposable.
Sur les pénalités :
11. La société requérante reprend en appel les moyens tirés de l'insuffisance motivation de la majoration de 40% pour manquement délibéré appliquée à la constatation d'un passif injustifié sur l'exercice clos en 2012, l'absence de démonstration par l'administration du caractère délibéré du manquement et la prescription des faits ayant conduit à la constatation de ce passif injustifié. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le tribunal aux points 10 à 14 de son jugement.
12. Il résulte de ce qui précède que la société Foncière 2C2F est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande n° 1805765 en tant qu'elle tendait à la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Foncière 2C2F et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La SCI Foncière 2C2F est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 en droits et pénalités.
Article 2 : Le jugement n° 1805765, 1906367 du 27 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI Foncière 2C2F une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Foncière 2C2F et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 août 2022.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N°20LY00934