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04/08/2022 | FRANCE | N°20LY00933

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 04 août 2022, 20LY00933


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Foncière 2C2F a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 en droits et pénalités.

Par un jugement n° 1805764 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2020, la société Foncière 2C2F, représentée par Me Fanget, demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Foncière 2C2F a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 en droits et pénalités.

Par un jugement n° 1805764 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2020, la société Foncière 2C2F, représentée par Me Fanget, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 décembre 2019 et lui accorder la décharge sollicitée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Foncière 2C2F soutient que :

- la décision de rejet du 27 juillet 2016 de sa première réclamation présentée le 24 février 2015 est irrégulière dès lors qu'elle a été signée par l'inspecteur principal qui a rejeté son recours hiérarchique en méconnaissance de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-90-20120912 prescrivant qu'un agent délégataire doit s'abstenir de prendre une décision d'admission ou de rejet total ou partiel lorsqu'il a visé la proposition de rectification ou est intervenu en qualité d'interlocuteur ;

- la procédure suivie est irrégulière faute pour l'administration d'avoir répondu dans le délai de 6 mois à sa seconde réclamation présentée le 2 décembre 2016 et ce en méconnaissance des dispositions de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales et de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-80-20161227 ; ce retard lui a été préjudiciable ;

- les motifs invoqués par le service vérificateur pour justifier le redressement notifié et l'absence de mention de l'existence du rescrit du 31 mai 2013 ne permettent pas de satisfaire aux conditions de l'article L. 57 du livre précité s'agissant de l'exigence de motivation de la proposition de rectification ;

- la facture d'un montant de 299 000 euros hors taxes auxquels s'ajoutent 58 604 euros de taxe sur la valeur ajoutée que la société a réglée à la société Filgrès Groupe en remboursement des sous-loyers acquittés pendant vingt-trois mois ne constitue pas un abandon de créances ; la société Filgrès Groupe n'avait pas la qualité de caution solidaire de la société Filgrès Carrelages Montélimar ni de co-preneur du bail de sous-location conclu entre cette société et la SCI Foncière 2C2F et n'était donc pas tenue de payer les loyers en lieu et place de la société sous-locataire en cas de défaillance de celle-ci ; la société Filgres Groupe est intervenue en tant que garant du paiement direct du loyer de sous-location au crédit-bailleur dans le cadre de la cession Dailly prévue au contrat de crédit-bail, et non en tant que débiteur final, celui-ci demeurant la SCI Foncière 2C2F, crédit-preneur ; la société Filgrès Groupe disposait d'une action récursoire aux fins d'obtenir le remboursement de la créance de garantie vis-à-vis du débiteur final, à savoir la SCI Foncière 2C2F ; ainsi, les sommes versées doivent s'analyser comme des avances qui ont été remboursées ;

- dans la mesure où l'administration fiscale s'est déjà prononcée sur l'opération concernée dans le cadre d'une prise de position formelle au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales par une réponse du 31 mai 2013, le service ne pouvait pas procéder aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige sans méconnaître la portée juridique du rescrit fiscal édicté.

Par un mémoire, enregistré le 1er décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 13 septembre 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 15 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Fanget pour la société requérante ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Foncière 2C2F a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2013. Par une proposition de rectification du 6 juin 2014, l'administration fiscale lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée. La société Foncière 2C2F relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels en droits et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, la société requérante soutient que la décision de rejet du 27 juillet 2016 en réponse à sa première réclamation préalable du 24 février 2015 est irrégulière dès lors qu'elle a été signée par l'inspecteur principal qui a rejeté son recours hiérarchique. Toutefois, outre que les vices entachant la décision de rejet de la réclamation contentieuse sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard du contribuable comme sur le bien-fondé des impositions mises à sa charge, il résulte de l'instruction que cette décision de rejet n'a pas lié le contentieux. La société requérante a en effet introduit son recours auprès du tribunal après l'édiction de la décision de rejet du 28 mai 2018 prise sur sa deuxième réclamation du 2 décembre 2016. En outre, elle ne peut utilement se prévaloir des termes de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-90-20120912 prescrivant qu'un agent délégataire doit s'abstenir de prendre une décision d'admission ou de rejet total ou partiel lorsqu'il a visé la proposition de rectification ou est intervenu en qualité d'interlocuteur dès lors que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne s'appliquent pas en matière de procédure d'imposition.

3. En deuxième lieu, il résulte de la combinaison des articles R. 198-10 et R. 199-1 du livre des procédures fiscales que lorsque l'administration n'a pas statué sur cette réclamation dans le délai de six mois qui lui est imparti, elle est considérée comme ayant rejeté implicitement la réclamation dont elle était saisie, ce qui permet au demandeur de saisir le tribunal administratif compétent. Par suite, la société requérante, qui n'a pas contesté cette décision implicite de rejet de sa réclamation mais uniquement la décision expresse édictée le 28 mai 2018, ne peut utilement soutenir que la procédure serait entachée d'irrégularité en raison du dépassement du délai de six mois ni se prévaloir, en tout état de cause, du préjudice causé par le délai excessif avec lequel l'administration a explicitement répondu à sa réclamation alors qu'il lui était loisible de contester la décision implicite susmentionnée.

4. En troisième lieu, la proposition de rectification du 6 juin 2014 comporte la désignation de l'impôt concerné, mentionne la période d'imposition en cause, les bases des rappels envisagés et leur montant. Elle expose par ailleurs de manière suffisamment précise les motifs justifiant les rectifications opérées. Par suite, cette proposition de rectification est suffisamment motivée, quand bien même elle ne fait pas référence à la réponse de l'administration du 31 mai 2013 à une demande de rescrit de la SCI Fil 26 devenue SCI Foncière 2C2F.

Concernant le bien-fondé des rappels en litige :

5. L'article 271 du code général des impôts dispose : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon les cas : a. celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures. (...) "

6. Lorsque, sur le fondement des dispositions de l'article 271 du code général des impôts, l'administration met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, au motif que ce bien ou ce service n'a pas été utilisé pour les besoins des opérations imposables du redevable, ou lorsque l'existence d'un lien direct et immédiat entre les opérations en amont et la réalisation d'opérations en aval taxées ou exonérées de taxe sur la valeur ajoutée n'est pas établi, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en œuvre la procédure de rectification contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté la rectification qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour prouver que les conditions posées pour une telle déduction à l'article 271 du code général des impôts ne sont pas remplies. En l'espèce, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été mis en recouvrement à l'issue d'une procédure de rectification contradictoire. Il résulte de l'instruction que la SCI Foncière 2C2F a contesté les rectifications dont ils procèdent. Par suite, il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé de ces impositions.

7. Il résulte de l'instruction que, par un acte signé le 24 septembre 2007, la SCI Fil 26, devenue la SCI Foncière 2C2F, a conclu un contrat de crédit-bail immobilier avec la société Fortis Lease, établissement de crédit, pour une durée de douze années pour l'acquisition future d'un tènement immobilier à Montélimar. Elle a conclu au même moment un contrat de sous-location avec la société Filgrès Carrelages Montélimar, qui s'est engagée à lui sous-louer le bien objet du crédit-bail, assurant ainsi le financement de celui-ci, pour une durée de six ans. Ce contrat prévoit qu'en cas de défaillance de la société Filgrès Carrelages Montélimar, la société Filgrès Groupe, sa société-mère, dont les associés sont identiques à ceux de la SCI Fil 26, se substituera à elle et reprendra le bail de sous-location. Le contrat de crédit-bail rappelle en son article 16 ce contrat de sous-location et stipule que la SCI Fil 26 cède par cession Dailly à la société Fortis Lease les droits qu'elle détient sur son sous-locataire et les garanties qui y sont attachées. Par un protocole d'accord signé le 31 janvier 2011, les associés de la société Filgrès Groupe ont cédé leurs parts dans cette société au groupe Plattard, qui s'est engagé à lui apporter une augmentation de capital avec pour contrepartie l'arrêt de l'activité de la société Filgrès Carrelages Montélimar, déficitaire. Il précise également que si la société Filgrès Groupe était amenée à supporter, directement ou indirectement, toute charge ou coût dans le cadre de la mise en œuvre de l'engagement de reprise du contrat de sous-location conclu par la société Filgrès Carrelages Montélimar, les deux associés de la société Filgrès Groupe indemniseraient la société dans un délai maximal de vingt-trois mois. Par un acte signé le 31 janvier 2011, la SCI Fil 26 et la société Filgres Carrelages Montélimar ont résilié le contrat de sous-location les liant, à effet au même jour, et ce sans indemnité de résiliation.

8. A la suite de la résiliation du bail de sous-location, la SCI Fil 26 a émis des factures portant sur le règlement des sous-loyers pendant vingt-trois mois qu'elle a adressées directement à la société Filgrès Groupe et que celle-ci a réglées. La SCI Fil 26 a quant à elle réglé la facture émise le 31 mai 2013 par la société Filgrès Groupe d'un montant de 299 000 euros hors taxes auxquels s'ajoutent 58 604 euros de taxe sur la valeur ajoutée en remboursement des sous-loyers acquittés. Il résulte de l'instruction que le règlement des sous-loyers par la société Filgrès Groupe, postérieurement à la résiliation du contrat de sous-location liant la SCI Fil 26 et la société Filgrès Carrelages Montélimar, trouve sa cause juridique, en raison de cette résiliation, dans le contrat de crédit-bail signé entre la SCI Fil 26 et la société Fortis Lease et précisément son article 16 lequel fait mention du contrat de sous-location signé avec la société Filgrès Carrelages Montélimar et vise " l'engagement de reprise du contrat de sous-location par Filgrès Groupe (...) en cas de défaillance du sous-locataire ". Il résulte également de l'instruction que le règlement des sous-loyers par la société Filgrès Groupe a permis à la SCI Fil 26 d'honorer les échéances du contrat de crédit-bail, en tant que crédit-preneur, et ce jusqu'au terme de ce crédit-bail, et lui a ainsi permis la poursuite de l'exécution du crédit-bail et de conserver la possibilité de lever l'option d'achat au terme de ce contrat. Par suite, le versement des sous-loyers par la société Filgrès Groupe, en sa qualité de garant du paiement direct du loyer de sous-location au crédit-bailleur prévu au contrat de crédit-bail, doit être regardé comme une avance effectuée au profit de la SCI Fil 26 pour lui permettre de régler les échéances du crédit-bail, et qui devait donner lieu à un remboursement, ce qui a été opéré par le règlement de la facture litigieuse. Dans ces conditions, c'est à tort que l'administration a remis en cause la taxe grevant cette facture en considérant que cette dépense ne pouvait être regardée comme exposée pour les besoins de l'activité économique de la SCI Fil 26 et engagée dans l'intérêt de son exploitation et qu'ainsi, cette dépense ne pouvait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et ouvrir droit pour la requérante à la déduction de la taxe afférente.

9. Il résulte de ce qui précède que la SCI Foncière 2C2F est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la facture émise le 31 mai 2013 portant sur un montant de taxe de 58 604 euros.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Foncière 2C2F et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La SCI Foncière 2C2F est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 en droits et pénalités afférent à la facture émise le 31 mai 2013 portant sur un montant de taxe de 58 604 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1805764 du 27 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SCI Foncière 2C2F une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Foncière 2C2F et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 août 2022.

La rapporteure,

V. Rémy-Néris

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00933

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00933
Date de la décision : 04/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL FANGET - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-08-04;20ly00933 ?
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