Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Les jardins de cocagne " a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 6 février 2019 par laquelle le département de l'Allier a rejeté une demande de subvention, d'annuler la délibération de la commission permanente du conseil départemental de l'Allier du 17 décembre 2018 ayant pour objet la programmation des crédits du fonds social européen (FSE) pour l'année 2018 - axe 3 - objectif spécifique (OS) 1, OS 2 et OS 3 en tant qu'elle déclare non éligible au titre de l'OS 3 son dossier de candidature et de condamner le département de l'Allier à lui verser la somme de 352 810,98 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de ces décisions.
Par un jugement n° 1900684-1902588 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la délibération du 17 décembre 2018 de la commission permanente du département de l'Allier (rapport n° 36) en tant qu'elle rejette la demande de subvention présentée par l'association " Les jardins de Cocagne " au titre des crédits du FSE, a condamné le département de l'Allier à verser à l'association la somme de 130 000 euros, tous intérêts confondus, à titre de dommages-intérêts et a rejeté le surplus de la demande.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 15 décembre 2021, sous le numéro 21LY04218, le département de l'Allier, représenté par Me Le Chatelier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900684-1902588 du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association " Les jardins de cocagne " ;
3°) de mettre à la charge de l'association " Les jardins de cocagne " la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le projet porté par l'association ne correspond pas aux critères de l'OS 3 en ce que son projet d'insertion n'était ni nouveau ni innovant ;
- le chantier d'insertion de l'association relevait de l'OS 1, à condition qu'il mobilise des participants autres qu'en contrat à durée déterminée d'insertion, pour lequel elle n'a pas candidaté ;
- à titre subsidiaire, à supposer fautif le refus d'attribution de subvention, l'association n'a pas subi de perte de chance de bénéficier de cette aide ;
- le calcul retenu par le tribunal est contestable.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2022, l'association " Les jardins de cocagne ", représentée par Me Martinet-Beunier, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement n° 1900684-1902588 du 14 octobre 2021 en ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ;
3°) à ce qu'elle soit déclarée éligible au bénéfice d'une subvention au titre du FSE pour les années 2018 et 2019 ou, à défaut, à ce qu'il soit enjoint au département de l'Allier d'instruire à nouveau sa demande de subvention ;
4°) à ce que le département de l'Allier soit condamné à lui verser la somme de 262 470,07 euros au titre des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2019 ;
5°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département de l'Allier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le département de l'Allier ne sont pas fondés ;
- le département a entaché sa décision de refus d'attribution de la subvention d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le projet n'était pas éligible à l'OS 3 ;
- la décision attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- compte tenu de cette illégalité fautive, elle a droit à :
* la somme de 230 000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d'une subvention ;
* la somme de 7 699,87 euros au titre des pénalités de retard d'acquittement des charges patronales en raison de difficultés de trésorerie ;
* la somme de 2 235 euros en remboursement d'indemnités de rupture conventionnelle ;
* la somme de 8 899 euros en remboursement d'indemnités de licenciement économique ;
* la somme de 13 636,20 euros au titre du montant forfaitaire de reclassement exigé par Pôle Emploi et relatif au préavis non versé à un salarié licencié.
Les parties ont été informées, par lettre du 16 mai 2022, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, il était envisagé d'appeler l'affaire au cours du mois de septembre 2022 et que l'instruction pourrait être close à partir du 1er juin 2022 sans information préalable.
Par une ordonnance du 1er juin 2022, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée à 10h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté pour le département de l'Allier a été enregistré le 1er juin 2022 à 10h52, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.
II. Par une requête enregistrée le 15 décembre 2021, sous le numéro 22LY01415, le département de l'Allier, représenté par Me Le Chatelier, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1900684-1902588 du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Il soutient que :
- les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-16 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies ;
- il soulève les mêmes moyens que dans l'instance 21LY04218.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2022, l'association " Les jardins de cocagne ", représentée par Me Martinet-Beunier conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du département de l'Allier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le département de l'Allier ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 22 juin 2022, a été présenté pour le département de l'Allier et n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le règlement (UE) n° 1304/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bosquet, représentant le département de l'Allier et de Me Martinet-Beunier, représentant l'association " Les jardins de cocagne ".
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 septembre 2018, le département de l'Allier, désigné comme organisme intermédiaire pour la gestion des crédits au titre du fonds social européen (FSE), a lancé un appel à projets pour les opérations susceptibles de bénéficier d'un financement de ce fonds au titre notamment de l'objectif spécifique (OS) 3, dénommé " développer les projets de coordination et d'animation de l'offre en faveur de l'insertion et de l'économie sociale et solidaire ", de l'axe 3 du programme opérationnel national, intitulé " lutter contre la pauvreté et promouvoir l'inclusion ". Le 3 novembre 2018, l'association " Les jardins de cocagne " a présenté un dossier de demande de subvention à ce titre. Par une délibération du 17 décembre 2018, la commission permanente du conseil départemental de l'Allier a rejeté sa candidature présentée au titre de l'OS 3 au motif que l'opération, consistant en une activité de chantier d'insertion, n'entrait pas dans le champ de l'appel à projets. Par un jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi par l'association " Les jardins de cocagne ", a annulé cette délibération en tant qu'elle rejette sa candidature, a condamné le département de l'Allier à verser à l'association une somme de 130 000 euros à titre de dommages et intérêts et a rejeté le surplus de la demande. Le département relève appel de ce jugement. Par un appel incident, l'association " Les jardins de cocagne " sollicite une majoration de l'indemnité qui lui a été allouée.
Sur la légalité de la délibération du 17 décembre 2018 :
2. Il résulte de l'appel à projets lancé le 29 septembre 2018 par le département de l'Allier dans le cadre de l'attribution de subventions au titre du FSE que l'OS 3 de l'axe 3 du programme opérationnel national identifie, parmi les projets susceptibles d'ouvrir droit à l'attribution d'une subvention, ceux qui sont " innovants eu égard aux défis environnementaux et aux besoins sociaux " et ceux " porteurs de réponses nouvelles à des besoins émergents ", les innovations attendues pouvant concerner, s'agissant du renouvellement de l'offre d'insertion, " le service rendu en matière d'accompagnement vers l'emploi, les modes de construction des parcours d'insertion, de coordination des acteurs et des étapes de parcours, d'implication des parcours, d'implication des personnes bénéficiaires, de mobilisation des employeurs ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des indications figurant en annexe de la délibération de la commission permanente du 17 décembre 2018, que le projet présenté par l'association " Les jardins de cocagne ", intitulé " insertion par le travail en zone rurale à revitaliser bénéficiant d'un projet alimentaire territorial ", consiste en " un chantier d'insertion regroupant environ quarante personnes chaque année en contrat à durée déterminée d'insertion à temps partiel, les supports de l'action sont le maraîchage et l'arboriculture fruitière biologique ainsi que la distribution de paniers de légumes à un réseau d'adhérents consommateurs de l'arrondissement de Vichy. Concernant plus précisément les actions d'insertion, l'opération peut être divisée en trois phases : l'accueil et l'intégration ; le diagnostic et la résolution des problèmes psycho-sociaux, de formation et d'évaluation des compétences ; la mobilisation vers l'emploi grâce à des périodes de mise en situation professionnelle ". Il n'est pas contesté que l'opération présentée au titre de l'année 2018 par l'association " Les jardins de cocagne " ne comportait aucune des innovations attendues par l'appel à projet et rappelées au point précédent, ces innovations constituant une condition mise à l'octroi de la subvention. A cet égard, l'association ne conteste pas que l'opération de chantier d'insertion qu'elle a présentée au titre de l'année 2018 ne différait pas, dans son contenu, des opérations pour lesquelles elle avait obtenu une subvention au titre des années 2015 à 2017. Au demeurant, l'association avait été informée à deux reprises avant la présentation de sa candidature, par des courriers des 28 mars 2017 et 24 mai 2018, que les crédits attribués au titre du FSE avaient pour objet de financer des actions nouvelles et non récurrentes, et qu'à compter de 2018, les financements étant plus contraints, des projets, qui avaient bénéficié de crédits du FSE au titre des années précédentes, étaient susceptibles de ne plus être éligibles à une telle subvention. Dans ces conditions, la commission permanente du conseil départemental de l'Allier n'a pas entaché sa délibération, en tant qu'elle écarte la demande de subvention de l'association " Les jardins de cocagne ", d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des critères d'attribution qui avaient été fixés dans l'appel à projets. Il suit de là que le département de l'Allier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, pour ce motif, annulé partiellement la délibération du 17 décembre 2018.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par l'association " Les jardins de cocagne ".
5. Contrairement à ce que soutient l'association intimée, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'en l'informant, par les courriers évoqués au point 3, des conditions d'attribution de crédits au titre du FSE au regard des conditions posées par le programme opérationnel national, le département de l'Allier aurait tenté de la dissuader de présenter sa candidature. En outre, s'il ressort des pièces du dossier que, par la délibération attaquée, la commission permanente du conseil départemental a décidé de subventionner, au titre de l'année 2018, trois projets relevant de l'OS 3 de l'axe 3, dont deux étaient portés par les services du département de l'Allier, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à entacher la délibération d'un détournement de pouvoir. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit, dans ses deux branches, être écarté.
6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en première instance, que le département de l'Allier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la délibération du 17 décembre 2018 en ce qu'elle a écarté la candidature de l'association " Les jardins de cocagne " pour l'attribution de crédits au titre du FSE.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Toute illégalité fautive est, comme telle, et quelle qu'en soit la nature, susceptible d'engager la responsabilité de l'administration dès lors qu'elle est à l'origine des préjudices subis.
8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la délibération du 17 décembre 2018 n'étant entaché d'aucune illégalité fautive, le département de l'Allier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à l'association " Les jardins de cocagne " la somme de 130 000 euros en réparation de ses préjudices. Les conclusions incidentes de l'association tendant à ce que le montant de cette indemnité soit majoré ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
9. Le présent arrêt rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par l'association " Les jardins de cocagne ". Dès lors, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au département de l'Allier de lui accorder le bénéfice d'une subvention au titre du FSE pour les années 2018 et 2019 ou de réexaminer nouveau sa demande de subvention ne peuvent qu'être rejetées.
10. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 octobre 2021, les conclusions de la requête n° 22LY01415 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Les jardins de cocagne " la somme que le département de l'Allier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par l'association " Les jardins de cocagne " soient mises à la charge du département de l'Allier, qui n'est pas la partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1900684-1902588 du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association " Les jardins de cocagne " devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ainsi que ses conclusions incidentes en appel sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 22LY01415.
Article 4 : Les conclusions du département de l'Allier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Allier et à l'association " Les jardins de cocagne ".
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne à la préfète de l'Allier, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY04218,...