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28/07/2022 | FRANCE | N°21LY00215

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 28 juillet 2022, 21LY00215


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 4 juillet 2019 par laquelle le jury n° 0018 l'a ajournée aux épreuves du premier groupe du baccalauréat général spécialité " économique et sociale " de la session 2019, ensemble son relevé de notes ;

2°) d'ordonner au rectorat de communiquer les délibérations prises par le jury n° 0018, les comptes rendus de ce jury, l'émargement de ses membres, les actes de désignat

ion de ceux-ci, les listes d'émargement des surveillants des salles dans lesquelles elle a comp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 4 juillet 2019 par laquelle le jury n° 0018 l'a ajournée aux épreuves du premier groupe du baccalauréat général spécialité " économique et sociale " de la session 2019, ensemble son relevé de notes ;

2°) d'ordonner au rectorat de communiquer les délibérations prises par le jury n° 0018, les comptes rendus de ce jury, l'émargement de ses membres, les actes de désignation de ceux-ci, les listes d'émargement des surveillants des salles dans lesquelles elle a composé et l'ensemble de ses copies corrigées ;

3°) et d'enjoindre à l'administration de rectifier ses notes et, selon la moyenne générale obtenue après rectification, lui attribuer le baccalauréat général spécialité " économique et sociale ", ou, à défaut, lui permettre de passer les épreuves au rattrapage, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1902218 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a annulé la délibération du 4 juillet 2019 par laquelle le jury n° 0018 a ajourné Mme A... aux épreuves du 1er groupe du baccalauréat général spécialité " économique et sociale " de la session 2019, intégrant son relevé de notes et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me Rothdiener, demande à la cour :

1°) d'enjoindre au rectorat de communiquer les délibérations prises par le jury n°0018, les comptes rendus de ce jury, l'émargement de ses membres, les actes de désignation de ceux-ci, les listes d'émargement des surveillants des salles dans lesquelles elle a composé et l'ensemble de ses copies corrigées ;

2°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il n'a pas fait droit à la demande principale et aux moyens invoqués dans le corps de la présente requête ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 4 juillet 2019 par laquelle le jury n° 0018 l'a ajournée aux épreuves du premier groupe du baccalauréat général spécialité " économique et sociale " de la session 2019, ensemble son relevé de notes ;

4°) d'enjoindre à l'administration de rectifier ses notes et, selon la moyenne générale obtenue après rectification, lui attribuer le baccalauréat général spécialité " économique et sociale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 2 500 euros au titre des frais de première instance et d'appel non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, le juge ayant méconnu l'étendue de son office en ne mettant pas en œuvre ses pouvoirs d'instruction afin d'obtenir la production des documents sollicités qui étaient essentiels à l'analyse des moyens soulevés en première instance et auxquels le jugement n'a pas répondu ; le tribunal a violé son droit à un recours effectif et à un procès équitable, a méconnu le principe du contradictoire, les règles de charge de la preuve et la loyauté de la preuve ;

- la délibération est entachée de vices de procédure substantiels en méconnaissance de la règle d'impartialité des examinateurs et des membres du jury, prescrite par les articles L. 331-1 et D. 334-9 du code de l'éducation, les règles de composition du jury prévues aux articles D. 334-9 et D. 334-21 du même code, ces vices l'ont privée d'une garantie ;

- les irrégularités commises lors du déroulement des épreuves du baccalauréat du fait de la présence d'un surveillant avec lequel elle avait eu des différents et qui ferait l'objet d'une plainte dans le cadre d'une procédure disciplinaire toujours en cours, du fait de l'inaction de l'administration dans l'organisation de l'épreuve de TPE et de la notation de cette épreuve, de l'erreur matérielle quant à la notation obtenue à l'épreuve d'éducation physique et sportive, sans lien avec les résultats obtenus dans le cadre du contrôle continu et avec ses mérites dans le domaine de la natation, en violation des dispositions de l'article L. 331-1, dont il n'a pas été fait application du critère principal de notation, et de l'article D. 334-4 du code de l'éducation ;

- la délibération attaquée a été prise en méconnaissance du principe d'équité, du principe d'égalité entre les candidats au baccalauréat général série " Economique et sociale " de la session 2019 et des règles de notation ce qui justifie son annulation ainsi que celle du relevé de notes correspondant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2021, la rectrice de l'Académie de Dijon conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, subsidiairement, au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- à titre principal, compte tenu de ce que l'annulation de la délibération demandée a été prononcée par le jugement attaqué, la requérante est dépourvue d'intérêt pour agir et que sa requête est, par suite, irrecevable ; antérieurement à l'introduction de sa requête, Mme A... a été admise à la session de juin 2020 de l'examen du baccalauréat général série ES ; les documents dont la communication était demandée ont été communiqués à la requérante dans le cadre de la première instance ;

- à titre subsidiaire, aucun des autres moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de sa scolarité en classe de terminale au lycée Charles de Gaulle à Dijon, Mme A... s'est présentée à la session 2019 des épreuves du baccalauréat général, série " économique et sociale ". Le 4 juillet 2019, le jury n° 0018 de cet examen a décidé son ajournement aux épreuves du premier groupe, sans possibilité de passer les épreuves de rattrapage, l'intéressée ayant obtenu une moyenne générale de 6,83/20. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant principalement à l'annulation de cette délibération et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de rectifier ses notes et, selon la moyenne générale obtenue après rectification, lui attribuer le baccalauréat général série " économique et sociale " ou, à défaut, lui permettre de passer les épreuves au rattrapage, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte. Par jugement du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a annulé la délibération du 4 juillet 2019 par laquelle le jury n° 0018 l'a ajournée aux épreuves du 1er groupe du baccalauréat général série " économique et sociale " de la session 2019, y compris le relevé de notes correspondant et rejeté le surplus de sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement " en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande principale et aux moyens invoqués ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La requérante soutient que le jugement dont elle demande l'annulation en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande principale et aux moyens invoqués, est irrégulier en ce que les premiers juges auraient méconnu leur office en omettant de procéder à une mesure d'instruction aux fins de faire produire par le rectorat, dans le cadre de l'instance et en réponse à sa demande, les délibérations prises par le jury n° 0018, les comptes rendus de ce jury, l'émargement de ses membres, les actes de désignation de ceux-ci, les listes d'émargement des surveillants des salles dans lesquelles elle a composé et l'ensemble de ses copies corrigées. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance que ces pièces, à l'exception des listes d'émargement des membres du jury et des surveillants que le rectorat soutient ne pas avoir en sa possession, ont été produites par l'administration, jointe à son mémoire en défense de première instance. S'agissant des moyens tirés de ce que le tribunal aurait violé son droit à un recours effectif et à un procès équitable, aurait méconnu le principe du contradictoire, les règles de charge de la preuve et la loyauté de la preuve, ils ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour permettre au juge d'appel d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, l'irrégularité du jugement alléguée n'est pas établie.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. La requérante soutient que sa requête est recevable en se prévalant de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 4 octobre 2019, n° 417617 aux termes de laquelle lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2.

4. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.

5. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.

6. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Dijon que, dans le cadre de sa demande, Mme A... a présenté devant le tribunal des conclusions tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 4 juillet 2019 par laquelle le jury n° 0018 de l'examen du baccalauréat général série " économique et sociale " a décidé son ajournement aux épreuves du premier groupe, sans possibilité de passer les épreuves de rattrapage et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au rectorat de l'académie de Dijon, en premier lieu, de communiquer les délibérations prises par le jury n° 0018, les comptes rendus de ce jury, l'émargement de ses membres, les actes de désignation de ceux-ci, les listes d'émargement des surveillants des salles dans lesquelles elle a composé et l'ensemble de ses copies corrigées et, en second lieu, de rectifier ses notes et, selon la moyenne générale obtenue après rectification, lui attribuer le baccalauréat général spécialité " économique et sociale ", ou à défaut, lui permettre de passer les épreuves au rattrapage, dans un délai de quarante-huit heures, sous astreinte. A l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, Mme A... excipait, à l'encontre de la délibération litigieuse, de l'illégalité de l'arrêté de désignation des membres du jury en date du 27 juin 2019, la privant ainsi de base légale, et soulevait des moyens mettant en cause la régularité des conditions d'organisation et de notation des épreuves de la session initiale de 2019, et le respect des conditions d'équité et d'égalité entre les candidats. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour annuler la délibération qui ajournait Mme A..., le tribunal, considérant qu'il s'agissait d'une opération complexe, a accueilli, comme recevable, l'exception d'illégalité de l'arrêté de désignation des membres du jury, et s'est fondé sur les moyens tirés de l'incompétence du signataire et d'un vice de forme entachant ledit arrêté. Ce faisant, estimant que ces moyens justifiaient l'annulation demandée de la délibération du jury et le relevé de notes correspondant de Mme A..., le tribunal ne s'est pas prononcé sur les autres moyens dirigés contre l'organisation et la notation des épreuves. En appel, elle soutient être recevable à contester le jugement en tant que les premiers juges n'ont retenu que les vices d'incompétence et de forme sans accueillir les vices de légalité interne fondant sa demande principale et notamment l'injonction tendant à ce que le baccalauréat ES 2019 lui soit délivré.

8. Toutefois, l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération l'ajournant et de son relevé de notes, une fois prononcée, ne pouvait conduire à enjoindre au rectorat de l'académie de Dijon de rectifier, sur la base de la moyenne des notes de chaque épreuve, ses notes désormais annulées, seule pouvant être prononcée l'injonction, demandéee, à titre subsidiaire, de l'autoriser à se présenter aux épreuves de la session de rattrapage et, s'agissant de ces conclusions subsidiaires, les premiers juges ont pu se fonder sur les circonstances de l'espèce, selon lesquelles à la date de leur jugement, l'intéressée s'était vu délivrer le diplôme de baccalauréat général série ES à la session 2020, pour retenir que l'injonction demandée à titre subsidiaire était devenue sans objet. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la requérante n'est pas fondée à relever appel du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes d'injonction.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon, après avoir annulé la délibération litigieuse, n'a pas fait droit à ses demandes aux fins d'injonction et d'astreinte présentées sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copie en sera adressée au recteur de l'Académie de Dijon.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.

Le rapporteur,

E. Conesa-Terrade

Le président,

F. Pourny Le greffier,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00215


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00215
Date de la décision : 28/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-01-04-04-02 Enseignement et recherche. - Questions générales. - Examens et concours. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ROTHDIENER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-28;21ly00215 ?
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