Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la communauté de communes ... à leur verser les sommes de 7 000 et 65 600 euros au titre de leurs préjudices, d'enjoindre à la communauté de communes ... de réaliser une étude d'impact des nuisances sonores, de mettre en œuvre les travaux préconisés dans un délai de deux mois puis faire réaliser des mesures acoustiques et de cesser d'ouvrir la toiture du centre aquatique dans l'attente de ces études et travaux, et de mettre à sa charge la somme de 16 509,59 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1904070 du 23 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande et a mis les frais d'expertise à la charge de la communauté de communes ....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 novembre 2020, et un mémoire complémentaire enregistré le 30 septembre 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Sanson, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1904070 du 23 septembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'enjoindre à la communauté de communes ... de mettre en œuvre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, la mesure préconisée par l'expert, à savoir de procéder à une étude d'impact des nuisances sonores provenant du centre aquatique, puis de mettre en œuvre les travaux préconisés dans un délai de deux mois et enfin de faire réaliser à ses frais une mesure acoustique dans un délai d'un mois, en interdisant dans l'attente toute ouverture de la toiture du centre aquatique ;
3°) de condamner la communauté de communes ... à leur verser les sommes de 2 500 euros chacun au titre de leur préjudice moral, de 1 000 euros chacun au titre de leur préjudice de santé et de 70 400 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
4°) de condamner la communauté de communes ... à leur verser la somme de 20 114,32 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens.
Ils soutiennent que :
* c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions indemnitaires en estimant que leur préjudice ne revêtait pas un caractère grave et qu'ils avaient connaissance des risques encourus lors de l'acquisition de leur propriété ;
* ils subissent des préjudices quant à leur santé et à la jouissance de leur propriété et ont exposé des frais liés au litige.
Par deux mémoire en défense enregistrés les 4 février et 18 octobre 2021, la communauté de communes ..., représentée par Me Karpenschif, conclut au rejet de la requête, demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a retenu que les époux A... établiraient la réalité du préjudice subi lorsque la toiture du centre aquatique est ouverte ou semi-ouverte et le lien de causalité entre l'ouvrage public et leurs préjudices et à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge de M. et Mme A... ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 19 novembre 2021, présenté pour les époux A..., n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
* le code de la santé publique ;
* l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif aux modalités de mesurage des bruits de voisinage ;
* le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
* le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
* les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
* les observations de Me Martin, substituant Me Sanson, représentant les consorts A...,
* et les observations de Me Romatier, substituant Me Karpenschif, représentant la communauté de communes ....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... sont propriétaires depuis le 27 avril 2011 d'une maison sise ..., qui est voisine d'un centre aquatique construit et exploité depuis octobre 2015 par la communauté de communes ... (ci-après ...). Ils ont demandé à l'établissement public de prendre des mesures afin de mettre fin aux nuisances sonores qu'ils soutiennent subir du fait du fonctionnement de ce centre aquatique. Par ordonnance du 4 avril 2017, sur saisine de la ..., le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise dont le rapport a été déposé le 17 janvier 2019. Après avoir vainement adressé leur réclamation préalable à la ..., les époux A... ont saisi le tribunal administratif de Lyon de conclusions tendant à la fois à l'indemnisation de leurs préjudices et à ce que l'établissement public prenne les mesures appropriées pour y mettre un terme. Par jugement du 23 septembre 2020, dont les époux A... relèvent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Sur la responsabilité :
2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers sont tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère permanent. En cause d'appel, M. et Mme A... recherchent la responsabilité sans faute de la ... seulement en ce qui concerne les nuisances sonores qu'ils soutiennent subir lorsque le toit du centre aquatique est ouvert.
3. Aux termes de l'article R. 1336-6 du code de la santé publique : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. (...) " Aux termes de l'article R. 1336-7 du même code : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause./ Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels pondérés A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 décibels pondérés A en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en décibels pondérés A, fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier (...) 7° Zéro pour une durée supérieure à 8 heures. ". Cet article a ainsi fixé, dans un but de santé et de tranquillité publiques, des valeurs limites à respecter en toute hypothèse en matière de bruit de voisinage, notamment par des activités sportives. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif aux modalités de mesurage des bruits de voisinage : " Pour le calcul de l'émergence globale et de l'émergence spectrale, la durée cumulée des intervalles de mesurage des niveaux sonores, qui doit comprendre des périodes de présence du bruit particulier et des périodes de présence du bruit résiduel seul, est au moins égale à trente minutes. Les périodes d'apparition de bruits exceptionnels ou de bruits additionnels liés à la réalisation des mesurages (aboiements liés à la présence de l'opérateur, conversations, véhicules isolés ou en stationnement proche, etc.) sont exclues de l'intervalle de mesurage. Le mesurage du niveau de bruit ambiant se fait uniquement sur les périodes de présence du bruit particulier et le mesurage du niveau de bruit résiduel se fait sur toute la durée des intervalles de mesurage en excluant les périodes de présence du bruit particulier. Lorsque le bruit particulier apparaît de manière permanente, le mesurage du bruit résiduel est effectué en faisant cesser provisoirement le bruit particulier. Lorsque cet arrêt est impossible, le mesurage peut être établi à un endroit proche et représentatif du niveau de bruit résiduel au point de mesurage initialement prévu ou en profitant de l'arrêt de la source de bruit un autre jour représentatif de la situation acoustique considérée. (...) ".
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que lorsque le toit du centre aquatique est ouvert, l'émergence globale constatée au niveau de la terrasse et dans le salon de la maison des époux A..., fenêtre ouverte, est égale à 15 à 16 dB(A), soit un dépassement du seuil de 5 dB(A) en période diurne fixé par l'article R. 1336-7 du code de la santé publique. Le calcul de l'émergence globale s'est fait à raison de mesures acoustiques respectant la norme NFS de plus d'une heure effectuées pendant trois jours, les 4, 5 et 6 août 2017. Si la ... reproche à l'expert d'avoir évalué le niveau de bruit résiduel en soirée, après 20 heures, excluant ainsi les éventuels bruits émanant d'autres activités à caractère diurne, cette méthodologie respecte néanmoins les dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 5 décembre 2006 alors que le centre aquatique reste ouvert en été toute la journée, tous les jours. En outre, les mesures effectuées avec le toit du centre aquatique fermé les mêmes jours permettent de constater que l'écart de l'émergence sonore entre la configuration toit fermé et toit ouvert est de plus de 7 dB(A), dépassant là encore le seuil fixé par l'article R. 1336-7 du code précité. Enfin, ces mesures sont cohérentes avec celles effectuées le 24 août 2016 par un cabinet d'études missionné par les requérants qui a évalué le niveau de bruit résiduel entre 18 heures 30 et 20 heures et a trouvé une émergence globale de 13 dB(A) lorsque le toit du centre aquatique est ouvert. Il découle de ce qui précède que la réalité des nuisances sonores subies par les époux A... et le lien de causalité avec l'ouvrage public dans sa configuration " toit ouvert ", sont établis. Si la ... fait valoir que d'autres riverains du centre aquatique doivent subir les mêmes nuisances, ceci ne saurait faire perdre au préjudice subi son caractère spécial alors qu'il résulte de l'instruction que, de par sa position et son orientation au regard de la piscine, la propriété des époux A... est davantage exposée au bruit émanant de l'ouvrage et que des structures métalliques d'un gymnase limitrophe en majorent les effets. Les conclusions incidentes présentées par la ... tendant à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu que les époux A... établiraient la réalité du préjudice subi lorsque la toiture du centre aquatique est ouverte ou semi-ouverte et le lien de causalité entre l'ouvrage public et leurs préjudices ne peuvent ainsi, en tout état de cause, être accueillies.
5. En deuxième lieu, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a néanmoins considéré que le préjudice subi par les requérants n'était pas suffisamment grave pour leur ouvrir droit à réparation eu égard au nombre de journées pendant lesquelles le toit du centre aquatique est ouvert. D'abord, si les époux A... soutiennent que la période pendant laquelle le toit du centre aquatique est ouvert s'échelonne d'avril à septembre et la moitié du temps, ils ne l'établissent pas en produisant seulement un extrait du site Internet indiquant une ouverture exceptionnelle du toit en septembre 2018 et un document concernant les pratiques du centre aquatique d'Evian-les-Bains. Il résulte de l'instruction, et notamment d'une note de service de 2018 produite par la ..., que l'ouverture du toit n'est envisagée que lorsque l'eau est stabilisée chimiquement et que la température extérieure est égale ou supérieure à 27°C, par temps stable et non venté. Il s'ensuit que l'ouverture du toit n'est donc possible que lors des trois mois d'été, soit de juin à août, et compte tenu des conditions météorologiques habituelles applicables à la région, justifiées par les données de Météo France produites en défense, pour une quarantaine de journées environ. En outre, il ressort des notes de service produites par la ... que le toit de la piscine ne peut être ouvert hors période estivale que très partiellement, et qu'en période estivale il reste fermé lors de la tenue d'activités avec sonorisation ou intrinsèquement bruyantes. Enfin, la ... affirme sans susciter de réplique que le toit du centre aquatique reste désormais fermé tous les weekends en période estivale.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment d'un rapport du bureau Socotec, mandaté par la ... pour prendre des mesures acoustiques les 11 et 12 juillet 2012 dans le cadre du projet de construction du centre aquatique, que le bruit ambiant diurne relevé était alors de 42,5 dB(A) à un point situé à proximité de la propriété des époux A..., contre 30 à 35 dB(A) selon les mesures réalisées par l'expert en août 2017. Si, comme l'opposent les époux A..., ces chiffres établis en des lieux, temps et conditions différents, ne permettent pas d'affirmer comme le soutient la ..., que le centre aquatique a notablement diminué les nuisances sonores subies par les requérants avant sa construction, en offrant un écran à des bruits provenant de la voirie ou des habitations voisines, ils attestent toutefois de l'existence d'un niveau de bruit ambiant élevé avant la réalisation de l'ouvrage, tenant notamment à la présence d'un complexe sportif comprenant un terrain de football, des cours de tennis, un boulodrome et un gymnase. La circonstance que les mesures effectuées par le bureau Socotec n'aient pas été menées de façon contradictoire ne saurait les faire regarder comme dénuées de valeur probante. En outre, la ... fait valoir, sans susciter de réplique, qu'une maison est venue s'intercaler entre la propriété des époux A... et le centre aquatique et qu'elle est de nature à amoindrir les nuisances sonores subies.
7. Il découle des points 5 et 6 que le préjudice subi par les époux A... du fait des nuisances sonores générées par le centre aquatique lorsqu'il est en configuration " toit ouvert " ne peut être regardé comme revêtant un caractère grave leur ouvrant droit à réparation. Par suite, la responsabilité sans faute de la ... ne peut être engagée. Sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé du dernier motif indiqué par le tribunal administratif de Lyon tiré de ce que les époux A... avaient une connaissance des risques encourus par le projet de création du centre nautique arrêté avant l'acquisition de leur maison le 27 avril 2011, motif devant être regardé comme surabondant, les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leurs conclusions indemnitaires ainsi que, par voie de conséquences, leurs conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 5 306 euros, peuvent être laissés à la ..., laquelle a été à l'initiative du référé instruction.
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des consorts A... et à la ... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... et les conclusions de la ... sont rejetées.
Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 5 306 euros, sont laissés à la charge de la ....
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et à la communauté de communes ....
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
* M. Pourny, président de chambre,
* M. Gayrard, président assesseur,
* M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.
Le rapporteur,
J-P. GayrardLe président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 20LY03443 2