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28/07/2022 | FRANCE | N°20LY02594

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 28 juillet 2022, 20LY02594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la communauté d'agglomération du Pays Voironnais à lui verser une indemnité de 31 801,60 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de sa chute dans un regard d'égout situé dans l'enceinte du centre de ressources, d'expertise et de performance sportive de Voiron.

Par un jugement n° 1700091 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la communauté d'agglomération du Pays Voir

onnais à verser à M. B... une indemnité de 10 400 euros, à la caisse primaire d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la communauté d'agglomération du Pays Voironnais à lui verser une indemnité de 31 801,60 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de sa chute dans un regard d'égout situé dans l'enceinte du centre de ressources, d'expertise et de performance sportive de Voiron.

Par un jugement n° 1700091 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la communauté d'agglomération du Pays Voironnais à verser à M. B... une indemnité de 10 400 euros, à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône une indemnité de 2 324,75 euros au titre des dépenses de santé et des prestations dues au titre de la perte de gains professionnels, ainsi qu'une indemnité de 774,92 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis définitivement à la charge de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais les frais et honoraires d'expertises taxés et liquidés à la somme totale de 1 500 euros par ordonnances du président du tribunal administratif de Grenoble du 21 septembre 2017 et 4 septembre 2019, a condamné la communauté d'agglomération du Pays Voironnais à verser une somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande et les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Pays Voironnais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 septembre 2020, le 28 février 2021 et le 2 juillet 2021, la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, représentée par Me Bontemps-Hesdin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône n'est pas compétente pour intervenir dans ce litige, n'ayant pas qualité pour agir dès lors que l'assuré social, victime du dommage, domicilié à Voreppe est affilié auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ; la convention confiant à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la gestion des recours n'a pas été produite lors de son intervention ;

- la tardiveté de son intervention, postérieurement à la première audience du 14 novembre 2019, la rend irrecevable ;

- le contentieux indemnitaire n'est pas lié au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; les conclusions indemnitaires ne sont pas chiffrées avec certitude en application d'un texte ou après un rapport d'expertise ;

- l'entretien régulier du lieu de l'accident par un prestataire lié à la communauté d'agglomération selon un marché d'entretien annuel est établi ; l'entretien a eu lieu le lundi 3 octobre 2016, le jour même, avant la survenance de l'accident ;

- l'imprudence de la victime l'exonère de responsabilité dans le dommage à l'origine des préjudices indemnisés par le jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2020, M. C... B... conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par un appel incident à la réformation du jugement en portant les montants alloués en réparation de ses préjudices, dus par la communauté d'agglomération du Pays Voironnais à la somme totale de 31 801,60 euros (soit de 1 677,60 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 5 000 euros pour l'indemnisation des souffrances endurées, 8 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 2 124 euros au titre du préjudice professionnel temporaire, et 15 000 euros au titre de son préjudice moral) ;

3°) à la condamnation de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise qui s'élèvent à la somme globale de 1 500 euros.

Il soutient que :

- la responsabilité de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais est engagée ;

- la liaison du contentieux est effective, par la décision implicite de rejet, et les prétentions indemnitaires ont été chiffrées dans le cadre d'une réclamation en date du 15 janvier 2017 qui a été transmise au tribunal par télérecours le 30 mai 2017 ; le jugement en fait état en réponse au moyen d'ordre public ;

- il a été victime d'un dommage accidentel d'ouvrage public en qualité d'usager de cet ouvrage comme l'a jugé le tribunal administratif ;

- le dommage est dû à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage consécutif à un défaut de solidarité entre la grille et le regard dans lequel il a chuté : en l'absence de preuve d'un entretien normal de l'ouvrage, la communauté d'agglomération ne peut s'exonérer de sa responsabilité ;

- le rapport d'expertise fait état des blessures et séquelles en lien direct et certain avec cet accident ;

- il a droit à la réparation intégrale de ses préjudices.

Par un mémoire enregistré le 12 avril 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, ayant pour mandataire de gestion la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentées par la SELARL Axiome avocats agissant par Me Rognerud, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais au versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône est compétente pour solliciter le remboursement des frais médicaux et indemnités journalières versées à M B... ;

- le jugement n'a pas été rendu à l'issue d'une procédure d'instruction irrégulière ;

- la responsabilité de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais est engagée ;

- la requérante est tenue de réparer les conséquences dommageables de l'accident de M. B... et de rembourser les débours définitifs de la caisse au titre des prestations allouées à son assuré social pour une somme de 2 324,75 euros, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion visée à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale de 1 098 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- les ordonnances du président du tribunal administratif de Grenoble du 21 septembre 2017 et 4 septembre 2019, par lesquelles les frais et honoraires des expertises réalisées les 12 septembre 2017 et 5 juin 2019 ont été taxés et liquidés à la somme totale de 1 500 euros

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bontemps-Hesdin, représentant la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, et de Me Leurent, représentant M. C... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la communauté d'agglomération du Pays Voironnais à réparer les divers préjudices causés par une chute, survenue le 3 octobre 2016 dans l'enceinte du centre de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) de Voiron, alors qu'il y accompagnait ses enfants. La communauté d'agglomération du Pays Voironnais relève appel du jugement du 22 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, estimant sa responsabilité engagée dans cet accident, l'a condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône une indemnité de 2 324,75 euros au titre des dépenses de santé et des prestations dues au titre de la perte de gains professionnels ainsi qu'une indemnité de 774,92 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par un appel incident, M B... demande la réformation du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné la communauté d'agglomération du Pays Voironnais à lui verser une indemnité de 10 400 euros en portant cette somme à 31 801,60 euros.

Sur la recevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône :

2. L'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dispose que : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel (...) ". Il résulte de l'article L. 122-1 du même code que c'est en principe le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie qui décide des actions en justice dirigées contre les tiers responsables de dommages causés à l'assuré social affilié à la caisse et qui représente alors celle-ci en justice. Le directeur peut donner mandat à cet effet à certains agents de la caisse ou à un agent d'un autre organisme de sécurité sociale.

3. Toutefois, les dispositions de l'article L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale issues de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, complétées par l'article 39 de la loi du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, et l'article 68 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale, éclairées par les travaux parlementaires, le législateur a entendu permettre qu'un organisme de sécurité sociale du régime général puisse agir en justice pour le compte d'un autre organisme de la même branche, lorsque le contentieux est lié au service des prestations.

4. Les dispositions combinées de l'article L. 221-3-1 et du II de l'article L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale permettent ainsi au directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés de confier à une caisse primaire la charge d'agir en justice pour le compte de la caisse d'affiliation de l'assuré dans tous les contentieux liés au service des prestations d'assurance maladie. A ce titre, une caisse peut se voir confier la mission d'exercer, pour le compte d'une ou plusieurs autres caisses, le recours subrogatoire prévu par les dispositions de l'article L. 376-1 du même code à l'encontre du tiers responsable de l'accident, un tel recours tendant au remboursement des prestations servies à l'assuré à la suite de l'accident. La décision prise en ce sens par le directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie peut, le cas échéant, être formalisée dans un document, signé également par les caisses locales concernées, qui détermine les modalités concrètes de sa mise en œuvre. Ainsi, les recours subrogatoires peuvent être délégués par le directeur général d'une caisse à une autre caisse.

5. Au cas d'espèce, le directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie a décidé en application des dispositions précitées de confier à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, désignée le pôle, la gestion du recours contre les tiers concernant les bénéficiaires de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, caisse cédante, par une convention publiée au Bulletin Officiel Santé Protection Sociale - Solidarité n° 2020-1 du 15 février 2020, selon laquelle la caisse cédante habilite le pôle à former pour son compte les recours subrogatoires sur le fondement des articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale. Le pôle dispose de la qualité et de l'intérêt à agir pour exercer les recours subrogatoires exercés notamment devant la juridiction administrative pour le compte de la caisse cédante. Par suite, le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées pour la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, dans le litige opposant M. B... à la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, tendant au remboursement par cette dernière des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et au paiement d'une somme au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Hors le cas où la caisse est appelée en déclaration de jugement commun conformément aux dispositions ci-après, la demande de la caisse vis-à-vis du tiers responsable s'exerce en priorité à titre amiable. La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret. L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) L'instruction peut également être close à la date d'émission de l'ordonnance prévue au premier alinéa lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue. ". Aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. (...) ".

7. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ". Cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit.

8. Il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, de mettre en cause la caisse de sécurité sociale qui a servi des prestations à son assuré victime d'un accident. A la suite de cette mise en cause, la caisse devient partie à l'instance.

9. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant le tribunal administratif de Grenoble que, suite à l'inscription au rôle de l'audience du 14 novembre 2019 de l'affaire par laquelle M. B..., victime d'un accident corporel dans l'enceinte du centre de ressources, d'expertise et de performance sportive de Voiron et recherchant la responsabilité de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais dans le dommage causé par cet accident, sollicitait, par une demande enregistrée le 5 janvier 2017, l'indemnisation de ses préjudices, le président de la troisième chambre du tribunal a, par une ordonnance du 18 novembre 2019 notifiée à toute les parties en cause, ordonné la réouverture de l'instruction, qui avait été précédemment clôturée le 27 septembre 2019 par une ordonnance notifiée conformément à l'article R. 613-1 du code de justice administrative à M. B... et à la communauté d'agglomération du Pays Voironnais. Il ressort des pièces de la procédure suivie en première instance que, postérieurement à la réouverture de l'instruction, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a adressé au tribunal un mémoire sollicitant, avant nouvelle clôture de l'instruction, le remboursement par la communauté d'agglomération du Pays Voironnais regardée comme responsable du dommage des débours versés à M. B..., A l'issue de la tenue d'une seconde audience, le tribunal administratif de Grenoble, par le jugement attaqué du 22 juin 2020, a jugé que la responsabilité de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais était engagée dans l'accident de M. B... et l'a condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 2 324,75 euros au titres des dépenses de santé et des prestations dues au titre de la perte de gains professionnels de la victime ainsi qu'une indemnité de 774,92 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Au regard des dispositions précitées des articles R. 613-1 et R. 613-4 du code de justice administrative, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône étaient tardives et par suite irrecevables. La fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône doit, par suite, être écartée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux en première instance faute de réclamation indemnitaire préalable chiffrée :

10. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. (...) ". Lorsqu'un requérant a introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration et qu'il forme, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, cette décision lie le contentieux. La demande indemnitaire est recevable, que le requérant ait ou non présenté des conclusions additionnelles explicites contre cette décision, et alors même que le mémoire en défense de l'administration aurait opposé à titre principal l'irrecevabilité faute de décision préalable, cette dernière circonstance faisant seulement obstacle à ce que la décision liant le contentieux naisse de ce mémoire lui-même.

11. Il résulte de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 dit "A...", qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

12. Par suite, aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration.

13. Lorsque le juge de première instance est saisi de conclusions indemnitaires à hauteur d'un certain montant pour divers chefs de préjudice, sans qu'il soit établi qu'une demande indemnitaire aurait été préalablement soumise à l'administration, et qu'une réclamation est, par la suite, adressée à celle-ci, au cours de la première instance, en vue de la régularisation de la demande contentieuse, dans laquelle ne sont invoqués que certains de ces chefs de préjudice, le silence gardé par l'administration sur cette demande a pour effet de faire naître une décision implicite qui lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par le fait générateur invoqué dans cette réclamation, dans la limite du montant total figurant dans les conclusions de la demande contentieuse.

14. Il est constant que M. B... a soumis, par la voie de son conseil, à la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, une réclamation indemnitaire, par courrier reçu le 18 janvier 2017, par laquelle il sollicitait le versement d'une somme provisoire de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'accident corporel dont il a été victime dans l'enceinte du CREPS de Voiron, postérieurement à la saisine du tribunal administratif de Grenoble le 5 janvier 2017, en vue de régulariser sa demande contentieuse. Le silence gardé, au cours de la première instance, par la communauté d'agglomération sur cette réclamation indemnitaire a eu pour effet de faire naître une décision implicite de rejet, avant que le juge de première instance ne statue, qui a lié le contentieux indemnitaire pour l'ensemble des dommages causés par le fait générateur qui y était invoqué, dans la limite du montant total figurant dans les conclusions de la demande contentieuse. Dans ces conditions, alors que M. B... avait préalablement à la saisine du juge adressé, par courrier recommandé réceptionné le 7 novembre 2016 par la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, une demande gracieuse non chiffrée valant réclamation préalable, à laquelle cette dernière n'a pas répondu et que, dans son mémoire du 19 septembre 2017, la communauté d'agglomération du Pays Voironnais n'a pas opposé à titre principal de fin de non-recevoir tiré de l'absence de liaison du contentieux, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée par l'appelante à la demande de première instance, tirée du défaut de liaison du contentieux en première instance pour les chefs de préjudice que le requérant n'avaient pas détaillés dans la réclamation indemnitaire du 18 janvier 2017, adressée à la commuté d'agglomération en cours de première instance avant que le juge ne statue, et à hauteur de l'indemnisation demandée pour leur réparation. La réclamation indemnitaire préalable ne cristallise pas le quantum de la demande indemnitaire présentée devant le juge. Les moyens tirés de l'absence de réclamation préalable et de l'absence de chiffrage précis des conclusions indemnitaires doivent, par suite, être écartés.

Sur les droits de M. B... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône :

En ce qui concerne la responsabilité de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais :

15. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public, victime d'un dommage, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit, pour s'exonérer de sa responsabilité, justifier de l'entretien normal de l'ouvrage ou démontrer que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

16. Il résulte de la lecture du jugement attaqué qu'après avoir rappelé qu'il résultait de l'instruction, et notamment des attestations de témoins produites par la victime, qu'alors que M. B... se déplaçait à pied sur le site du CREPS de Voiron, une grille de visite recouvrant un regard d'assainissement incorporé sur le bas-côté de la route, dont l'ensemble constitue une dépendance nécessaire, s'est dérobée sous ses pieds occasionnant sa chute et que les constatations médicales consécutives à cette chute ont fait état d'une luxation de l'épaule gauche avec arrachement ligamentaire, les premiers juges ont relevé que la communauté d'agglomération du Pays Voironnais ne contestait pas être chargée de l'entretien de la voie publique et être tenue de la maintenir, avec tous ses accessoires, dans un état conforme à sa destination. En première instance, la communauté d'agglomération du Pays Voironnais n'a pas contesté les circonstances de l'accident et les constatations médicales relatives aux conséquences de cette chute sur l'usager. Les premiers juges en ont déduit que la matérialité des faits ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public devaient être regardés comme établis.

17. En appel, la requérante conteste la réalité d'un lien de causalité direct et certain entre le défaut d'entretien normal de la grille du regard retenu par les premiers juges et les conséquences de la chute de M. B... et, partant, ses préjudices. Toutefois, pour contester le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, elle se borne à invoquer, à nouveau en appel, l'existence d'un contrat annuel d'entretien conclu avec un prestataire de services chargé d'évacuer les déchets et de nettoyer régulièrement le site et ses équipements tels que les dalles ou les grilles de regard et à soutenir que ce prestataire serait intervenu le jour même de l'accident, peu avant la chute. Ce faisant, elle n'apporte pas la preuve de l'entretien normal du site et du maintien de l'ouvrage public, avec tous ses accessoires, dans un état conforme à sa destination, susceptibles de l'exonérer de sa responsabilité dans la survenance du dommage causé par un défaut de solidarité de la grille d'un regard d'assainissement. En se bornant à soutenir que l'imprudence de la victime qui, entendant l'arrivée d'un véhicule, s'est déportée sur le bas-côté de la route et a posé le pied sur la grille aurait ainsi fait montre d'un manque de vigilance et de discernement, qui serait de nature à l'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité, elle ne démontre pas que le dommage serait, même pour partie, imputable à la victime. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a jugé sa responsabilité engagée dans la survenance du dommage et l'a, en conséquence, condamnée à réparer les préjudices subis par M. B....

En ce qui concerne les droits de M. B... :

18. M. B... se borne à reprendre en appel ses prétentions de premières instance, sans opposer aucune critique sérieuse aux motifs du jugement attaqué en ce qui concerne l'appréciation portée par les premiers juges quant à la réparation due pour chacun des préjudices subis à raison du dommage causés par sa chute dans les conditions sus-rappelées. Il y a par suite, lieu d'adopter les motifs des premiers juges et de rejeter les conclusions incidentes de M B... tendant à la majoration de l'indemnité totale de 10 400 euros que la communauté d'agglomération du Pays Voironnais a été condamnée à lui verser en première instance.

19. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel incident présentées pour M. B... doivent être rejetées.

En ce qui concerne les droits de la caisse primaire d'assurance maladie :

20. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône établit avoir exposé des frais médicaux pour un montant de 145,23 euros et avoir versé des indemnités journalières d'un montant de 2 179,52 euros. Dès lors la communauté d'agglomération du Pays Voironnais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme totale de 2 324,75 euros au titre des débours exposés pour M. B....

21. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions, prévues au chapitre 3 du titre III et aux chapitres 2,3 et 4 du titre IV du livre Ier ainsi qu'aux chapitres 3 et 4 du titre IV du livre II applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale (...) ".

22. En application des dispositions des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et compte tenu des droits de la caisse s'agissant du remboursement de ses débours, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône n'est pas fondée à soutenir que le montant de 774,92 euros qui lui a été accordé en première instance doit être porté à un montant supérieur, ce montant ne pouvant excéder le tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu dès lors que ce montant dépasse le montant minimal fixé en dernier lieu par un arrêté du 14 décembre 2021.

Sur la charge des dépens :

23. En application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de laisser à la charge définitive de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais les frais et honoraires des expertises confiées au docteur D... liquidées à respectivement à 700 euros et 800 euros par ordonnances du 21 septembre 2017 et 4 septembre 2019.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées pour la communauté d'agglomération du Pays Voironnais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

25. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la communauté d'agglomération du Pays Voironnais à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées par M. B... sur ce même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais est rejetée.

Article 2 : La communauté d'agglomération du Pays Voironnais versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, à M. C... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny , président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.

Le rapporteur,

E. Conesa-Terrade

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02594
Date de la décision : 28/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-02-03 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages sur les voies publiques terrestres. - Défaut d'entretien normal. - Accotements.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BONTEMPS-HESDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-28;20ly02594 ?
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