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27/07/2022 | FRANCE | N°21LY02077

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 juillet 2022, 21LY02077


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 9 février 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours pour mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 29 janvier 2021.

Par un jugement n° 2100401 du 19 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

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ne requête, enregistrée le 21 juin 2021, M. B..., représenté par Me Faure Cromarias, demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 9 février 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours pour mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 29 janvier 2021.

Par un jugement n° 2100401 du 19 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021, M. B..., représenté par Me Faure Cromarias, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 9 février 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de huit jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à tout le moins de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 3 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de ces mêmes dispositions combinées à celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; il ne peut volontairement mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite, dans le délai imparti par le préfet, dès lors que l'article 57-2 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 interdit les déplacements de personnes vers la Serbie ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 ;

- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

- le décret n° 2021-123 du 5 février 2021 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant serbe né en 1988, est entré en France le 22 juin 2018 selon ses déclarations, avec sa compagne et leurs six enfants mineurs. Suite au rejet de sa demande d'asile et de sa demande de réexamen de sa demande d'asile, le préfet du Puy-de-Dôme a pris à son encontre, le 18 novembre 2019, une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Sa compagne ayant déposé une nouvelle demande de titre de séjour, le 4 décembre 2019, en faisant valoir son état de santé, M. B... n'a pas exécuté cette mesure d'éloignement et a lui-même déposé une demande de titre de séjour en tant qu'accompagnant d'étranger malade. Par un arrêté du 29 janvier 2021, le préfet du Puy-de-Dôme a constaté la caducité des demandes de titre de séjour du couple et a pris à l'encontre de M. B... une nouvelle obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans lui accorder de délai de départ volontaire. Il a par ailleurs, par le même arrêté, pris une décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et par un autre arrêté du même jour, assigné l'intéressé à résidence. Par un jugement du 8 février 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision refusant d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire ainsi que l'arrêté portant assignation à résidence. En exécution de ce jugement, le préfet du Puy-de-Dôme a, par un arrêté du 9 février 2021, fixé à trente jours le délai dans lequel il appartient à l'intéressé de quitter volontairement le territoire français. Par un jugement du 19 mars 2021, dont M. B... relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, le préfet du Puy-de-Dôme n'a entaché l'arrêté contesté d'aucune erreur de fait en affirmant que la compagne de M. B..., dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle est en possession d'un titre de séjour en cours de validité à la date de cette décision, est en situation irrégulière sur le territoire national et ce même si, par un jugement du 19 mars 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé un arrêté de ce préfet du 9 février 2021 obligeant l'intéressée à quitter le territoire français.

3. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ".

4. Aux termes de l'article 57-2 et 56-5 des décrets des 16 octobre et 29 octobre 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, dans leur version en vigueur à la date de la décision contestée : " I.- Sont interdits, sauf s'ils sont fondés sur un motif impérieux d'ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l'urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé, les déplacements de personnes : / 1° Entre le territoire métropolitain et un pays étranger autre que ceux de l'Union européenne, Andorre, l'Islande, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, Saint-Marin, le Saint-Siège ou la Suisse (...) II.- Les personnes souhaitant bénéficier de l'une des exceptions mentionnées au premier alinéa du I doivent se munir d'un document permettant de justifier du motif de leur déplacement. Lorsque le déplacement est opéré par une entreprise de transport, la personne présente, avant l'embarquement, une déclaration sur l'honneur du motif de son déplacement, accompagnée de ce document. A défaut, l'embarquement est refusé et la personne est reconduite à l'extérieur des espaces concernés (...) ".

5. Par ces dispositions, le Premier ministre a, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, réglementé en particulier les conditions de sortie du territoire national en période d'état d'urgence sanitaire, en imposant à toute personne, quelle que soit sa nationalité, la justification d'un motif impérieux d'ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l'urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé pour se déplacer entre la France et l'étranger, hormis pour une liste de pays limitativement énumérés.

6. M. B... soutient que la Serbie, pays dont il a la nationalité et vers lequel il a vocation à repartir volontairement en exécution de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite le 29 janvier 2021, ne figure pas dans cette liste limitative. Il en déduit que le délai de trente jours qui lui a été accordé est insuffisant pour lui permettre de rejoindre son pays d'origine. Toutefois, l'exécution d'une mesure d'éloignement à destination d'un pays autre que ceux énumérés par les dispositions précitées, doit être regardée comme un motif impérieux d'ordre personnel au sens et pour l'application de ces dispositions. L'obligation de quitter le territoire français, prise à son encontre le 29 janvier 2021, l'autorisait donc à sortir du territoire national à destination de la Serbie. M. B... n'est ainsi, en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu'en fixant à trente jours le délai de départ volontaire à compter de la notification de l'arrêté du 9 février 2021, le préfet du Puy-de-Dôme a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. M. B... n'établit pas que l'état de santé de sa compagne, qui souffre d'une symptomatologie dépressive majeure associée à des idées suicidaires l'empêcherait de respecter le délai de départ volontaire accordé par le préfet du Puy-de-Dôme pour l'exécution de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet et ce alors que sa compagne, qui, à la suite de sa demande de titre de séjour n'a adressé aucun certificat médical au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, est en situation irrégulière sur le territoire national à la date de la décision en litige. Il n'établit pas davantage, par les pièces qu'il produit, qu'elle serait dans l'impossibilité, avant l'expiration de ce délai de trente jours, de l'accompagner avec leurs six enfants mineurs en Serbie, pays dont ils ont tous la nationalité et dont il n'est au demeurant pas établi que sa compagne ne pourrait pas y recevoir des soins adaptés à son état de santé et que les enfants ne pourraient pas y être scolarisés. Par suite, en fixant à trente jours le délai de départ volontaire, le préfet du Puy-de-Dôme eu égard aux buts poursuivis par la décision en litige, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de M. B... et n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants qui ont vocation à demeurer auprès de leurs parents. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent donc être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. En conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais du litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juillet 2022.

La rapporteure,

S. Lesieux La présidente,

A. Evrard

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02077


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02077
Date de la décision : 27/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : FAURE CROMARIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-27;21ly02077 ?
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