Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes.
E... un jugement n° 1807383 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
E... une requête, enregistrée le 27 février 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 février 2022, M. et Mme C..., représentés E... Me Ben Salem, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions, des amendes et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est recevable ;
- l'année 2012 et l'année 2013, étant prescrites, ne pouvaient plus faire l'objet d'un examen ;
- l'administration avait connaissance dès 2016 des délits qui étaient imputés à M. C... E... le tribunal correctionnel de Valence ;
- il est fait interdiction à l'administration en application de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales de vérifier une année qui l'a déjà été dans une autre procédure ; les années 2012 et 2013 ont déjà été débattues dans le cadre de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle ;
- les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables dès lors que les sommes litigieuses n'ont pas été utilisées à des fins personnelles mais uniquement pour finir ses chantiers et payer ses fournisseurs et salariés ;
- les sommes en litige ont été engagées dans l'intérêt de la société et doivent être qualifiées de charges déductibles ;
- s'agissant des pénalités, il n'existe aucun élément intentionnel imputable aux requérants et l'élément matériel fait défaut.
E... un mémoire, enregistré le 12 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable faute de contenir des moyens d'appel ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Le mémoire du ministre de l'économie, des finances et de la relance, enregistré le 10 juin 2022, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Viavant, représentant M. et Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... ont été assujettis, au titre des années 2012 et 2013, à des compléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers résultant de l'imposition entre les mains de M. C..., sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, de revenus distribués E... la SARL C..., entreprise générale de bâtiments placée en liquidation judiciaire le 12 mars 2014, dont il était le gérant et l'associé. Les compléments d'impôt sur le revenu assignés à M. et Mme C... à raison des distributions irrégulières, notifiés suivant la procédure contradictoire, ainsi que les prélèvements sociaux mis à leur charge, ont été assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 31 décembre 2020 E... lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. M. et Mme C..., qui ont été imposés sur la base d'un contrôle sur pièces et de l'exercice d'un droit de communication de l'administration fiscale auprès du juge judiciaire, ne peuvent se prévaloir de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales qui ne concerne que les contribuables soumis à l'obligation de tenir une comptabilité.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la prescription :
3. Aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 applicable aux délais de reprise venant à expiration à compter du 30 décembre 2015 : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées E... une procédure judiciaire, E... une procédure devant les juridictions administratives ou E... une réclamation contentieuse peuvent être réparées E... l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".
4. Les requérants font valoir que l'administration a eu connaissance dès 2016 des délits dont M. C... était prévenu.
5. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de l'exercice du droit de communication auprès du tribunal correctionnel de Valence le 17 octobre 2016, le service a obtenu l'autorisation du vice-procureur de la République le 24 octobre 2016 et a demandé une copie du jugement du 6 octobre 2016 du tribunal correctionnel de Valence qui a été remise E... le greffe de ce tribunal le 19 janvier 2017. Si, s'agissant de l'année 2012, le droit de reprise de l'administration était déjà prescrit lorsque l'administration a eu connaissance de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait disposé, dans le délai normal de reprise, d'éléments suffisants lui permettant, E... la mise en œuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir les insuffisances ou omissions d'imposition. S'agissant de l'année 2013, si le délai de reprise de l'administration n'expirait que le 31 décembre 2016, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait eu accès au dossier de la procédure pénale avant la fin de l'année judiciaire et il n'est pas établi qu'elle aurait été en mesure dans le temps restant avant l'expiration du délai normal de reprise de mettre en œuvre les procédures d'investigation dont elle dispose pour établir les insuffisances ou omissions d'imposition et ce alors qu'il n'est pas établi que l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 et 2015 et qui s'est achevé E... l'envoi d'un avis informant les contribuables qu'aucune rectification n'était envisagée, a donné lieu à des échanges sur les années 2012 et 2013. E... suite, l'administration a pu, à bon droit, se prévaloir du délai spécial de reprise prévu E... l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales. Il s'ensuit que le moyen tiré de la prescription du droit de reprise de l'administration ne peut qu'être écarté.
6. Les moyens tirés de ce que l'administration n'a engagé un examen contradictoire de situation fiscale personnelle que six mois après qu'elle a eu connaissance du jugement et de ce que les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables au motif que les sommes en cause n'ont pas été utilisées à des fins personnelles mais uniquement pour finir les chantiers engagés et payer les fournisseurs et salariés sont inopérants.
En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus distribués :
7. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
8. M. et Mme C... font valoir que les sommes en cause ont été engagées dans l'intérêt de la SARL C... et présentent le caractère de charges déductibles dès lors qu'elles ont permis de désintéresser les fournisseurs et de payer les salariés de la SARL C....
9. Il résulte de l'instruction que, E... un jugement du 6 octobre 2016, le tribunal correctionnel de Valence a reconnu M. C... coupable des faits d'escroquerie, d'abus de biens ou du crédit d'une SARL E... un gérant à des fins personnelles et d'abus de confiance commis du 27 août 2012 au 31 mars 2015 à Bourg-Les-Valence. A la suite de l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire et de la transmission de la copie des procès-verbaux d'audition, l'administration a relevé que le procès-verbal du 18 juin 2015 établissait la perception sur le compte privé de M. C... le 31 août 2012 d'un chèque de 24 000 euros provenant d'un client de la SARL C... et de virements en provenance de la SARL C... des sommes de 9 000 euros le 25 octobre 2012, de 3 000 euros le 15 novembre 2012, de 26 000 euros le 27 décembre 2012, de 4 000 euros le 30 janvier 2013, de 10 000 euros du 7 au 20 février 2013 et de 1 500 euros le 6 juin 2013, soit un total de 62 000 euros en 2012 et de 15 500 euros en 2013, a constaté que ces sommes perçus directement E... M. C... au cours des années 2012 et 2013 n'avaient fait l'objet d'aucune déclaration tant de la part de la SARL C... que de leurs bénéficiaires et que ces sommes s'analysaient comme des rémunérations et avantages occultes au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts.
10. Les différentes factures et relevés de comptes bancaires produits n'établissent pas que M. C... se serait personnellement acquitté pour le compte de la SARL C... des sommes mentionnées au point 9 et ce alors que M. C... a indiqué, lors de son audition E... les services de police, concernant la somme de 24 000 euros encaissée sur son compte personnel le 21 août 2012 et provenant d'un client de la SARL C..., qu'il " ne savait pas pourquoi il avait mis ce chèque sur son compte " et qu'il " devait être à découvert ". Si le jugement du tribunal correctionnel de Valence du 6 octobre 2016 indique que M. C... est " prévenu d'avoir (...) utilisé l'argent versé E... la victime pour payer ses fournisseurs et ses salariés et de ce fait trompé un client pour le déterminer à remettre des fonds pour la continuation des travaux de construction de la maison et du projet locatif de la victime ", le ministre relève en défense que les sommes dont M. C... soutient qu'elles ont été utilisées pour payer les fournisseurs et les salariés de la SARL C... ne figurent pas parmi celles considérées comme des revenus distribués en s'appuyant sur le procès-verbal du 18 juin 2015 qui fait notamment état de ce que des chèques clients dont le montant n'est pas mentionné ont été remis E... M. C... à certains employés de la société pour payer leurs salaires. E... suite, il ne résulte pas des mentions du jugement que les sommes imposés coïncident avec les sommes mentionnées dans le jugement et les sommes mentionnés sur les factures et relevés de compte produits E... les requérants. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe dès lors que M. et Mme C... ont refusé les redressements, de l'existence et du montant des revenus distribués à ce dernier E... la SARL C....
11. Les circonstances que M. C... a été empêché de travailler en raison d'une agression et que l'administration lui a adressé en avril 2018, postérieurement à la mise en recouvrement des impositions, un courriel E... lequel elle a accepté de procéder " à un nouveau calcul si M. C... reconnaissait que les sommes de 62 000 et 15 000 euros correspondaient à sa rémunération " sont sans incidence sur le bien-fondé des impositions litigieuses.
Sur les majorations pour manquement délibéré :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
13. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % appliquée aux rectifications relatives aux revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2012 et 2013, l'administration relève le caractère répétitif sur deux ans d'appropriation de sommes provenant de la SARL C... ou qui lui étaient destinées pour des montants significatifs (77 500 euros au total), que M. C... était le gérant de la SARL C... qui n'avait satisfait à aucune de ses obligations fiscales, que les sommes prélevées de la SARL C... sont hors de proportion avec les revenus déclarés du foyer fiscal, à savoir pour M. C..., aucun salaire déclaré en 2012 et 3 176 euros à titre de salaires en 2013. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant établi la volonté de M. C... d'éluder les impositions en cause, justifiant l'application des majorations en litige.
14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée E... le ministre, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, E... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. En conséquence, leurs conclusions présentées au titre des frais du litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et Mme D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public E... mise à disposition au greffe le 27 juillet 2022.
La rapporteure,
R. A...
Le président,
D. PruvostLa greffière,
M-T. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00608