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26/07/2022 | FRANCE | N°21LY01312

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 26 juillet 2022, 21LY01312


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 avril 2021 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an, ainsi que la décision du même jour par laquelle la préfète de l'Ain l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2102839 du 23 avril 2021, le magistrat désigné pa

r la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 18 avril 2021 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 avril 2021 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an, ainsi que la décision du même jour par laquelle la préfète de l'Ain l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2102839 du 23 avril 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 18 avril 2021 de la préfète de l'Ain en tant qu'elle astreint M. B... à se trouver tous les jours à son domicile entre 14 heures et 16 heures, et rejeté le surplus de sa demande.

Procédures devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 26 avril 2021, M. A... B..., représenté par Me Zoccali, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 avril 2021, en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande ;

2°) d'annuler cette décision du préfet du Rhône du 18 avril 2021 et cette décision de la préfète de l'Ain en date du même jour, en tant qu'elle décide de l'assigner à résidence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet du Rhône était incompétent pour décider de l'obliger à quitter le territoire français et lui faire interdiction de retourner sur le territoire français ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français ;

- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence ;

- la décision l'assignant à résidence est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'il justifie de garanties de représentation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un mémoire enregistré le 27 août 2021, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.

Par décision du 2 juin 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B....

II) Par une requête enregistrée le 6 mai 2021, la préfète de l'Ain demande à la Cour d'annuler l'article 2 du jugement du 23 avril 2021, ayant partiellement annulé sa décision du 18 avril 2021.

Elle soutient que :

- elle pouvait, en vertu des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles renvoie l'article L. 561-2 du même code, fixer une plage horaire lors de laquelle l'intimé doit demeurer à son domicile ;

- aucun des autres moyens n'est fondé.

La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né le 20 décembre 2001, est entré en France en décembre 2017. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Ain par une ordonnance du tribunal de grande instance de Gap du 17 décembre 2017. Par arrêté du 3 février 2020, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Suite à l'interpellation de l'intéressé, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an par un arrêté du 18 avril 2021. Par décision du même jour, la préfète de l'Ain l'a assigné à résidence. Par un jugement du 23 avril 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 18 avril 2021 de la préfète de l'Ain en tant qu'elle astreint M. B... à se trouver tous les jours à son domicile entre 14 heures et 16 heures, et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces décisions. M. B... relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. La préfète de l'Ain demande l'annulation l'article 2 de ce jugement, ayant partiellement annulé sa décision du 18 avril 2021.

2. Les deux requêtes concernent la légalité des mêmes décisions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, est compétent pour décider l'éloignement d'un étranger en situation irrégulière le préfet du département dans lequel a été constatée l'irrégularité de la situation de cet étranger. Il ressort des pièces du dossier que l'irrégularité du séjour de M. B... a été constatée dans un train régional, entre les gares des Echets (Ain) et Lyon Part-Dieu (Rhône). Si le requérant fait valoir que le contrôle de billet ayant occasionné l'interpellation a eu lieu peu après le départ du train de la gare, au demeurant située à proximité de la limite entre les deux départements, le constat de l'irrégularité du séjour n'a été fait qu'à l'issue de diverses investigations. Dans ces conditions, ce constat doit être regardé, en l'absence au demeurant de tout élément en sens contraire, comme ayant été effectué dans le département du Rhône. Par suite le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

4. En second lieu, M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

Sur l'interdiction de retourner sur le territoire français :

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.

6. M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

Sur l'assignation à résidence :

7. Aux termes de l'article L. 561-2 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis.". Aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 561-1 du même code dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut également, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. Lorsque l'étranger est assigné à résidence en application des 5° ou 6° ou au titre d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3 à L. 523-5 ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, la durée de cette plage horaire peut être portée à dix heures consécutives par période de vingt-quatre heures. "

8. En premier lieu, M. B... faisant l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français, et la possibilité de l'éloigner demeurant une perspective raisonnable, la préfète de l'Ain a pu légalement, sur le fondement des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'assigner à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que M. B... justifiait de garanties de représentation.

9. En deuxième lieu, en obligeant M. B... à se présenter les lundis, mercredis et vendredis à la brigade de gendarmerie d'Ambérieu-en-Bugey, ville dans laquelle il réside, la préfète de l'Ain ne lui a pas fixé d'obligations disproportionnées.

10. Enfin, la préfète de l'Ain pouvait légalement, en vertu des dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles renvoient les dispositions de l'article L. 561-2 du même code, fixer, pendant la durée de l'assignation à résidence, une plage horaire de deux heures pendant laquelle l'intéressé devait se trouver à son domicile. C'est par suite à tort que le premier juge a estimé que la décision était sur ce point entachée d'une erreur de droit.

11. Il résulte de ce qui précède, d'une part que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 18 avril 2021, en tant qu'elle astreint M. B... à se trouver tous les jours à son domicile entre 14 heures et 16 heures, d'autre part que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le même magistrat a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. B... dirigées contre les décisions du 18 avril 2021 du préfet du Rhône et de la préfète de l'Ain, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme dont M. B..., demande le versement au profit de son conseil au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 23 avril 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 18 avril 2021 de la préfète de l'Ain, en tant qu'elle l'astreint à se trouver tous les jours à son domicile entre 14 heures et 16 heures sont rejetées.

Article 3 : La requête n° 21LY01312 présentée par M. B... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.

Le rapporteur,

Thierry Besse

La présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01312, 21LY01441


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01312
Date de la décision : 26/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ZOCCALI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-26;21ly01312 ?
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