Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL JL Valorisation a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 1er mars 2018 par lequel le maire de Saint-Marcellin a sursis à statuer sur sa demande tendant à la délivrance d'un permis d'aménager quatre lots.
La SARL JL Valorisation a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Saint-Marcellin à lui verser la somme de 140 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité fautive du certificat d'urbanisme qui lui a été délivré le 8 décembre 2016.
Par un jugement n° 1802581-1900601 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 février 2021, et un mémoire en réplique enregistré le 24 juin 2021, qui n'a pas été communiqué, la SARL JL Valorisation, représentée par la Selarl Durand Grandgonnet Muridi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 1er mars 2018 ;
3°) de condamner la commune de Saint-Marcellin à lui verser la somme de 140 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme du 8 décembre 2016 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Marcellin la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 1er mars 2018 est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté du 1er mars 2018 méconnaît l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 1er mars 2018 est entaché d'un détournement de pouvoir ;
- la substitution de motifs opposée par la commune n'est pas fondée ;
- le certificat d'urbanisme délivré le 8 décembre 2016 est illégal, en ce qu'il ne fait pas mention de la possibilité d'opposer un sursis à statuer ; à cette date, le maire avait connaissance du projet de revitalisation du centre-ville et disposait d'informations suffisantes pour l'avertir de la possibilité qu'un sursis à statuer puisse être opposé dans le délai de dix-huit mois ;
- l'illégalité de ce certificat, sur le fondement duquel elle a procédé à l'acquisition du terrain en litige, lui a causé un préjudice correspondant aux frais qu'elle a engagés, d'un montant de 60 000 euros, pour l'achat du terrain et 12 942 euros pour les autres frais, à la somme de 9 000 euros au titre du temps de travail investi en vain dans le projet, à la somme de 50 000 euros au titre de la perte de chance de revente des terrains et des fonds mobilisés en vain ; elle a également droit à l'indemnisation d'une somme pouvant être évaluée à 9 000 euros au titre des frais à venir.
Par un mémoire, enregistré le 19 avril 2021, la commune de Saint-Marcellin, représentée par la SCP Fessler Jorquera et Associés conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens dirigés contre l'arrêté du 1er mars 2018 n'est fondé ; à titre subsidiaire, et comme elle l'a fait valoir devant les premiers juges, le sursis à statuer peut être fondé sur l'orientation d'aménagement et de programmation projetée concernant le secteur ;
- le certificat d'urbanisme en litige n'est pas illégal car à la date de sa délivrance, l'état d'avancement du projet de révision du plan local d'urbanisme n'était pas suffisant pour que puisse être opposé un sursis à statuer ; au demeurant, un sursis à statuer peut être opposé à une demande quand bien même le certificat d'urbanisme n'en fait pas mention ;
- il n'est pas établi que la société requérante aurait renoncé à acquérir le terrain en cas de mention d'un sursis sur le certificat d'urbanisme, lequel n'était au demeurant pas un certificat d'urbanisme opérationnel ; par ailleurs, la société ne se trouve pas privée de droit à construire, de sorte que les frais d'acquisition du terrain ne peuvent être regardés comme constitutifs d'un préjudice ;
- le lien de causalité entre l'illégalité fautive supposée du certificat d'urbanisme et les autres frais engagés n'est pas établi ;
- en faisant l'acquisition de ce terrain sans bénéficier d'une autorisation d'urbanisme, la société requérante a commis une imprudence fautive, de nature à faire obstacle à son indemnisation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Leurant substituant Me Muridi représentant la SARL JL Valorisation et de Me Barnier substituant Me Fessler représentant la commune de Saint-Marcellin.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL JL Valorisation a acquis en février 2017 la propriété d'un terrain situé boulevard de la gare à Saint-Marcellin, après que le maire a délivré le 8 décembre 2016 un certificat d'urbanisme mentionnant le classement du terrain en zone UB du plan d'occupation des sols alors en vigueur. Le 7 décembre 2017, elle a déposé une demande de permis d'aménager portant sur un lotissement de quatre lots destinés à des maisons individuelles ou jumelées. Par arrêté du 1er mars 2018, le maire de Saint-Marcellin a opposé un sursis à statuer à cette demande pour une durée d'un an. La SARL JL Valorisation relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant d'une part à l'annulation de cet arrêté et d'autre part à la condamnation de la commune de Saint-Marcellin à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi en raison de l'illégalité fautive du certificat d'urbanisme délivré le 8 décembre 2016.
Sur la légalité de l'arrêté du 1er mars 2018 :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de l'arrêté en litige : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. / (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme de prendre en compte les orientations d'un projet de plan local d'urbanisme, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si un aménagement ou une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date du certificat d'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. / Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d'un service de l'Etat, les certificats d'urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu'un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis. (...)"
4. Il résulte de la combinaison des articles L. 153-11, L. 424-1 et L. 410-1 du code de l'urbanisme que tout certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, l'une des conditions énumérées à l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. Si l'omission de la mention d'une telle possibilité dans le certificat d'urbanisme peut être de nature à constituer un motif d'illégalité de ce certificat, elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d'urbanisme.
5. Si le maire de Saint-Marcellin pouvait, compte tenu de ce qui vient d'être dit, opposer un sursis à statuer à la demande de la SARL JL Valorisation, quand bien même une telle possibilité n'était pas mentionnée dans le certificat d'urbanisme délivré le 8 décembre 2016 sur le fondement des dispositions du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, il convient en revanche d'apprécier si les conditions d'opposabilité d'un sursis à statuer étaient réunies à cette date, antérieure de moins de dix-huit mois à l'arrêté en litige.
6. Il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de Saint-Marcellin a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme par délibération du 13 octobre 2016. A la date de délivrance du certificat d'urbanisme, soit moins de deux mois plus tard, les orientations principales du document d'urbanisme n'avaient pas encore été définies dans un projet d'aménagement et de développement durables et aucun projet de zonage précis n'avait été défini, ainsi que l'indique d'ailleurs en défense la commune de Saint-Marcellin. A cette date, à laquelle il convient d'apprécier les conditions d'opposabilité d'un sursis à statuer compte tenu de l'effet cristallisateur du certificat d'urbanisme pendant une période de dix-huit mois, l'état d'avancement du projet de plan local d'urbanisme ne permettait pas d'opposer un sursis à statuer. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la substitution de motifs sollicitée par la commune de Saint-Marcellin, fondée également sur l'état d'avancement du plan local d'urbanisme à la date de l'arrêté en litige, la SARL JL Valorisation est fondée à soutenir qu'en opposant un sursis à statuer à sa demande, le maire de Saint-Marcellin a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible, en l'état de l'instruction, de fonder l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2018 en litige.
Sur les conclusions indemnitaires :
8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, aucun sursis à statuer ne pouvait être opposé à une demande d'urbanisme le 8 décembre 2016, date du certificat d'urbanisme portant sur le terrain en litige. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce certificat était entaché d'illégalité en tant qu'il ne faisait pas mention de la possibilité d'opposer un tel sursis, ni à demander l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi de ce fait.
9. Il résulte de ce qui précède que la SARL JL Valorisation est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 1er mars 2018 du maire de Saint-Marcellin opposant un sursis à statuer à sa demande.
Sur les frais d'instance :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SARL JL Valorisation tendant à la mise à la charge de la commune de Saint-Marcellin des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Saint-Marcellin, partie perdante, tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés.
Article 2 : L'arrêté du 1er mars 2018 par lequel le maire de Saint-Marcellin a sursis à statuer sur la demande de permis d'aménager déposée par la SARL JL Valorisation est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL JL Valorisation et à la commune de Saint-Marcellin.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.
Le rapporteur,
Thierry BesseLa présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00342