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13/07/2022 | FRANCE | N°21LY02182

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 13 juillet 2022, 21LY02182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 avril 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de un an ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de six mois renouvelable.

Par un jugement n° 2102537 - 2102538 du 1er juin 2021, le magistrat désigné par le président

du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 avril 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de un an ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de six mois renouvelable.

Par un jugement n° 2102537 - 2102538 du 1er juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2021, M. A... B..., représenté par Me Rouvier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102537 - 2102538 du 1er juin 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions déférées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Il soutient que :

* la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente et est insuffisamment motivée ;

* cette décision méconnaît l'article 6-4 de l'accord franco-algérien et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

* cette décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* cette décision méconnait les article 3 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

* la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire méconnait le a) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant d'accorder un délai de départ volontaire ;

* la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant d'accorder un départ volontaire, pour méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant et pour erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 30 juillet 2021, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

* l'accord franco-algérien ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile ;

* le code des relations entre le public et l'administration ;

* le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 18 avril 2021, le préfet de l'Isère a obligé M. A... B..., né le 27 mars 1985 en Algérie, à quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, le préfet de l'Isère l'a également assigné à résidence pour une durée de six mois renouvelable. Par jugement du 1er juin 2021, dont M. B... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté son recours contre ces arrêtés.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de l'insuffisance de motivation de cette décision, que le requérant reprend en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " "Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an (...) ". Il découle de l'article 372 du code civil que lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre parent, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale.

4. M. B... fait valoir qu'il est le père de ..., née le 16 mars 2005, de nationalité française, qu'il n'a reconnue que le 25 février 2020. Toutefois, il découle des dispositions précitées de l'article 372 du code civil que le requérant n'ayant reconnu son enfant que près de quinze ans après sa naissance, il n'exerce pas, même partiellement, l'autorité parentale de plein droit à l'égard de cet enfant et ne peut donc utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien. En outre, les quelques factures produites par le requérant portant sur divers achats ne suffisent pas à établir qu'il pourvoie à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis au moins un an avant la décision querellée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Si M. B... soutient qu'il est entré en France dès 2005, il ne l'établit pas. Comme indiqué ci-dessus, s'il justifie avoir reconnu le 25 février 2020 sa fille née le 16 mars 2005, il n'établit pas contribuer à son entretien et à son éducation alors que sa requête devant le tribunal judiciaire de Grenoble tendant à obtenir l'autorité parentale conjointe, bénéficier d'un droit de visite et d'hébergement sur cet enfant et contribuer à son entretien à hauteur de 100 euros par mois était pendante à la date de la décision attaquée. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a aucune autre attache familiale en France en dehors de sa fille alors qu'il a vécu l'essentiel de son existence en Algérie. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire national, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention précitée doit être écarté.

6. En quatrième lieu, le requérant soutient que la décision attaquée méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant au sens des articles 3 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant. Toutefois, comme déjà indiqué aux points précédents, M. B... n'a reconnu sa fille que quinze ans après sa naissance et ne justifie pas de sa contribution effective à son entretien et à son éducation. Dès lors, dans ces conditions, la décision querellée n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de son enfant au sens des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité des autres décisions :

7. S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire, contrairement à ce que soutient le requérant, celui-ci ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, la circonstance qu'un rendez-vous était prévu le 29 janvier 2021 selon un courriel de la préfecture de l'Isère du 4 novembre 2020 ne suffisant pas à attester du dépôt régulier d'un dossier de demande de titre de séjour à cette date. Si l'intéressé soutient également qu'il a produit une attestation du consulat d'Algérie concernant le dépôt d'une demande de renouvellement de son passeport, les mentions du procès-verbal d'interpellation, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, indique qu'il était alors démuni de pièce d'identité. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des points a) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables ne peut qu'être écarté.

8. S'agissant de la décision fixant le pays de destination, au vu de ce qui précède, M. B... ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou de l'illégalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

9. S'agissant de la décision interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an, la circonstance que l'intéressé ait introduit un recours devant le tribunal judiciaire de Grenoble tendant à se voir reconnaitre l'autorité parentale conjointe sur sa fille et un droit de visite et d'hébergement ne saurait caractériser des circonstances humanitaires au sens du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales peut être écarté. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'intérêt supérieur de son enfant doit être écarté. Il ressort des pièces du dossier que M. B... ne justifie pas d'une résidence habituelle en France avant 2020, est célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas exercer d'autorité parentale, même partiellement, sur sa fille ou contribuer effectivement à son entretien et à son éducation, et a été interpellé le 13 novembre 2020 pour des faits de vol aggravé par deux circonstances et escroquerie et le 17 avril 2021 pour des faits de recel de vol et utilisation de moyen de paiement volé. Le préfet de l'Isère n'a ainsi commis aucune erreur manifeste d'appréciation en fixant la durée d'interdiction de retour sur le territoire français à un an. Enfin, le requérant ne peut exciper de l'illégalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français.

10. Il découle de tout ce qui précède que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de l'Isère du 18 avril 2021 le concernant ne peuvent être accueillis, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ou présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

* M. Pourny, président de chambre,

* M. Gayrard, président assesseur,

* M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

Le rapporteur,

J-P. GayrardLe président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY02182 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02182
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ROUVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-13;21ly02182 ?
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