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13/07/2022 | FRANCE | N°21LY02091

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 13 juillet 2022, 21LY02091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une année, d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jou

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une année, d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en lui remettant dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2101034 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2021, M. B... C..., représenté par Me Royon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101034 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une année ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en lui remettant dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée notamment sur l'appréciation des circonstances humanitaires ou motifs exceptionnels, de sa vie privée et familiale et de sa qualification, de son expérience et de ses diplômes ;

* cette décision présente un défaut d'examen de sa situation particulière, notamment quant à sa formation, son expérience, ses diplômes ou ses perspectives d'embauche ;

* cette décision révèle que la préfète s'est crue à tort liée par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence découlant des articles R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail ;

* cette décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis 2016, auprès de sa grand-mère et de sa tante, titulaires de certificats de résidence de dix ans, et y a ancré sa vie professionnelle ;

* la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour, méconnait l'article 8 de la convention précitée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

* la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

* la décision accordant un délai de départ volontaire est irrégulière compte tenu du contexte de crise sanitaire restreignant les déplacements ;

* la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, pour insuffisance de motivation en ce qui concerne les quatre critères prévus par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et pour violation de l'article 8 de la convention précitée.

Un mémoire, enregistré le 21 juin 2022, présenté par la préfète de la Loire n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* l'accord franco-algérien ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile ;

* le code des relations entre le public et l'administration ;

* le code du travail ;

* le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 12 janvier 2021, la préfète de la Loire a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. B... C..., né le 20 mars 1984 en Algérie, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. Par jugement du 1er juin 2021, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté son recours contre cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de séjour et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, que le requérant reprend en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France le 22 janvier 2016 pour rejoindre une ressortissante française, Mme A..., avec laquelle il s'était marié en Algérie le 19 mars 2015, et a bénéficié d'un récépissé de demande de carte de séjour avec autorisation de travail délivré le 14 juin 2016 renouvelé jusqu'au 22 octobre 2018. Toutefois, par jugement du tribunal de grande instance de Saint-Etienne du 15 mai 2018 a été prononcé le divorce entre Mme A... et M. C.... Il est constant que le couple n'a eu aucun enfant. S'il fait valoir qu'il vit auprès d'une grand-mère et d'une tante titulaires d'un certificat de résidence de dix ans, il n'apporte aucun élément quant à la nature et l'intensité de leurs relations alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans en Algérie où il n'est pas dénué d'attaches familiales dès lors qu'y vivent ses parents, ses sœurs et son frère. S'il déclare présenter un degré élevé d'intégration, comme en attestent plusieurs personnes de son entourage, notamment en développant ses activités professionnelles, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet le 5 octobre 2018 d'une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, confirmée par le tribunal administratif de Lyon le 17 septembre 2019, à laquelle il n'a pas déféré. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire national, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Loire aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention précitée doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien, les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, portant la mention " salarié " sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi. Il s'ensuit qu'un certificat de résidence " salarié " ne peut être délivré à un ressortissant algérien que s'il justifie présenter un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou une autorisation de travail ainsi qu'un visa de long séjour. Dès lors, la préfète de la Loire pouvait opposer à bon droit que M. C... n'a pas présenté un tel contrat de travail à l'appui de sa demande de certificat de résidence mention " salarié ".

5. En dernier lieu, dès lors que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, et les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, M. C... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable permettant au préfet de délivrer une carte de séjour temporaire au titre d'une activité salariée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie par des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que la préfète de la Loire se soit crue liée au seul motif de l'absence de présentation d'un contrat visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) pour refuser la délivrance d'un certificat de résidence " salarié " sollicité par M. C... au titre de l'admission exceptionnelle au séjour et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence dès lors qu'elle a également apprécié si les conditions pour une telle admission au séjour étaient réunies. La préfète de la Loire a estimé, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que les éléments de la situation personnelle de l'intéressé rappelés aux points précédents ne relevaient pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels. Elle a notamment souligné que l'intéressé, titulaire d'une licence en sociologie et communication, ne présentait pas une qualification spécifique pour exercer son emploi d'agent de service et que les deux entreprises qui l'ont embauché ne font pas état d'exigences particulières en matière de compétences et de formation, ni de difficultés particulières pour pourvoir ce type de poste. Par suite, le moyen tiré d'une erreur d'appréciation ou de droit peut être écarté.

Sur la légalité des autres décisions :

6. S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, les moyens tirés de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour et de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués dans les points précédents. Il découle également de tous les points précédents que la préfète de la Loire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision querellée.

7. S'agissant de la décision fixant le pays de destination, si M. C... soutient qu'elle serait insuffisamment motivée, il n'apporte aucun élément de nature à justifier de telles allégations alors que la préfète de la Loire a régulièrement décidé que l'intéressé doit être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. Comme indiqué plus haut, M. C... ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

8. S'agissant de la décision accordant un délai de départ volontaire, M. C... n'établit pas que la situation sanitaire en France ou dans son pays d'origine l'aurait, à elle seule, empêché de déférer à l'injonction de la préfète de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours méconnaitrait le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales pour faire face à l'épidémie de COVID 19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire qui ne pourrait impacter que l'exécution forcée de l'obligation de quitter le territoire français.

9. S'agissant de la décision interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an, si le requérant soutient que cette décision est insuffisamment motivée au regard des conditions alors fixées par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette décision précise que l'intéressé est présent en France depuis le 22 janvier 2016 seulement, qu'il est divorcé et sans charge de famille, qu'il a déjà fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français le 5 octobre 2018 à laquelle il n'a pas déféré et qu'aucune condamnation pénale ne figure sur son casier judiciaire. Ainsi, la préfète de la Loire a bien examiné la situation de l'intéressé selon les quatre critères énoncés au III de l'article L. 511-1 du code précité. M. C... ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre la première décision. La préfète de la Loire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en fixant la durée d'interdiction de retour sur le territoire français à un an. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

10. Il découle de tout ce qui précède que les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Loire du 12 janvier 2021 ne peuvent être accueillies, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ou présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Pourny, président de chambre,

- M. Gayrard, président assesseur,

- M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

Le rapporteur,

J-P. GayrardLe président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY02091 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02091
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ROYON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-13;21ly02091 ?
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