Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser :
1°) à titre principal, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'il a effectuées au-delà du seuil annuel de 1 607 heures en 2010 et 2011 ou, à titre subsidiaire, aux heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil de 44 heures hebdomadaires en moyenne par période de quatre mois ;
2°) à titre plus subsidiaire, une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires ;
3°) en tout état de cause, une somme de 12 000 euros au titre des préjudices personnels et des troubles subis dans ses conditions d'existence ;
4°) une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le remboursement de la contribution de 35 euros pour l'aide juridique.
Par un jugement n° 1304273 du 5 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné le SDMIS du Rhône à verser une indemnité de 5 500 euros en réparation du préjudice qui a résulté pour lui de l'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées en 2010 et 2011, outre une somme de 35 euros au titre de la contribution à l'aide juridique, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour
I. Par une requête n° 17LY00520 et un mémoire, enregistrés le 7 février 2017 et le 5 juin 2018, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône, représenté par Me Prouvez, avocat (SCP Deygas Perrachon et Associés), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant les premiers juges ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire dès lors que le mémoire en réplique lui a été communiqué quarante-huit heures avant la clôture de l'instruction ;
- M. A... n'a effectué aucune heure supplémentaire non rémunérée au-delà du temps de travail annuel accompli conformément aux articles 4 et 5 du décret du 31 décembre 2001 ;
- dès lors que les dispositions réglementaires en vigueur ont été appliquées, aucune faute n'a été commise ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu le principe du régime d'équivalence ;
- le dépassement de 48 heures hebdomadaires proscrit par la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 du Parlement européen et du Conseil n'est pas établi ;
- il n'est pas justifié de la réalité des préjudices personnels et des troubles dans les conditions d'existence dont il est demandé réparation ;
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu la compensation, laquelle ne requiert aucun texte spécifique, entre les indemnités réclamées et l'avantage indu dont l'intéressé a bénéficié sans nécessité absolue de service.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 9 novembre 2017 et le 14 juin 2018, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... A..., représenté par Me Arnould, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1304273 du 5 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) à titre principal, de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'il a effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil annuel de 1 607 heures ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires ;
4°) en tout état de cause, de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des préjudices personnels et des troubles subis dans ses conditions d'existence ;
5°) de mettre à la charge du service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'article L. 5 du code de justice administrative, qui garantit le caractère contradictoire de la procédure, a été méconnu ;
- c'est à tort que le tribunal s'est prononcé sur les conclusions subsidiaires d'allocation d'une indemnité représentative sans examiner celles présentées à titre principal ;
- c'est à tort que le tribunal a opéré une compensation, qu'aucun texte n'autorise, entre la créance relative au paiement des heures supplémentaires et l'avantage lié au bénéfice d'un logement, lequel ne constitue pas une contrepartie du régime de travail et n'est pas lié à la notion de nécessité absolue de service ;
- cette compensation, à la supposer justifiée, repose sur un avantage locatif estimé sur des bases erronées ;
- le tribunal s'est fondé sur une définition erronée des heures supplémentaires accomplies ;
- le régime de gardes de 24 heures instauré par la délibération du 26 juin 2009 et par celle du 11 janvier 2002 méconnaît les limites hebdomadaires du travail de 48 heures fixées par la directive 2003/88/CE, de 44 heures sur douze semaines consécutives fixées par l'article 3 du décret 2000-815 du 25 août 2000, ainsi que la limite annuelle de 1 607 heures ; il ne peut, dès lors, constituer une référence ;
- aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit la mise en place du temps partiel pour les agents soumis à un régime d'équivalence ;
- le régime d'équivalence est illégal dès lors qu'il n'a pas été institué conformément à l'article 8 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- la totalité du temps de présence des sapeurs-pompiers doit être comprise comme du temps de travail ; dès lors, ce régime méconnaît la notion de travail effectif définie par la directive n° 2003/ 88/CE du 4 novembre 2003 et par le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- il résulte de ce qui précède que le régime de gardes de 24 heures étant illégal, le seuil de 1 607 heures est applicable ;
- la différence de régime applicable par la délibération du 26 juin 2009 aux sapeurs-pompiers bénéficiaires d'un logement méconnaît le principe de non-discrimination protégé par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il s'en remet à la sagesse de la cour sur le point de calculer les heures supplémentaires sur la base d'un cycle hebdomadaire ou annuel ;
- le principe de l'indemnisation d'heures supplémentaires n'est exclu ni par la jurisprudence administrative, ni par la jurisprudence communautaire ;
- le cycle de travail étant annuel, doivent être rémunérées comme heures supplémentaires toutes les heures effectuées en 2010 et 2011 au-delà de la durée légale de 1 607 heures ;
- à titre subsidiaire, l'absence illégale de paiement des heures supplémentaires et la méconnaissance des seuils communautaires justifient le paiement d'une indemnité représentative de ces heures supplémentaires ;
- l'absence de dispositions protectrices applicables en matière de dépassement de la durée hebdomadaire du travail, de travail de nuit et de repos compensateur sont à l'origine de préjudices personnels et de troubles dans les conditions d'existence qui justifient l'indemnité demandée à ce titre.
La clôture de l'instruction a été fixée au 22 juin 2018 par ordonnance du 22 mai 2018.
II. Par une requête n° 17LY00557 et des mémoires, enregistrés les 9 février 2017, 9 novembre 2017 et 14 juin 2018, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... A... représenté par Me Arnould, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1304273 du 5 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) à titre principal, de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'il a effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil annuel de 1 607 heures ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires ;
4°) en tout état de cause, de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de ses préjudices personnels et des troubles dans ses conditions d'existence ;
5°) de mettre à la charge du service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soulève les mêmes moyens que dans la défense qu'il a présentée dans la requête d'appel du SDMIS du Rhône visée au I ci-dessus.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 novembre 2017 et le 30 mai 2018 ce dernier n'ayant pas été communiqué, le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône, représenté par Me Prouvez, avocat (SCP Deygas Perrachon et Associés), demande à la cour d'annuler le jugement du 5 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon, de rejeter la requête d'appel de M. A... ainsi que sa demande présentée devant les premiers juges, et de mettre à la charge du requérant une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir les mêmes moyens que dans sa requête d'appel visée au I ci-dessus.
La clôture de l'instruction a été fixée au 22 juin 2018 par ordonnance du 22 mai 2018.
Par un arrêt n° 17LY00520 et 17LY00557 du 5 mars 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement n° 1304273 du 5 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon, a rejeté la demande présentée par M. A... devant le tribunal et ses conclusions d'appel principal et d'appel incident.
Par un pourvoi enregistré le 6 mai 2019, M. A... a demandé au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il n'a pas fait droit entièrement à ses conclusions ; de régler l'affaire au fond et de faire entièrement droit à son appel ; de mettre à la charge du SDMIS du Rhône une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par une décision no 430402 du 16 avril 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt, en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant au paiement d'heures supplémentaires, a renvoyé dans cette mesure à la cour le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 21LY01247, a mis à la charge du SDMIS du Rhône une somme de 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi .
Par courriers du 23 avril 2021, les parties ont été informées du renvoi de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon, où elle a été enregistrée sous le n° 21LY01247.
Par un mémoire enregistré le 4 juin 2021, M. A..., représenté par Me Arnould, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, de condamner le SDMIS du Rhône à lui verser les indemnités horaires pour travaux supplémentaires, correspondant à 895 heures supplémentaires effectuées en 2010 et 657 heures effectuées en 2011, et d'assortir les sommes des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2012, outre capitalisation de ces intérêts ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner le SDMIS du Rhône à lui verser les indemnités horaires pour travaux supplémentaires, correspondant à 619 heures supplémentaires effectuées en 2010 et 627 heures effectuées en 2011, et d'assortir les sommes des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2012, outre capitalisation de ces intérêts ;
3°) sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de fixer les conditions de mise en œuvre du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002, soit la détermination de la date à laquelle l'agent est réputé avoir accompli ses obligations annuelles réglementaires de service et au-delà de laquelle ont été accomplies les heures supplémentaires , et la prise en compte des conditions réelles dans lesquelles chaque heure supplémentaire a été accomplie, selon les informations portées dans les cartons individuels, afin d'appliquer notamment les majorations pour travail de nuit ou les dimanches et jours fériés ;
4°) de condamner le SDMIS du Rhône à lui verser une somme de 1 100 euros en réparation du préjudice résultant du non-respect de la durée hebdomadaire de travail, déterminée en application de la directive n° 2003/88/CE, outre intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2012, et capitalisation de ceux-ci ;
5°) de mettre à la charge du SDMIS du Rhône une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, pour l'année 2010, durant laquelle il a exercé son activité à temps partiel à raison de 80 % à compter du 1er juin, il a effectué un total d'heures de travail de 2 180,5 heures, alors que ses obligations de service étaient de 1 285,6 heures, si bien que le SDMIS doit lui verser les indemnités correspondant à 895 heures supplémentaires ; pour l'année 2011, durant laquelle il a exercé son activité à temps partiel à raison de 80 %, il a effectué un total d'heures de travail de 1 942,88 heures, alors que ses obligations de service étaient de 1 285,6 heures, si bien que le SDMIS doit lui verser les indemnités correspondant à 657 heures supplémentaires ;
- à titre subsidiaire, si la cour décidait d'opérer la différence entre la première partie de l'année 2010, durant laquelle il a exercé son activité à temps complet, et la seconde, durant laquelle il a exercé son activité à temps partiel, il a effectué durant ladite année un total d'heures de travail de 2 180,5 heures, alors que ses obligations de service étaient de 1 561,69 heures, si bien que le SDMIS doit lui verser les indemnités correspondant à 618,81 heures supplémentaires ; pour l'année 2011, il a effectué un total d'heures de travail de 1 942,88 heures, alors que ses obligations de service étaient de 1 285,6 heures, si bien que le SDMIS doit lui verser les indemnités correspondant à 627 heures supplémentaires ;
- les heures supplémentaires doivent être indemnisées en faisant application de l'ensemble des majorations prévues par le décret du 14 janvier 2002, compte tenu des informations fournies par les cartons individuels sur les conditions-de jour ou de nuit, les dimanches ou jours fériés- dans lesquelles ces heures ont été effectivement réalisées ;
- il est fondé à demander une indemnité de 1 100 euros à raison du dépassement du plafond annuel d'heures de travail prescrit par la directive n° 2003/88/CE, soit respectivement 283,7 heures en 2010 et 174,72 heures en 2011 ;
- sa demande afférente aux intérêts et à leur capitalisation est recevable.
Par un mémoire enregistré le 15 avril 2022, présenté par Me Prouvez, le SDMIS du Rhône conclut au rejet de la requête conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucune indemnité horaire pour travaux supplémentaires ne peut être octroyée à M. A..., qui n'était soumis ni à la limite annuelle de 1 607 heures, ni à la durée prévue par le régime de l'équivalence, compte tenu de l'exercice de son activité à temps partiel ;
- le régime d'équivalence doit être appliqué avec un plafond ;
- les modalités de calcul résultant des articles 7 et 8 du décret du 14 janvier 2002 ne peuvent être appliquées ;
- la demande afférente au non-respect des limites du plafond fixé par la réglementation européenne ne peut être accueillie, compte tenu de la décision de renvoi du Conseil d'Etat, et n'est au surplus pas fondée ;
- la demande afférente aux intérêts et à leur capitalisation est irrecevable.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tallec, président ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Arnould, représentant M. A..., ainsi que celles de Me Rey, représentant le SDMIS du Rhône.
Une note en délibéré, présentée pour M. A... par Me Tardieu, a été enregistrée le 5 juillet 2022 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., sapeur-pompier professionnel alors logé en casernement, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône à lui verser, à titre principal, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'il soutient avoir accomplies en 2010 et en 2011 au-delà du seuil annuel de 1 607 heures, à titre subsidiaire, les heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil de 44 heures hebdomadaires en moyenne par période de quatre mois, à titre encore subsidiaire, une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires et, en tout état de cause, une indemnité réparant ses préjudices personnels et ses troubles dans ses conditions d'existence en raison du régime illégal de la durée du travail à laquelle il a été assujetti. Par un jugement du 5 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné le SDMIS du Rhône à lui verser une indemnité de 5 500 euros, outre une somme de 35 euros au titre de la contribution à l'aide juridique. Par un arrêt du 5 mars 2019, la cour de céans a annulé le jugement du tribunal administratif et a rejeté la demande présentée par M. A... devant les premiers juges. Par une décision n° 430402 du 16 avril 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il ne fait pas entièrement droit à la demande de M. A... tendant au paiement d'heures supplémentaires, a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour, a condamné le SDMIS du Rhône à verser à M. A... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi.
Sur le paiement d'heures supplémentaires :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement de la réduction de temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, rendu applicable aux agents des collectivités territoriales par l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " (...) Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées ". L'article 2 du même décret précise : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée par décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et du comité technique paritaire ministériel pour des corps ou emplois dont les missions impliquent un temps de présence supérieur au temps de travail effectif tel que défini à l'article 2. Ces périodes sont rémunérées conformément à la grille des classifications et des rémunérations ".
3. Aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001 susvisé (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas dépasser 12 heures consécutives (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Compte tenu des missions des services d'incendie et de secours et des nécessités de service, un temps de présence supérieur à l'amplitude journalière prévue à l'article 2 peut être fixé à 24 heures consécutives par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours après avis du comité technique paritaire (...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 du même décret : " Lorsqu'il est fait application de l'article 3 ci-dessus, une délibération du conseil d'administration après avis du comité technique paritaire fixe un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail. / La durée équivalente ne peut être inférieure à 2 280 heures ni excéder 2 520 heures. / A compter du 1er janvier 2005, elle ne peut être inférieure à 2 160 heures ni excéder 2 400 heures ".
En ce qui concerne la possibilité pour le SDMIS du Rhône d'instaurer un régime d'équivalence :
4. Les dispositions de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 qui, aux termes de son article 1er, " fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail ", ne font pas obstacle à ce que, dans le respect des durées maximales de travail qu'elles prévoient, les Etats membres fixent, pour certaines professions, des régimes d'horaire d'équivalence en vue de déterminer les modalités selon lesquelles seront rémunérés le temps de travail des travailleurs concernés ainsi que, le cas échéant, les heures supplémentaires qu'ils auront effectuées.
5. Les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 consacrent une définition spécifique de la durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels, laquelle comprend notamment, outre le temps passé en intervention, les périodes de garde consacrées au rassemblement, à la tenue des registres, à l'entraînement physique, au maintien des acquis professionnels, aux manœuvres, à l'entretien des locaux et des matériels, aux tâches administratives et techniques ainsi qu'aux pauses destinées à la prise des repas. La totalité du temps de présence des sapeurs-pompiers, si elle ne doit pas dépasser les limites fixées par la directive du 4 novembre 2003, ne peut pas être assimilée à du temps de travail effectif pour l'appréciation des heures supplémentaires éventuellement effectuées lorsque, comme en l'espèce, le conseil d'administration de l'établissement a institué un régime dérogatoire sur le fondement des dispositions précitées des articles 3 et 4 du décret du 31 décembre 2001.
6. Le régime d'horaire d'équivalence constituant un mode particulier de comptabilisation du travail effectif qui consiste à prendre en compte la totalité des heures de présence, tout en leur appliquant un mécanisme de pondération tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d'inaction, seules peuvent ouvrir droit à un complément de rémunération les heures de travail effectif réalisées par les sapeurs-pompiers au-delà du temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail fixé, dans les limites prévues par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001, par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours. Le dépassement des durées maximales de travail prévues tant par le droit de l'Union européenne que par le droit national ne peut ouvrir droit par lui-même qu'à l'indemnisation des préjudices résultant de l'atteinte à la santé et à la sécurité ainsi que des troubles subis dans les conditions d'existence. Par suite, la totalité du temps de présence des sapeurs-pompiers, si elle ne doit pas dépasser les limites fixées par la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne peut pas être assimilée à du temps de travail effectif pour l'appréciation des heures supplémentaires devant être rémunérées lorsque, comme en l'espèce, le conseil d'administration du service a institué un régime dérogatoire sur le fondement des dispositions des articles 3 et 4 du décret du 31 décembre 2001. Dans ces conditions, le moyen soulevé par l'appelant, tiré de l'impossibilité de mettre en place un régime d'horaire d'équivalence, doit être écarté.
En ce qui concerne l'application du régime d'équivalence institué par le SDMIS du Rhône à la situation de M. A... :
7. Au cours des années 2010 et 2011, les sapeurs-pompiers professionnels employés par le SDMIS du Rhône exerçant leur activité à temps plein étaient soumis au régime prévu par la délibération du conseil d'administration du 11 janvier 2002, prévoyant 90 séquences opérationnelles de 24 heures, assorties d'un coefficient d'équivalence de 1,5, auxquelles s'ajoutent deux semaines de 5 jours de 8 heures, soit une durée annuelle, équivalente à la durée légale du travail, de 2 240 heures. Cette délibération, contrairement à ce que soutient l'appelant, a légalement mis en place un régime dérogatoire prévu par les articles 3 et 4 du décret du 31 décembre 2001, de sorte que le plafond annuel au-delà duquel doivent être rémunérées les heures supplémentaires accomplies durant une période d'activité à temps complet n'est pas celui de 1 607 heures, prévu par l'article 1er du décret du 31 décembre 2001, mais la durée d'équivalence de 2 240 heures.
8. En revanche le régime du temps d'équivalence prévu par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 a pour objet d'introduire, en vue notamment de l'appréciation des droits à rémunération des sapeurs-pompiers professionnels, une durée équivalente à la durée annuelle de leur temps de travail. Cette durée annuelle fixée à 1 607 heures maximum, correspond à la quotité de travail qu'un sapeur-pompier professionnel doit accomplir pour être regardé comme travaillant à temps plein. Dès lors, ni la durée annuelle de ce temps de travail ni, par voie de conséquence, la durée équivalente à cette durée ne sont applicables aux sapeurs-pompiers professionnels travaillant à temps partiel. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le régime dérogatoire, instauré par la délibération du conseil d'administration du SDMIS du Rhône du 11 janvier 2002, ne saurait conduire à faire application, en ce qui le concerne, d'un régime d'équivalence au titre des périodes durant lesquelles il a exercé son activité à temps partiel.
9. Il résulte de l'instruction, et notamment des plannings d'activité produits devant le premier juge, que M. A... a effectué en 2010, 78 gardes de 24 heures, auxquelles s'ajoutent 308 heures hors gardes, soit un total de 2 180 heures de travail. Eu égard à l'exercice de son activité à temps plein durant les cinq premiers mois de l'année, puis, à compter du 1er juin, à temps partiel à raison de 80 %, ses obligations représentaient, pour l'ensemble de l'année, un total de 1 683 heures. Par suite, et alors que le SDMIS du Rhône ne conteste pas ces données chiffrées et se borne à demander l'application d'un régime d'équivalence spécifique adapté à la situation de l'appelant, il est fondé à demander le paiement de 497 heures supplémentaires.
10. Au titre de l'année 2011, durant laquelle il a exercé son activité à temps partiel, à raison de 80 %, M. A... a effectué 67 gardes de 24 heures, auxquelles s'ajoutent 334 heures hors gardes, soit un total de 1 942 heures. En se référant aux obligations qui étaient les siennes compte tenu de l'exercice de son activité à temps partiel, il y a lieu de lui accorder, alors que le SDMIS du Rhône ne conteste pas ces données chiffrées et se borne à demander l'application d'un régime d'équivalence spécifique adapté à la situation de l'appelant, l'indemnisation de 657 heures supplémentaires.
11. M. A... doit être renvoyé devant le service pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes correspondant à la rémunération des heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011, lesquelles ne peuvent, contrairement à ce qui est soutenu par l'administration, faire l'objet d'une réfaction en raison de l'avantage constitué par la jouissance du logement qui lui était attribué. Le décompte sera fait par application de l'article 7 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002, en distinguant les gardes de 24 heures et les heures supplémentaires effectuées hors gardes.
Sur les conclusions tendant à l'indemnisation des troubles subis dans les conditions d'existence :
12. Il résulte des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative que lorsque le Conseil d'Etat, juge de cassation, décide que l'affaire doit être renvoyée à une juridiction, cette dernière a l'obligation de se conformer au point de droit jugé par le juge de cassation.
13. Par sa décision n° 430402 du 16 avril 2021, le Conseil d'Etat a précisé qu'en estimant que M. A... n'apportait aucun élément permettant de démontrer que l'application en 2010 et 2011 du régime des sapeurs-pompiers logés en casernement lui avait causé un préjudice, distinct du non-paiement d'heures supplémentaires accomplies, résultant de troubles dans les conditions d'existence dont il serait fondé à demander la réparation, la cour administrative d'appel de Lyon a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et n'a pas commis d'erreur de droit.
14. Dans ces conditions, la demande de M. A... tendant à l'indemnisation des troubles subis dans ses conditions d'existence à raison du dépassement du plafond annuel d'heures de travail prescrit par la directive n° 2003/88/CE, ne peut qu'être rejetée.
Sur les intérêts et la capitalisation :
15. En premier lieu, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article 1231-6 du même code, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la réclamation indemnitaire préalable de M. A... a été reçue par le SMDIS du Rhône le 19 octobre 2012. En outre, et contrairement à ce que soutient le SDMIS, les intérêts ont clairement été demandés dans le pourvoi au Conseil d'Etat, enregistré le 6 mai 2019, et n'étaient pas prescrits. Par suite, le requérant est en droit de prétendre aux intérêts légaux, sur les sommes dues au titre des années 2010 et 2011, mentionnés aux points 9 et 10, à compter du 19 octobre 2012.
16. En second lieu, aux termes de l'article 1154 du code civil, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article 1343-2 du même code : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Ainsi, et en l'espèce, M. A... est en droit de prétendre à la capitalisation des intérêts sur les sommes en cause à compter du 6 mai 2019, date à laquelle elle a été demandée, puis à chaque nouvelle échéance annuelle intervenue depuis lors.
Sur les frais d'instance :
17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
18. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le SDMIS du Rhône. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 500 euros, à verser à M. A... sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le SDMIS du Rhône versera à M. A... une somme correspondant à la rémunération de 497 heures supplémentaires au titre de l'année 2010 et une somme correspondant à la rémunération de 657 heures supplémentaires au titre de l'année 2011.
Article 2 : M. A... est renvoyé devant le SDMIS du Rhône pour la liquidation des sommes mentionnées à l'article 1er, conformément aux motifs exposés au point 11 du présent arrêt.
Article 3 : Les sommes mentionnées à l'article 1er porteront intérêts et seront capitalisées conformément à ce qui est indiqué aux points 15 et 16 du présent arrêt.
Article 4 : Le SDMIS du Rhône versera à M. A... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... et les conclusions du SDMIS du Rhône présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.
L'assesseur le plus ancien,
Gilles FédiLe président,
Jean-Yves Tallec
Le président,
Jean-Yves Tallec La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01247