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06/07/2022 | FRANCE | N°21LY02531

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 juillet 2022, 21LY02531


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100267 du 31 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2021, Mme A... B..., représentée

par Me Robin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100267 du 31 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2021, Mme A... B..., représentée par Me Robin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 15 décembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation personnelle ; elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît l'article 41.2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le principe général du droit de l'Union européenne relatif aux droits de la défense et à une bonne administration ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où le préfet n'a pas saisi pour avis le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le principe de valeur constitutionnelle de respect du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

- et les observations de Me Beligon représentant Mme A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née en 1979, est entrée en France accompagnée de sa fille mineure, le 24 février 2018 selon ses déclarations, en provenance de la Belgique où elle vivait depuis 2007. Elle a sollicité, le 7 mars 2018, son admission au séjour au titre de l'asile et a fait l'objet d'une décision de remise aux autorités belges à laquelle elle s'est soustraite. La France est devenue l'Etat responsable de sa demande d'asile qui a été enregistrée le 21 novembre 2018 et rejetée par une décision du 31 décembre 2019 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 12 octobre 2020. En conséquence, par un arrêté du 15 décembre 2020, le préfet du Rhône a pris son encontre une obligation de quitter le territoire français, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... B... relève appel du jugement du 31 mars 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des énonciations de l'arrêté litigieux, qui précise les motifs de droit et de fait sur lesquels il se fonde et en particulier les conditions d'entrée de Mme A... B..., la circonstance que sa demande d'asile a été définitivement rejetée et qu'elle ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne, stable et intense en France, que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée avant d'édicter la mesure d'éloignement litigieuse. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : /- le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...) ".

4. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

5. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

6. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... B..., dont la demande d'asile a été présentée antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issues de la loi du 10 septembre 2018 visée ci-dessus, aurait été, à un moment de la procédure, informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou mise à même de présenter des observations. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que, préalablement à l'édiction de la décision litigieuse, Mme A... B... a demandé un rendez-vous en préfecture afin de faire enregistrer une première demande de titre de séjour en raison de son état de santé. L'intéressée, dont la date de convocation n'a été fixée qu'au 7 janvier 2021, n'était pas tenue de communiquer à la préfecture des éléments, couverts par le secret médical, relatifs à son état de santé. Néanmoins, le seul certificat médical qu'elle produit à l'instance, établi le 3 mars 2020 par un praticien hospitalier psychiatre, attestant qu'elle souffre d'un trouble anxio-dépressif sévère et qu'elle bénéficie d'un suivi au sein d'un centre médico-psychologique de Lyon depuis janvier 2019, n'est pas suffisant à attester de ce qu'en cas d'audition de Mme A... B..., le préfet du Rhône était susceptible de prendre une décision différente. Il s'ensuit que l'appelante n'est pas fondée à se prévaloir du principe de bonne administration et à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est intervenue en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 ou au 5° de l'article L. 521-3 du même code est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er (...) ".

9. D'une part, Mme A... B... soutient que le préfet du Rhône était informé de ce qu'elle avait l'intention de déposer une demande de titre de séjour en raison de son état de santé et qu'il aurait dû en conséquence saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement. Toutefois, si l'intéressée produit à l'instance un certificat médical indiquant qu'elle souffre d'un trouble anxio-dépressif sévère, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce certificat médical a été remis au préfet du Rhône avant qu'il n'édicte la mesure d'éloignement en litige. Le préfet ne peut dès lors être regardé comme ayant disposé, à la date de la décision contestée, d'éléments suffisants permettant d'établir que l'intéressée présentait un état de santé susceptible de la faire entrer dans la catégorie des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Dans de telles conditions, le préfet du Rhône n'était pas tenu de recueillir l'avis du collège de médecins de l'OFII avant de prendre cette décision.

10. D'autre part, Mme A... B... fait valoir qu'elle souffre d'une maladie mentale dont la prise en charge en République démocratique du Congo est presque inexistante et que l'arrêt des soins aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Cependant, le certificat médical qu'elle produit, qui fait état d'un trouble anxio-dépressif sévère et d'un suivi en centre médico-psychologique, ne permet pas d'établir que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre, les rapports de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) des 16 mai 2013 et 19 juin 2018 qui décrivent en termes généraux le système de santé en République démocratique du Congo et le traitement des maladies mentales, ne sont pas suffisants à établir que Mme A... B... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) ". Aux termes de l'article L. 741-1 de ce code dans sa version applicable au litige : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, la demande est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants. Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. Cette décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article L. 743-4 de ce code : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 571-4, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2 ". Enfin, aux termes de l'article L. 723-15 de ce code : " Constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure, y compris lorsque le demandeur avait explicitement retiré sa demande antérieure, lorsque l'office a pris une décision définitive de clôture en application de l'article L. 723-13 ou lorsque le demandeur a quitté le territoire, même pour rejoindre son pays d'origine (...) Si des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur d'asile alors que la procédure concernant sa demande est en cours, ils sont examinés, dans le cadre de cette procédure, par l'office si celui-ci n'a pas encore statué ou par la Cour nationale du droit d'asile si celle-ci est saisie ".

12. Il résulte, d'une part, de ces dispositions qu'il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom, et le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent. La décision rendue par l'OFPRA, ou en cas de recours, par la CNDA, est réputée l'être à l'égard du demandeur et de ses enfants mineurs sauf dans le cas où le mineur établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire. Ainsi, si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les parents d'un enfant présentent, postérieurement au rejet définitif de leur propre demande, une demande au nom de leur enfant, cette demande présentée au nom du mineur doit être regardée, dans tous les cas, comme une demande de réexamen au sens de l'article L. 723-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.

13. D'autre part, il résulte des dispositions précitées que, sous réserve du cas de demandes présentées par l'étranger en rétention ou des cas de refus d'attestation de demande respectivement prévus aux articles L. 556-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de réexamen ouvre droit au maintien sur le territoire français jusqu'à ce qu'il y soit statué. Si préalablement à sa demande de réexamen, l'intéressé, en l'absence de droit au maintien sur le territoire, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, cette mesure ne peut être exécutée avant qu'il soit statué sur la demande d'asile. Le droit au maintien est conditionné par l'introduction de la demande auprès de l'OFPRA mais l'intéressé peut y prétendre dès qu'il a manifesté à l'autorité administrative son intention de solliciter un réexamen, l'attestation mentionné à l'article L. 741-1 du même code ne lui étant délivrée qu'en conséquence de cette demande.

14. Mme A... B... soutient sans être contestée qu'elle s'est présentée au guichet unique des demandeurs d'asile (GUDA) de la préfecture du Rhône pour y déposer une demande d'asile au nom de sa fille, le 29 septembre 2020 et qu'elle s'est vue opposer un refus d'enregistrement. Elle fait valoir qu'ayant manifesté auprès de l'autorité administrative son intention de solliciter l'asile au nom de son enfant, avant que le préfet du Rhône n'édicte l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, elle bénéficiait d'un droit au maintien sur le territoire jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande d'asile présentée au nom de sa fille et que le préfet ne pouvait donc édicter à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus que les démarches engagées par l'intéressée pour obtenir l'asile devaient être regardées comme ayant été également engagées au nom de sa fille mineure qui l'accompagne et il appartenait à l'intéressée de présenter à l'OFPRA puis à la CNDA, tous éléments relatifs aux risques personnels encourus par elle-même et, le cas échéant, par son enfant en République démocratique du Congo. A la date à laquelle Mme A... B... s'est présentée au GUDA, son recours contre la décision du directeur général de l'OFPRA rejetant sa demande d'asile était pendant devant la CNDA et l'intéressée bénéficiait à ce titre d'un droit au maintien sur le territoire français jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour. Ainsi, le préfet du Rhône pouvait, sans méconnaître le principe de valeur constitutionnelle de respect du droit d'asile, et ce, conformément aux dispositions de l'article L. 743-1 précitées, édicter la mesure d'éloignement en litige, le 15 décembre 2020, postérieurement à la lecture de la décision de la CNDA le 12 octobre 2020.

15. Mme A... B... fait également valoir qu'elle s'est de nouveau présentée au GUDA de la préfecture du Rhône, le 19 janvier 2021, soit postérieurement au rejet définitif de sa demande d'asile, qu'elle a obtenu un rendez-vous le 2 février 2021 en vue de déposer une demande d'asile au nom de sa fille mineure en raison des risques de mariage forcé encourus par celle-ci en cas de retour en République démocratique du Congo et qu'elle s'est de nouveau vue opposer un refus d'enregistrement. Toutefois, à supposer que le préfet ait à tort refusé à Mme A... B... l'enregistrement de la demande d'asile au nom de sa fille mineure, qui s'apparente, ainsi qu'il en résulte de ce qui a été dit ci-dessus, à une demande de réexamen, et refusé de lui délivrer l'attestation de demande d'asile visée par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement prise par le préfet antérieurement aux démarches effectuées par Mme A... B... à compter du 19 janvier 2021, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

17. Mme A... B... fait valoir qu'elle est présente en France depuis le 24 février 2018, qu'elle a quitté la République démocratique du Congo en septembre 2007, avec sa fille qui a donc toujours vécu en Europe, où elle a été scolarisée, d'abord en Belgique jusqu'à l'âge de onze ans puis en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée récemment en France, qu'elle ne démontre aucune insertion sociale et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où selon les énonciations non contestées de l'arrêté en litige trois de ses enfants résident. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme A... B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet du Rhône n'a, ainsi, en l'obligeant à quitter le territoire français, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

19. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

20. Mme A... B..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA, n'apporte à la cour aucun élément nouveau sur les risques actuels encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Si elle fait valoir qu'étant originaire de l'ethnie des Lubas, sa fille ne pourra revendiquer aucun bien ni aucune ressource en cas de retour en République démocratique du Congo et qu'elle risque d'être soumise à un mariage forcé malgré l'interdiction de cette pratique dans ce pays, les pièces qu'elle produit qui consiste en des rapports de la commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada et de l'Unicef, eu égard à leurs termes généraux, ne permettent pas d'établir la réalité des risques que la fille de l'appelante encourraient personnellement en cas de retour en République démocratique du Congo.

21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. En conséquence, ses conclusions présentées au titre des frais du litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2022.

La rapporteure,

S. LesieuxLe président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02531
Date de la décision : 06/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme CARAËS
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-06;21ly02531 ?
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