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30/06/2022 | FRANCE | N°21LY02898

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 juin 2022, 21LY02898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 2101881 du 29 juin 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 30 août 2021, M. B..., représenté par Me Bellot, demande à la c

our :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 19 février 2021 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isèr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 2101881 du 29 juin 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 30 août 2021, M. B..., représenté par Me Bellot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 19 février 2021 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'enregistrer sa demande de titre de séjour contre remise d'un récépissé, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour est entaché d'un vice de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour, méconnaît les articles L 313-11 (2° bis) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle lui refuse un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, déclare être entré sur le territoire français le 28 décembre 2017 alors qu'il était âgé de moins de seize ans. Le préfet de l'Isère, par un arrêté du 19 février 2021, a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement lu le 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11, 2 bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis : A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire (...) qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".

3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

4. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... a été confié à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, s'il a suivi une formation en CAP cuisine et s'il fait l'objet d'un avis favorable de sa structure d'accueil, il conserve de fortes attaches familiales dans son pays d'origine où vivent sa mère, son frère et sa sœur avec qui il lui appartient de renouer dès lors qu'aucune contrainte extérieure à sa volonté n'y fait obstacle. Par ailleurs, ses bulletins de CAP font état de très nombreuses absences et de résultats insuffisants, il n'établit pas ainsi le caractère réel et sérieux de sa formation. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Isère a pu, sans méconnaître les dispositions précitées, regarder la nature des liens familiaux conservés au pays d'origine et la faiblesse des résultats obtenus comme devant l'emporter sur les autres éléments du bilan de la présence en France de M. B....

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ". Sa présence sur le territoire français depuis décembre 2017, sa scolarisation, et de son intégration dans la société française ne révèlent aucune circonstance justifiant que de manière impérieuse, M. B... continue de séjourner sur le territoire français. En l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, au sens des dispositions précitées, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour en litige méconnaîtrait les dispositions précitées ou serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français en décembre 2017, soit moins de trois ans avant l'arrêté contesté. Célibataire et sans charge de famille, il ne dispose pas d'attaches familiales en France alors qu'il conserve des attaches dans son pays d'origine. Ainsi, la décision litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer (...) une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. B... ne remplissait pas les conditions de l'article L. 313-11 (2 bis) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de l'Isère n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.

Sur l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

9. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) ".

10. Le préfet de l'Isère a, par un même arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... et fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français. La décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement du I-3° des dispositions précitées, applicables à M. B..., n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de séjour, suffisamment motivé en droit et en fait.

11. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire quand celui-ci correspond à la durée légale de trente jours et que l'étranger n'a présenté aucune demande afin d'obtenir un délai supérieur. Il ressort des pièces du dossier que les éléments versés au dossier ne permettent pas d'établir que l'intéressé était dans une situation particulière justifiant que lui fût accordé, à titre exceptionnel, un délai de plus de trente jours dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation dirigé contre la disposition de l'arrêté litigieux accordant un délai limité à trente jours doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 février 2021 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire sous trente jours et fixant le pays de destination. Dès lors, les conclusions de sa requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY02898 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02898
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BELLOT ELIETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-30;21ly02898 ?
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