Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- d'annuler la décision du 8 novembre 2019 par laquelle la rectrice de l'académie de Grenoble l'a exclue temporairement de ses fonctions de professeur des écoles pour une durée de deux années ;
- d'annuler le titre de perception émis le 10 février 2020 pour un montant de 3 918,09 euros correspondant au trop-perçu de son traitement pour la période du 14 novembre au 31 décembre 2019, ensemble la décision du 17 mars 2020 par laquelle la rectrice de l'académie de Grenoble a rejeté le recours gracieux, et de la décharger de toute contribution financière pour service non fait ;
- d'annuler la décision du 25 février 2020 par laquelle la rectrice de l'académie de Grenoble a exercé à son encontre une action récursoire pour la somme de 23 781 euros.
Par un jugement nos 2000076, 2002457 et 2002458 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 10 mai 2022, présentés pour Mme A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement nos 2000076, 2002457 et 2002458 du 4 mai 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision du 8 novembre 2019 est intervenue au terme d'une procédure irrégulière et la sanction disciplinaire infligée est disproportionnée ; elle subit une double peine alors qu'elle conteste la matérialité des faits ;
- la décision du 17 mars 2020 est insuffisamment motivée et est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la sanction disciplinaire infligée par la décision du 8 novembre 2019 ; elle ne pouvait intervenir dès lors qu'une sanction disciplinaire ne peut recevoir effet durant une période de congés de maladie ;
- la décision du 25 février 2020 est insuffisamment motivée et ne pouvait intervenir en l'absence d'une faute lourde détachable des fonctions, et l'action récursoire était prescrite.
Par des mémoires enregistrés le 1er décembre 2021 et le 1er juin 2022, la rectrice de l'académie de Grenoble conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
La demande de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 15 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions de la demande de Mme A... dirigées contre la lettre du 25 février 2020 par laquelle la rectrice l'a informée de l'action récursoire qu'elle entendait exercer à son endroit afin de récupérer la somme de 23 781,00 euros versée aux victimes et de ce qu'un titre de perception serait émis, mesure préparatoire non susceptible de recours.
Un mémoire produit par la rectrice de l'académie de Grenoble en réponse à l'information des parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, enregistré le 16 mai 2022, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., professeure des écoles, affectée à l'école primaire de ... puis à celle de ..., en Haute-Savoie, a été condamnée, par un jugement du tribunal correctionnel d'Annecy du 23 mars 2018, à la suite de plaintes déposées par des parents d'élèves de l'école de Mesigny, à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans, avec inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, pour des faits de violence sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité. Par ce même jugement, l'État a été condamné à indemniser les parties civiles des dommages subis du fait du comportement de Mme A..., pour un montant de 23 781,00 euros. L'appel qu'elle avait formé contre le jugement en tant qu'il prescrivait l'inscription de sa condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire a été rejeté par un arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 15 mai 2019. Par une décision du 8 novembre 2019 la rectrice de l'académie de Grenoble a infligé à Mme A..., pour les mêmes faits, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans. Un titre de perception de 3 918,09 euros a été émis à l'encontre de Mme A... le 10 février 2020, au titre d'un trop-perçu de traitement versé durant les mois de novembre et décembre 2019 en dépit de son exclusion temporaire de fonctions, et le recours gracieux formé par l'intéressée a été rejeté par une décision de la rectrice de l'académie de Grenoble du 17 mars 2020. Enfin, par une lettre du 25 février 2020, la rectrice a informé Mme A... de l'action récursoire qu'elle entendait exercer à son endroit afin de récupérer la somme de 23 781,00 euros versée aux victimes et de ce qu'un titre de perception serait émis par le directeur départemental des finances publiques. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes dirigées contre ces décisions.
Sur la décision du 8 novembre 2019 :
2. En premier lieu, le recours pour excès de pouvoir a pour objet, non de sommer le défendeur de justifier a priori de la légalité de la décision en litige, mais de soumettre au débat des moyens sur lesquels le juge puisse statuer. Le défendeur n'est, en conséquence, tenu de verser des éléments au débat que si les moyens invoqués sont appuyés d'arguments ou de commencements de démonstration appelant une réfutation par la production d'éléments propres à l'espèce. Par suite, si Mme A... soutient que l'administration n'aurait pas respecté ses obligations relatives à la convocation et à la qualité pour siéger des membres du conseil de discipline, sans invoquer une disposition particulière qui aurait été méconnue, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas été procédé à une consultation régulière des instances représentatives.
3. En second lieu, en vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'État sont réparties en quatre groupes. Relèvent du premier groupe les sanctions de l'avertissement et du blâme, du deuxième groupe celles de la radiation du tableau d'avancement, de l'abaissement d'échelon, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et du déplacement d'office, du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et, enfin, du quatrième groupe celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation.
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, du jugement du tribunal correctionnel d'Annecy du 23 mars 2018, de l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 15 mai 2019 et de la décision infligeant à Mme A... la sanction disciplinaire du troisième groupe de l'exclusion temporaire de fonctions, que les faits de violence sans incapacité sur les enfants de classes de CE 2, CM 1 et CM 2 dont elle avait la charge, à raison desquels lui a été infligée cette sanction, ont été caractérisés par des propos et comportements rabaissant ces élèves, des colères se manifestant par des cris, des menaces gestuelles, des intimidations et des pressions psychologiques afin que ne soient pas révélées à des parents les punitions infligées à leurs enfants. Dans ces conditions, eu égard à l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises par l'intéressée, à la réputation du service public de l'éducation nationale ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, la sanction de l'exclusion temporaire de deux années infligée à Mme A... n'était pas disproportionnée à la gravité des faits fautifs commis par la requérante, nonobstant la circonstance que la manière de servir de Mme A... n'avait pas été remise en cause initialement par l'administration et que l'intéressée avait continué d'exercer normalement ses fonctions pendant deux années avant d'être suspendue puis sanctionnée. Dès lors qu'il découle du principe de l'indépendance des poursuites pénales et disciplinaires que des sanctions pénales et disciplinaires peuvent se cumuler à raison des mêmes faits, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait soumise illégalement à une double peine à raison de la sanction disciplinaire qu'elle conteste.
Sur le titre de perception émis le 10 février 2020 :
6. En ce qu'elle tend à contester l'exigibilité ou le montant d'une dette, toute demande dirigée contre un titre exécutoire, un ordre de reversement ou une décision imposant un remboursement par voie de retenue sur traitement relève, par nature, du plein contentieux. Il suit de là que la demande d'annulation présentée devant le tribunal contre le titre de perception émis le 10 février 2020 pour un montant de 3 918,09 euros correspondant au trop-perçu de son traitement pour la période du 14 novembre au 31 décembre 2019, ensemble la décision du 17 mars 2020 par laquelle la rectrice de l'académie de Grenoble a rejeté le recours gracieux formé contre le titre, ne pouvait être regardée que comme tendant à ce que le juge en prononce l'annulation en raison de leur irrégularité ou bien décharge Mme A... de l'obligation de rembourser tout ou partie des sommes à recouvrer pour défaut d'exigibilité de la créance en litige.
7. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 17 mars 2020 par laquelle la rectrice de l'académie de Grenoble a rejeté le recours gracieux formé contre le titre de perception émis le 10 février 2020 doit être écarté comme inopérant, dès lors qu'une telle insuffisance, à la supposer démontrée, serait sans incidence sur l'exigibilité de la créance comme sur la régularité du titre de perception.
8. En second lieu, en l'absence de service fait, un fonctionnaire n'a pas droit à un traitement. Dès lors, même lorsque cette absence de service fait résulte d'une mesure d'exclusion temporaire ou d'éviction illégale, l'agent ne peut ni prétendre, en l'absence de service fait, au paiement des rémunérations dont il a été privé durant la période de son exclusion illégale de fonctions, ni contester l'ordre de reversement du trop-perçu de traitement versé alors qu'il était exclu de fonctions. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir, au soutien de sa demande de décharge de l'obligation de rembourser tout ou partie des sommes à recouvrer, de l'illégalité de la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions qui lui a été infligée par la décision du 8 novembre 2019 alors, au demeurant, qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, cette décision n'était pas entachée d'illégalité. Si elle soutient que la sanction disciplinaire d'exclusion de fonctions sur laquelle se fonde la mesure de recouvrement en litige ne pouvait légalement être exécutée avant expiration de son congé de maladie, la circonstance qu'un agent soit placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant à l'entrée en vigueur d'une sanction et, par suite, à l'absence de droit à traitement durant la période d'exécution de la sanction.
Sur la lettre du 25 février 2020 :
9. La lettre par laquelle l'administration informe un fonctionnaire qu'il doit rembourser une créance constatée et liquidée à son encontre et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, un titre de perception lui sera notifié est une mesure préparatoire de ce titre, qui n'est pas susceptible de recours, quelles que soient les mentions que contient une telle lettre quant à son caractère décisoire ou au recours dont elle peut faire l'objet.
10. Or, il résulte de l'instruction que la lettre la lettre du 25 février 2020 par laquelle la rectrice a informé Mme A... de l'action récursoire qu'elle entendait exercer à son endroit afin de récupérer la somme de 23 781,00 euros versée aux victimes et de ce qu'un titre de perception serait émis ne peut être regardée que comme l'annonce d'un titre de perception à défaut de paiement spontané et ne constitue pas l'intéressée débitrice de ladite somme. Dès lors, cette lettre n'était pas susceptible de recours.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02294
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