Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel le préfet de la Drôme a retiré la carte de résident de 10 ans dont il était titulaire et lui en a refusé le renouvellement.
Par un jugement n° 2000731 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2021, le préfet de la Drôme demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 mai 2021 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que sa décision était entachée d'une erreur d'appréciation compte tenu de la menace pour l'ordre public que constitue l'intéressé ;
- il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. B..., qui est titulaire d'un titre de séjour d'un an ;
- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2021, M. B..., représenté par Me Gay, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Grenoble doit être confirmé ;
- le certificat de résidence de dix ans ne peut être retiré en raison de la menace que ferait peser pour l'ordre public la présence en France de son titulaire ;
- la décision en litige a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la Drôme relève appel du jugement du 31 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 19 novembre 2019 retirant la carte de résident de 10 ans dont M. B..., ressortissant tunisien, né en 1980, était titulaire.
Sur la légalité de l'arrêté du 19 novembre 2019 :
2. Il résulte des stipulations de l'article 11 de l'accord franco-tunisien que les points non traités par cet accord relèvent de la législation de chacun des deux Etats. Ni l'article 10 ni aucune autre stipulation de cet accord ne traite du cas de retrait de la carte de résident.
3. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la décision litigieuse a été prise au visa de l'article L. 314-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, s'il dispose que : " La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public. ", ne permet pas de retirer une telle carte. Si le détenteur d'une carte de résident peut voir son titre retiré s'il fait l'objet d'une mesure d'expulsion, dès lors que les conditions de celle-ci sont réunies, ni l'accord franco-tunisien ainsi qu'il a été dit au point précédent, ni aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile traitant des points non traités par l'accord, ne permet de retirer une carte de résident à son détenteur au motif qu'il constitue une menace pour l'ordre public. Il résulte de ce qui précède que, comme le soutient M. B..., la décision de retrait de sa carte de résident est entachée d'une erreur de droit et doit être annulée.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 19 novembre 2019.
Sur les frais d'instance :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que M. B... a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Drôme est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02261