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14/06/2022 | FRANCE | N°20LY02678

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 14 juin 2022, 20LY02678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet de l'Isère a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Salaise-sur-Sanne a délivré un permis de construire à la SNC If Plein Sud pour la construction d'un bâtiment d'activités d'une surface de plancher de 936 m² dans la zone commerciale Green 7.

Par un jugement n° 1903471 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du maire de la commune de Salaise-sur-Sanne du 5 mars 2019.
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Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 septembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet de l'Isère a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Salaise-sur-Sanne a délivré un permis de construire à la SNC If Plein Sud pour la construction d'un bâtiment d'activités d'une surface de plancher de 936 m² dans la zone commerciale Green 7.

Par un jugement n° 1903471 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du maire de la commune de Salaise-sur-Sanne du 5 mars 2019.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 septembre 2020 et le 16 août 2021, la SNC IF Plein Sud, représentée par Me Nahmias, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juillet 2020 ;

2°) de rejeter le déféré du préfet de l'Isère ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ce sont les règles du plan de prévention des risques d'inondation approuvées le 22 décembre 2000 qui sont applicables ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté en litige était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2021, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête d'appel ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Charzat pour la SNC If Plein Sud ainsi que celles de M. A... pour la préfecture de l'Isère ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 mars 2019, le maire de la commune de Salaise-sur-Sanne a délivré un permis de construire à la SNC If Plein Sud pour la construction d'un bâtiment d'activités d'une surface de plancher de 936 m² dans la zone commerciale Green 7. La SNC If Plein Sud relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, sur déféré du préfet de l'Isère.

2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

3. En vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations et les tempêtes, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités.

4. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, élaboré par l'Etat conformément aux articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative ne soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il appartient toutefois à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme, si les particularités de la situation l'exigent, de préciser dans l'autorisation, le cas échéant, les conditions d'application d'une prescription générale contenue dans le plan ou de subordonner, en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la délivrance du permis de construire sollicité à d'autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles qui résultent du plan de prévention des risques naturels prévisibles. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut aussi, si elle estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de délivrer un permis de construire, alors même que le plan n'aurait pas classé le terrain d'assiette du projet en zone à risques ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables.

5. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique font obstacle à la délivrance d'un permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

6. Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment d'activités litigieux, d'une surface de plancher de 936 m², se situe à l'extrémité sud de la zone commerciale Green 7 inaugurée en 2012, qui comporte de nombreux commerces. La circonstance que cette zone commerciale n'ait pas été classée en zone inondable par le plan de prévention du risque inondation de la Sanne (PPRI) approuvé le 22 décembre 2000 n'est pas de nature, par elle-même, à faire obstacle à ce qu'un refus de permis soit opposé sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, alors au demeurant que ce secteur, à l'état naturel à la date d'approbation de ce PPRI, était partiellement protégé par un muret depuis lors détruit. Il est constant qu'ainsi que le préfet de l'Isère le rappelle, cette zone et le terrain d'assiette du projet ont été touchés par la crue de la Sanne de novembre 2014, laquelle n'était pourtant pas une crue centennale mais simplement vicennale au regard de son débit de pointe mesuré à 90 m³/s, crue s'étant traduite par des dégâts à l'intérieur des différents commerces de la zone. Le préfet s'appuie par ailleurs sur une étude de qualification de l'aléa inondation du cabinet Ingerop réalisée en octobre 2017, initiée dans la perspective de révision du plan de prévention du risque inondation et portée à la connaissance de la commune de Salaise-sur-Sanne le 29 décembre 2017, qui souligne que le terrain d'assiette du projet se situe en zone d'aléa très fort d'inondation, résultant, en cas de crue centennale, dont le débit de pointe a été porté par l'étude d'Ingerop à 149 m³/s, de la combinaison entre une hauteur d'eau dépassant 0,5 m au niveau des places de stationnement du projet en litige et une vitesse d'écoulement de l'eau allant jusqu'à 2,5 m/s. Si la société requérante fait valoir que la crue de 2014 a trouvé son origine dans un défaut d'entretien d'ouvrages publics dans le secteur, et soutient que la probabilité de réalisation du risque maximal mis en avant par l'étude produite par le préfet reste faible, la réalité d'un risque important d'inondation sur le terrain en litige apparaît suffisamment établie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet a pris en compte ce risque en prévoyant que le bâtiment serait réalisé sur pilotis avec un niveau de plancher porté à 1,40 m au-dessus du sol permettant un écoulement satisfaisant en cas d'inondation de la zone, et la réalisation d'un bassin de rétention à proximité du projet pour la gestion des eaux pluviales. Si le préfet de l'Isère, qui ne conteste pas que, compte tenu de cette réalisation sur pilotis et de la hauteur maximale d'eau en cas de crue, le bâtiment projeté ne serait pas susceptible d'être inondé, fait valoir que la stabilité du bâtiment ne serait pas assurée, il ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation. En revanche, alors que le parc de stationnement est susceptible d'être inondé par des crues d'une hauteur pouvant dépasser 0,5 m sur le terrain d'assiette, la demande de permis ne prévoyait pas de mesures suffisantes pour assurer la gestion de ce risque sur ces espaces. Toutefois, alors qu'il ressort des pièces du dossier d'une part qu'un délai supérieur à deux heures doit séparer sur ce terrain, éloigné de la rivière, le phénomène pluvieux et l'arrivée de la crue, d'autre part qu'il n'est pas contesté que la voie d'accès au parc de stationnement ne serait pas affectée par un risque d'inondation, ce risque apparaît susceptible d'être pris en compte par des prescriptions spéciales qui n'apporteraient pas au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande. Ainsi, la société If Plein Sud fait valoir qu'un plan de montée des eaux a été élaboré en octobre 2019, postérieurement à l'arrêté en litige, sur la zone commerciale prévoyant, au titre des mesures de prévention et de sauvegarde de l'ensemble du site, des mécanismes d'alerte pour prévenir les clients et employés présents sur la zone commerciale, un plan de mise à l'abri du site comprenant de nombreuses mesures opérationnelles comme l'intervention d'une équipe de sécurité dédiée à ce risque d'inondation, l'installation de matériels de barrage et de sonorisation. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère est seulement fondé à soutenir qu'en délivrant le permis de construire en litige sans l'assortir de prescriptions spéciales, le maire de Salaise-sur-Sanne a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

7. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. "

8. Le vice relevé au point 6 est susceptible d'être régularisé sans modifier la nature même de la construction, par l'ajout de prescriptions prenant en compte l'existence du risque inondation sur les espaces de stationnement. Par ailleurs, il n'affecte, dans cette mesure, qu'une partie du projet. Il y a lieu de fixer à quatre mois le délai imparti au pétitionnaire pour solliciter la régularisation de ce projet.

9. Il résulte de ce qui précède que la SNC If Plein Sud est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé dans son ensemble, et sans faire application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, l'arrêté du 5 mars 2019 du maire de Salaise-sur-Sanne.

Sur les frais liés au litige :

10. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme que la SNC If Plein Sud demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

D E C I D E :

Article 1er : Le permis de construire délivré le 5 mars 2019 par le maire de Salaise-sur-Sanne est annulé en tant qu'il n'est pas assorti de prescriptions spéciales de nature à prendre en compte le risque d'inondation sur les espaces de stationnement.

Article 2 : Le délai imparti à la SNC If Plein Sud pour solliciter la régularisation de son projet est fixé à quatre mois.

Article 3 : L'article 1er du jugement du 16 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel de la SNC If Plein Sud est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC If Plein Sud et au préfet de l'Isère.

Copie en sera adressée à la commune de Salaise-sur-Sanne et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Vienne.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022.

Le rapporteur,

François Bodin-Hullin

Le président,

Thierry Besse

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02678
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ADDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-14;20ly02678 ?
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