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14/06/2022 | FRANCE | N°20LY02080

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 14 juin 2022, 20LY02080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Pénélope a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 31 juillet 2018 de la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) portant retrait et reversement de la subvention de 44 839 euros liée à l'immeuble situé 30 rue Longarini à Givors, ensemble l'ordre de recouvrement émis pour ce montant le 29 août 2018 et la décision du 6 novembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900032 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Pénélope a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 31 juillet 2018 de la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) portant retrait et reversement de la subvention de 44 839 euros liée à l'immeuble situé 30 rue Longarini à Givors, ensemble l'ordre de recouvrement émis pour ce montant le 29 août 2018 et la décision du 6 novembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900032 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2021 et le 12 octobre 2021, la SCI Penelope, représentée par Me Tissot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 mars 2020 ;

2°) d'annuler, à titre principal, la décision du 31 juillet 2018 de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) portant retrait et reversement de la subvention de 44 839 euros et l'ordre de recouvrement émis pour ce montant le 29 août 2018 et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la somme de 19 513,25 euros réclamée par l'ANAH au titre de l'ordre de recouvrement du 29 août 2018 ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision de retrait et de reversement ;

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'ordre de recouvrement ;

- c'est à tort que l'ANAH a décidé le retrait et le reversement partiel de la subvention, alors que l'absence de location de deux logements est due à l'état du marché locatif et aux contraintes conventionnelles fixées par l'ANAH, malgré ses diligences pour trouver des locataires ;

- l'illégalité de la décision de retrait et de reversement en cause entache d'illégalité l'ordre de recouvrement qui y trouve son fondement ;

- l'ANAH s'est méprise sur le coefficient de dégressivité à retenir pour calculer l'indu de subvention, compte tenu de la date réelle de déclaration d'achèvement des travaux, qui doit être fixée en mars 2011 et non en septembre 2013.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 juin 2021 et le 12 novembre 2021, l'ANAH, représentée par Me Pouilhe, conclut au rejet de la requête et à ce que la société requérante lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Tissot pour la SCI Pénélope.

Considérant ce qui suit :

1. Propriétaire d'un immeuble situé à Givors, la SCI Pénélope a bénéficié d'une subvention de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) en vue de la rénovation de quatre appartements destinés à la location, d'un montant total de 114 937 euros et dont le solde lui a été versé le 9 septembre 2014. Elle a contesté devant le tribunal administratif de Lyon la décision du 31 juillet 2018 portant retrait partiel de cette subvention et reversement d'un montant de 44 839 euros faisant suite à un contrôle du respect de ses engagements, ainsi que l'ordre de recouvrer cette créance émis le 29 août 2018, et demandé subsidiairement une réduction du montant ainsi mis à sa charge. La SCI Penelope relève appel du jugement du 30 mars 2020 par lequel ledit tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article R. 321-20 du code de la construction et de l'habitation : " I.-Pour les opérations et bénéficiaires mentionnés aux I et II de l'article R. 321-12, les locaux pour lesquels la subvention est accordée doivent être occupés pendant une durée et selon des critères déterminés par le règlement général de l'agence. Le logement ou le local d'habitation inclus dans un bail commercial ou un bail à ferme doit être occupé à titre de résidence principale, au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé affectant un ou plusieurs occupants du logement, ou cas de force majeure. Tout changement d'occupation ou d'utilisation ou toute mutation de propriété des logements ou locaux d'habitation inclus dans un bail commercial ou un bail à ferme intervenant pendant la période mentionnée au premier alinéa doit être déclaré par le bénéficiaire de la subvention au délégué de l'agence dans le département ou au délégataire de compétence dans un délai de trois mois suivant l'événement. En outre, à l'occasion d'une mutation de propriété, les cédants, les donataires ou leurs ayants droit sont tenus d'informer le notaire de l'octroi de la subvention. II.-Les locaux pour lesquels une subvention est accordée aux bénéficiaires mentionnés au III de l'article R. 321-12 font l'objet d'une convention conclue entre le bénéficiaire, l'agence et l'Etat. Cette convention comporte en annexe le projet social relatif notamment aux modalités d'accueil et de gestion, à la situation et à l'accompagnement social des personnes accueillies. Le règlement général de l'agence fixe le contenu de cette convention et la durée minimum pendant laquelle le bénéficiaire de la subvention s'engage à maintenir à l'établissement financé sa vocation d'hébergement, en fonction du montant de la subvention. III.-Le règlement général de l'agence précise les modalités selon lesquelles les bénéficiaires de la subvention justifient que les locaux sont occupés ou utilisés conformément aux dispositions de la présente section. Il fixe également les conditions particulières applicables aux locaux visés au II de l'article R. 321-12, et à l'utilisation des terrains et immeubles acquis dans le cadre des opérations mentionnées aux IV et V de l'article R. 321-12, dans le respect des dispositions des articles R. 522-4 et R. 523-2. " et aux termes de l'article R. 321-21 du même code : " (...) Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, ou de toute autre convention liée au bénéfice des aides de l'agence, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence. Ce règlement prévoit une procédure de communication préalable et des éléments de calcul sur le montant du reversement et son actualisation indexée sur l'évolution de l'indice de référence des loyers mentionné à l'article 17-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Ces décisions sont prises à tout moment, avant ou après le versement du solde de la subvention. Lorsqu'elles sont prononcées avant le versement du solde de la subvention, elles sont prises par l'organisme ayant décidé de l'attribution de la subvention, qui peut être, selon le cas, l'agence ou l'autorité à laquelle cette compétence a été déléguée. Lorsqu'elles sont prononcées après le versement du solde de la subvention, elles sont prises par l'agence. (...) ".

3. Les subventions conditionnelles accordées par l'ANAH en application de l'article R. 321-4 du code de la construction et de l'habitation ne créent de droits au profit de leurs bénéficiaires que pour autant que ceux-ci justifient, après l'achèvement des travaux, que les conditions imposées lors de l'attribution de l'aide se trouvent effectivement réalisées. Si les bénéficiaires de ces subventions sont placés vis-à-vis de cet établissement public dans une situation réglementaire et non contractuelle, cette situation ne fait pas obstacle à ce que ces usagers puissent, le cas échéant, invoquer un cas de force majeure ayant rendu impossible l'exécution des engagements auxquels était subordonné le versement de l'aide financière de l'agence.

En ce qui concerne la décision de retrait et de reversement :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 12 janvier 2018 régulièrement publiée, la directrice générale de l'ANAH a donné délégation à Mme B..., signataire de la décision en litige, à l'effet de signer notamment les décisions portant retrait et reversement des aides pour les dossiers ayant fait l'objet du paiement du solde de la subvention en cas d'absence ou d'empêchement du responsable de la mission contrôle audit interne. Si la SCI Penelope fait valoir qu'alors que la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) a donné un avis favorable à la communication de l'agenda de M. A..., responsable de la mission contrôle et audit et supérieur, sous réserve d'une atteinte à la vie privée, et qu'aucune suite n'a été donnée à sa demande, elle n'établit pas ce faisant, comme il lui incombe de le faire, que M. A... n'était pas empêché, à la date de la signature de l'acte en litige, empêchement qui ne saurait en tout état de cause se déduire de la seule circonstance éventuelle qu'aucun rendez-vous n'apparaîtrait dans un agenda professionnel. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de retrait et de reversement doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de la décision attaquée, le retrait partiel de subvention est motivé par la " rupture des engagements de location, (...) du fait de ne plus louer le bien subventionné aux conditions arrêtées initialement : les biens ne sont plus loués depuis le 19/09/2016 pour le logement 2 et le 23/06/2017 pour le logement 5 ". Au soutien de sa demande, la SCI requérante, qui ne conteste pas l'exactitude de ce motif, se prévaut de sa bonne foi et de ses vaines tentatives pour trouver des locataires sous la double contrainte des conditions imposées par l'ANAH et de l'état du marché locatif. Elle évoque aussi en appel une étude sur l'évolution du marché locatif de Givors qu'elle n'a cependant pas produite. Toutefois, les circonstances invoquées ne revêtent pas le caractère d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de la force majeure alors que la société a accepté les conditions posées par l'ANAH qu'elle s'est engagée à respecter en contrepartie de l'octroi de la subvention, et qu'elle avait connaissance de l'état du marché locatif à Givors en lançant son projet immobilier. Dans ces conditions, la directrice générale de l'ANAH a pu légalement constater que la SCI Pénélope n'avait pas respecté ses engagements et décider en conséquence le retrait partiel de la subvention qui lui avait été accordée.

En ce qui concerne l'ordre de recouvrement :

6. Par une décision du 12 janvier 2018 régulièrement publiée, la directrice générale de l'ANAH a délégué sa signature à M. C..., signataire de la décision en litige, à l'effet de signer tous actes relevant de sa compétence d'ordonnateur en cas d'absence ou d'empêchement. Pour les motifs exposés au point 4, la SCI Pénélope n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'absence d'empêchement de la directrice générale de l'ANAH par l'exposé des démarches qu'elle a entreprises auprès de la commission d'accès aux documents administratifs. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté.

7. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit au point 5 que la SCI Pénélope n'est pas fondée à contester la légalité du titre émis à son encontre en se prévalant de l'illégalité de la décision de retrait et de reversement qui lui donne son fondement.

Sur les conclusions subsidiaires aux fins de décharge partielle :

8. Aux termes de l'article 15-A du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat : " propriétaires, titulaires de droit réel immobilier conférant l'usage de locaux loués nus ou meublés (R. 321-12 I,1°) : les logements pour lesquels la subvention est accordée doivent être loués pendant une période d'au moins neuf ans à compter de la date de déclaration d'achèvement des travaux (...) ". Aux termes de l'article 20 de ce même règlement : " la réception de la demande de paiement par le délégué de l'agence dans le département (...) vaut déclaration d'achèvement de l'opération ".

9. Au soutien de sa demande, la SCI Pénélope fait valoir que, les travaux ayant été achevés au cours de l'année 2011 et non en septembre 2013 comme l'a retenu l'ANAH, la rupture de ses engagements de location, le 19 septembre 2016 pour le logement 2 et le 23 juin 2017 pour le logement 5, n'est intervenue qu'au cours des sixième et septième des neufs années pendant lesquelles elle était tenue de louer ces appartements, et non au cours de la quatrième année, et que, dans ces conditions, le montant du reversement mis à sa charge au prorata des années d'engagement restant à courir doit s'établir à 25 325,25 euros.

10. Toutefois, il résulte de l'instruction que la SCI requérante a demandé le paiement du solde le 12 septembre 2013, cette date devant être retenue comme la date de déclaration d'achèvement des travaux en vertu des dispositions du règlement général de l'ANAH citées au point 8. La circonstance invoquée en appel que la SCI requérante aurait effectué une demande de paiement du premier acompte au mois de mai 2011 reste à cet égard sans incidence dès lors qu'il résulte de l'instruction que celle-ci ne portait que sur certains lots et qu'ainsi que le fait valoir l'ANAH, la société requérante n'établit pas en tout état de cause avoir respecté avant la demande complète de paiement, qui n'est intervenue qu'en 2013, les obligations pesant, s'agissant des conditions de location des biens, sur les bénéficiaires des subventions. Dans ces conditions, la SCI Pénélope n'est pas fondée à demander la décharge partielle de la somme mise à sa charge au titre du retrait et du reversement de sa subvention.

11. Il résulte de ce qui précède que la SCI Penelope n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la SCI Penelope demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de l'ANAH, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Penelope le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'ANAH.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Penelope est rejetée.

Article 2 : La SCI Penelope versera la somme de 2 000 euros à l'ANAH au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Penelope et à l'ANAH.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022.

Le rapporteur,

François Bodin-Hullin

Le président,

Thierry Besse

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02080
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-03-03-01 Logement. - Aides financières au logement. - Amélioration de l'habitat. - Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : VEDESI - SCP SCHMIDT VERGNON PELISSIER THIERRY EARD-AMINTHAS et TISSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-14;20ly02080 ?
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