Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI MCT a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la même période.
Par un jugement n° 1908222 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 février 2021 et 24 février 2022, la SCI MCT, représentée par Me Curvat, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 décembre 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice, ainsi qu'une somme dont le montant reste à déterminer au titre frais irrépétibles exposés tant en appel qu'en première instance.
Elle soutient que :
- elle n'avait aucune intention spéculative à la date d'acquisition du bien immobilier ;
- le caractère habituel des opérations n'est pas démontré ;
- la proposition de rectification du 30 septembre 2016 est insuffisamment motivée.
Par des mémoires enregistrés le 29 décembre 2021 et le 9 mai 2022, dont le dernier n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;
- les caractères habituel et spéculatif des opérations réalisées dans les deux copropriétés par la SCI MCT sont parfaitement établis et, par suite, il ne peut qu'être confirmé que cette dernière a réalisé des opérations relevant de l'activité de marchands de biens et de construction-vente au regard des dispositions de l'article 35 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- les observations de Me Saïd, représentant la SCI MCT ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI MCT dont M. A... est le gérant et l'associé majoritaire a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 30 septembre 2016, l'administration a requalifié une opération d'achat d'un bien immobilier suivie de ventes de lots issus de la division de ce bien en activité commerciale de marchand de biens et a mis à la charge de la SCI des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la même période. La SCT MCT relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " et aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
3. La proposition de rectification du 30 septembre 2016 comporte la désignation des impôts concernés, des années d'imposition, des bases d'imposition et énonce les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile. Le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification doit ainsi être écarté, sans que le contribuable puisse utilement critiquer à l'appui de ce moyen le bien-fondé des motifs retenus par le vérificateur.
Sur l'impôt sur les sociétés :
4. Le 2 de l'article 206 du code général des impôts, définissant le champ d'application de l'impôt sur les sociétés, dispose que : " (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) " et aux termes du I de l'article 35 du même code : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (...) ".
5. L'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel. L'intention spéculative susceptible de caractériser une activité industrielle et commerciale de marchand de biens, qui ne se présume pas, doit s'apprécier à la date d'acquisition des immeubles.
6. Le 20 septembre 2007, la SCT MCT a acquis un tènement immobilier situé à Lagnieu pour la somme de 155 000 euros. En 2010, ce tènement a fait l'objet d'une première division en trois lots correspondant à trois appartements situés respectivement au rez-de-chaussée, au premier étage et au second étage. Le lot n° 2 a été vendu le 29 décembre 2010, le lot n° 3, le 21 novembre 2011 et le lot n° 1, le 30 juillet 2014. La seconde partie du tènement a fait l'objet d'une autre copropriété divisée en en 8 lots. Les lots 1 et 5 constitués d'un appartement avec place de parking ont été vendus le 26 août 2014. Les lots 2 et 6, de même constitution, ont été vendus également le 26 août 2014, les lots 3 et 7, également de même constitution, ont été vendus le 30 octobre 2015. Enfin, les lots 4 et 8 de même composition ont été vendus, le 27 novembre 2015.
7. D'une part, eu égard tant au nombre d'opérations ainsi réalisées par la SCI MCT, qu'à la brièveté du délai séparant l'acquisition du tènement immobilier et le lancement des opérations de division qui ont abouti à la création de deux copropriétés, la requérante doit être regardée comme ayant eu, lors de son acquisition, l'intention de revendre le bien concerné après l'avoir divisé en lots alors même que, pour financer cette opération, elle a eu recours dès le départ à un prêt prévoyant une indemnité de 8 % en cas de remboursement anticipé. Si la requérante se prévaut du délai séparant l'achat de ce bien de la revente des lots, il résulte de l'instruction que ce délai est uniquement lié au temps nécessaire aux opérations de division, à l'obtention des autorisations de construire et à la réalisation des travaux. De même la circonstance qu'un des appartements ait pu faire l'objet d'une location sur la période de décembre 2012 et juillet 2013, n'est pas, compte tenu de sa brièveté, de nature à contredire le constat effectué par l'administration de l'absence de mise en location des logements concernés. Enfin, la requérante se prévaut comme en première instance de ce qu'elle a acquis le tènement immobilier dans le but de le louer comme entrepôt à la SARL A... et fils, qu'un bail commercial de neuf ans a été conclu entre les deux parties et que ce n'est qu'à la suite du départ de son locataire qu'elle a procédé aux travaux d'aménagement des locaux d'habitation ainsi qu'à leur vente. Toutefois, il résulte de l'instruction que la SCI MCT n'a produit la copie de ce bail qu'au stade de la réclamation contentieuse, que son gérant est également le gérant de la SARL A..., que cette dernière société n'a jamais déclaré ce local au titre de la contribution foncière des entreprises, qu'il ne figure dans aucune annonce légale concernant l'activité de cette société et que la requérante n'a procédé à aucune recherche en vue de la remise en location de ce local après le départ allégué de la SARL A.... Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la circonstance qu'une partie du tènement acquis par la SCI MCT aurait été occupée par la SARL A... ne saurait constituer un obstacle à ce qu'elle puisse être regardée comme ayant eu, lors de son acquisition, l'intention de revendre le bien concerné.
8. D'autre part, compte tenu du nombre d'opérations réalisées par la SCI MCT qui a procédé à la vente de sept appartements à usage d'habitation entre 2010 et 2015, dont cinq entre juillet 2014 et novembre 2015, l'administration établit le caractère habituel de cette activité.
9. Il résulte de ce qui précède que, l'activité de la SCI MCT répondant à un objet commercial de marchand de biens, l'administration fiscale a pu estimer à bon droit que ses résultats entraient, dans le champ d'application du I de l'article 35 et du 2 de l'article 206 du code général des impôts.
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
10. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 257 du même code : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent (...) ".
11. Ainsi qu'il a été dit aux points précédents, la SCI MCT doit être regardée comme ayant exercé, au titre de la période en litige, une activité économique consistant en l'achat d'immeubles en vue de leur vente. Cette activité, d'une importance significative, a été exercée à titre habituel et ne peut être regardée comme s'inscrivant dans une démarche patrimoniale. Par suite, en application des dispositions précitées du code général des impôts, l'administration était fondée à assujettir les opérations de vente d'immeubles réalisées par la SCI appelante à la taxe sur la valeur ajoutée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI MCT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI MCT est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI MCT et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.
La rapporteure,
P. Dèche
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
C. LangletLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00602
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