Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le syndicat mixte de Savoie Grand Revard a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 8 janvier 2016 par laquelle le préfet de la Savoie lui a refusé le bénéfice du dispositif d'activité partielle pour la période du 4 janvier au 5 février 2016 ainsi que le rejet de son recours hiérarchique opposé, le 16 mars 2016, par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Par jugement n° 1602857 lu le 29 juin 2018, le tribunal a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par arrêt n° 18LY03336 lu le 6 mai 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel formé par la ministre du travail, annulé ce jugement et rejeté la demande d'annulation présentée par le syndicat mixte de Savoie Grand Revard.
Sur pourvoi du syndicat mixte de Savoie Grand Revard, le Conseil d'État a, par décision n° 432340 du 28 janvier 2021, annulé l'arrêt n° 18LY03336 lu le 6 mai 2019 et renvoyé l'affaire à la cour, réenregistrée au greffe le 28 janvier 2021 sous le n° 21LY00307.
La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a présenté un nouveau mémoire, enregistré le 12 février 2021, dans la présente instance.
Dans le dernier état de ses écritures, elle demande à la cour d'annuler le jugement n° 1602857 lu le 29 juin 2018 et de rejeter la demande d'annulation du syndicat mixte de Savoie Grand Revard.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- il n'est pas établi que le syndicat mixte adhère à l'assurance chômage conformément à l'article L. 5421-2 du code du travail ;
- le déficit d'enneigement à l'origine de la demande n'est pas constitutif d'intempéries de caractère exceptionnel, au sens du 3° de l'article R. 5122-1 du même code.
Par mémoire enregistré le 3 mars 2022, le syndicat mixte des stations des Bauges (SMSB), qui succède au syndicat mixte de Savoie Grand Revard, représenté par Me Mollion, persiste dans ses écritures de l'instance n° 18LY03336 et réduit à 2 000 euros les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, en outre que la demande de substitution de motifs doit être écartée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du tourisme ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Arbarétaz, président ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions de la requête :
1. Il résulte des articles L. 5122-1, R. 5122-1, R. 5122-2, L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, que, dès lors que les agents contractuels recrutés pour exercer dans un service de remontées mécaniques ou de pistes de ski sont soumis à un régime de droit privé, ils peuvent être placés en position d'activité partielle dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail par leur employeur, sous réserve de l'adhésion de ce dernier au régime d'assurance chômage, sans que puisse être utilement invoqué le dispositif de la loi susvisée du 28 décembre 2016 instituant un dispositif expérimental de trois ans pour les personnels employés par les syndicats intercommunaux dotés de la seule autonomie financière pour la gestion des domaines skiables. Il revient alors à l'administration, saisie par un service de remontées mécaniques ou de pistes de ski d'une demande d'autorisation d'activité partielle motivée par un déficit d'enneigement le contraignant à réduire ou à suspendre temporairement son activité, d'apprécier, sous le contrôle du juge, si ce déficit peut être regardé, au regard du niveau d'enneigement habituel, comme présentant un caractère exceptionnel pour l'application de l'article R. 5122-1 du code du travail.
2. Il suit de là que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé les décisions du 8 janvier 2016 et du 16 mars 2016 ayant refusé au syndicat mixte de Savoie Grand Revard le bénéfice du dispositif de son personnel en activité partielle pour la période du 4 janvier au 5 février 2016, au motif que sa qualité d'employeur public y aurait fait obstacle.
3. Au cours de la présente instance, la ministre soutient, il est vrai, qu'il ne serait pas établi que le syndicat mixte adhèrerait à une convention d'assurance chômage conformément à l'article L. 5421-2 du code du travail et que le déficit d'enneigement à l'origine de la demande ne serait pas constitutif d'intempéries de caractère exceptionnel, au sens du 3° de l'article R. 5122-1 du même code. En ce qu'ils tendent à démontrer la légalité des décisions en litige, qui reposaient sur le régime juridique du demandeur, de tels arguments doivent s'analyser comme une demande de substitution de motifs.
4. A cet égard, l'administration peut, même en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
5. L'adhésion de l'employeur public à une convention d'assurance chômage est une condition d'éligibilité au dispositif d'indemnisation d'activité partielle, tandis que l'intensité d'un épisode climatique est l'un des cas susceptibles de justifier l'ouverture de ce dispositif. La méconnaissance de l'article L. 5421-2 ou celle de l'article R. 5122-1 du code du travail seraient donc au nombre des motifs de nature à fonder légalement les décisions litigieuses. Toutefois, et d'une part, l'article R. 5122-2 du code du travail attribue aux services déconcentrés de l'administration du travail, et à eux seuls, la charge de vérifier que l'employeur qui a présenté la demande répond aux conditions d'éligibilité. A ce titre, il leur appartient de provoquer les explications de l'intéressé, s'ils s'estiment insuffisamment éclairés par les documents normalisés que celui-ci a servis. Or, la demande du syndicat mixte de Savoie Grand Revard n'ayant pas été instruite en raison du motif, opposé à tort, tiré de son régime juridique, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ne saurait priver cet établissement public de la garantie que constitue l'instruction utile de sa demande en sollicitant, le cas échéant, les renseignements sur son adhésion à un régime d'assurance chômage, alors en outre qu'il ressort de pièces produites dans l'instance n° 18LY03336 qu'il adhérait au régime de l'Unedic.
6. D'autre part, les considérations générales sur le réchauffement climatique dans les Alpes ne sauraient tenir lieu de relevés météorologiques retraçant les précipitations et les températures ayant affecté le massif des Bauges au cours des semaines qui ont précédé la période du 4 janvier au 5 février 2016, alors qu'il ressort des déclarations consignées dans la demande du syndicat mixte de Savoie Grand Revard que l'absence totale d'enneigement avait rendu impraticable tout son domaine skiable. Il suit de là que le motif tiré de l'insuffisante acuité de l'épisode climatique n'était pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à fonder légalement les décisions en litige.
7. Il résulte de ce qui précède que la demande de substitution de motifs ne peut être accueillie et que les conclusions de la requête doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'État au titre des frais exposés par le syndicat mixte des stations des Bauges et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est rejetée.
Article 2 : L'État versera au syndicat mixte des stations des Bauges une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions du syndicat mixte des stations des Bauges est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et au syndicat mixte des stations des Bauges.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.
Le président, rapporteur,
Ph. ArbarétazLe président assesseur,
Ph. Seillet
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY00307 2
lc