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09/06/2022 | FRANCE | N°20LY01669

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 09 juin 2022, 20LY01669


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) du château de Tanlay, la commune d'Argentenay, la commune de Lézinnes, la commune de Tanlay, la commune de Tonnerre, l'association Les amis du patrimoine tonnerrois, l'association des amis du château de Tanlay, l'association pour la valorisation de Tanlay, de son château et de l'abbaye de Quincy, l'association Environnement, terroir et patrimoine du Haut-Tonnerrois, M. J... F..., M. B... I... et M. N... M... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêt

du 10 janvier 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a délivré à la soci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) du château de Tanlay, la commune d'Argentenay, la commune de Lézinnes, la commune de Tanlay, la commune de Tonnerre, l'association Les amis du patrimoine tonnerrois, l'association des amis du château de Tanlay, l'association pour la valorisation de Tanlay, de son château et de l'abbaye de Quincy, l'association Environnement, terroir et patrimoine du Haut-Tonnerrois, M. J... F..., M. B... I... et M. N... M... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a délivré à la société d'exploitation du parc éolien (SEPE) de Vireaux une autorisation de construire et d'exploiter huit éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Sambourg et de Vireaux.

Par un jugement n° 1801239 lu le 6 mars 2020, le tribunal, après avoir rejeté comme irrecevable la demande en tant qu'elle était présentée par M. F..., M. I... et M. M..., a fait droit à la demande présentées par la SCI du château de Tanlay, les communes d'Argentenay, de Lézinnes, de Tanlay et de Tonnerre, l'association Les amis du patrimoine tonnerrois, l'association des amis du château de Tanlay, l'association pour la valorisation de Tanlay, de son château et de l'abbaye de Quincy, et l'association Environnement, terroir et patrimoine du Haut-Tonnerrois.

Procédures devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 23 juin 2020 sous le n° 20LY01669 et des mémoires enregistrés les 16 octobre 2020, 22 juillet 2021 et 14 septembre 2021 et 1er mars 2022 (ces deux derniers non communiqués), la SEPE de Vireaux, représentée par Me Cambus, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) le cas échéant, après déplacement sur les lieux et sursis à statuer dans l'attente d'un avis de l'autorité environnementale, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée au tribunal par la SCI du château de Tanlay, les communes d'Argentenay, de Lézinnes, de Tanlay, de Tonnerre, l'association Les amis du patrimoine tonnerrois, l'association des amis du château de Tanlay, l'association pour la valorisation de Tanlay, de son château et de l'abbaye de Quincy, et l'association Environnement, terroir et patrimoine du Haut-Tonnerrois, M. F..., M. I... et M. M... ;

2°) de mettre à la charge de chacun des intimés une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SEPE de Vireaux soutient que :

- certains demandeurs de première instance n'avaient pas qualité pour agir ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le projet porte atteinte au site de Tanlay, à son château et ses abords.

Par des mémoires enregistrés les 25 mai 2021, 22 juillet 2021 et 14 septembre 2021 (ce dernier non communiqué), la SCI du château de Tanlay, les communes d'Argentenay, de Lézinnes, deTanlay, de Tonnerre, l'association Les amis du patrimoine tonnerrois, l'association des amis du château de Tanlay, l'association pour la valorisation de Tanlay, de son château et de l'abbaye de Quincy, l'association Environnement, terroir et patrimoine du Haut-Tonnerrois, M. F..., M. I... et M. M..., représentés par Me Monamy :

1°) concluent au rejet de la requête, subsidiairement, à ce que soit suspendue l'exécution des dispositions non viciées de l'arrêté du 10 janvier 2018 ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il rejette comme irrecevable la demande en tant qu'elle est présentée par M. F..., M. I... et M. M... ;

3°) de mettre à la charge de l'État et de la SEPE de Vireaux une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI du château de Tanlay et autres soutiennent que :

- le jugement n'a pu sans irrégularité, rejeter comme irrecevable la demande en tant qu'elle est présentée par M. F..., M. I... et M. M... qui dispose d'un intérêt suffisant au regard de la situation individuelle dont ils se prévalent ;

- aucun moyen de la requête n'est fondé et, en outre, une demande de dérogation espèces protégées aurait dû être présentée.

Par un mémoire enregistré le 16 juillet 2021, l'association La demeure historique, M. C... A..., Paris Investir SAS, représentée par sa présidente Mme H... G..., la SCI de l'Abbaye de Notre-Dame de Quincy, représentée par sa gérante Mme K... E..., M. O... D..., M. L... de Flaghac, représentés par Me Callon, interviennent au soutien des conclusions de la SCI du château de Tanlay et autres demandent à la cour de rejeter la requête.

L'association La demeure historique et autres soutiennent que :

- leur intervention est recevable ;

- les moyens soulevés par la SEPE de Vireaux ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 septembre 2021.

II. Par une requête enregistrée le 18 août 2020 sous le n° 20LY02355, la ministre de la transition écologique demande à la cour d'annuler le jugement n° 1801239 lu le 6 mars 2020 et de rejeter la demande présentée au tribunal par la SCI Château de Tanlay, les communes d'Argentenay, de Lézinnes, de Tanlay, de Tonnerre, l'association Les amis du patrimoine tonnerrois, l'association des amis du château de Tanlay, l'association pour la valorisation de Tanlay, de son château et de l'abbaye de Quincy, et l'association Environnement, terroir et patrimoine du Haut-Tonnerrois.

La ministre de la transition écologique soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le projet porte atteinte au site de Tanlay, à son château et ses abords.

Par des mémoires enregistrés les 25 mai 2021, 22 juillet 2021 et 14 septembre 2021 (ce dernier non communiqué), la SCI du château de Tanlay, les communes d'Argentenay, de Lézinnes, de Tanlay, de Tonnerre, l'association Les amis du patrimoine tonnerrois, l'association des amis du château de Tanlay, l'association pour la valorisation de Tanlay, de son château et de l'abbaye de Quincy, l'association Environnement, terroir et patrimoine du haut-tonnerrois, M. F..., M. I... et M. M..., représentés par Me Monamy :

1°) concluent au rejet de la requête, subsidiairement, à ce que soit suspendue l'exécution des dispositions non viciées de l'arrêté du 10 janvier 2018 ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il rejette comme irrecevable la demande en tant qu'elle est présentée par MM. F..., I... et M... ;

3°) de mettre à la charge de l'État et de la SEPE de Vireaux une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI du château de Tanlay et autres soutiennent que :

- le jugement n'a pu sans irrégularité, rejeter comme irrecevable la demande en tant qu'elle est présentée par M. F..., M. I... et M. M... qui dispose d'un intérêt suffisant au regard de la situation individuelle dont ils se prévalent ;

- aucun moyen de la requête n'est fondé et, en outre, une demande de dérogation espèces protégées aurait dû être présentée.

Par un mémoire enregistré le 16 juillet 2021, l'association La demeure historique, M. A..., Paris Investir SAS, représentée par sa présidente Mme G..., la SCI de l'Abbaye de Notre-Dame de Quincy, représentée par sa gérante Mme E..., M. D..., M. de Flaghac, représentés par Me Callon, interviennent au soutien des conclusions de la SCI du château de Tanlay et autres demandent à la cour de rejeter la requête.

L'association La demeure historique et autres soutiennent que :

- leur intervention est recevable ;

- les moyens soulevés par la SEPE de Vireaux ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement pour l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Cambus pour la SEPE de Vireaux et autres, ainsi que celles de Me Monamy pour la SCI château de Tanlay et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 10 janvier 2018, le préfet de l'Yonne a autorisé la SEPE de Vireaux à exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comprenant huit éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Vireaux et Sambourg. Par jugement du 20 mars 2020 le tribunal administratif de Dijon a, sur la demande de la SCI Château de Tanlay et autres, annulé cet arrêté au motif que le projet porterait atteinte aux paysages et au patrimoine. La SEPE de Vireaux et la ministre de la transition écologique en demandent l'annulation par deux requêtes qui ont fait l'objet d'une instruction commune et qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'intervention de l'association La demeure historique et autres :

2. Est recevable à former une intervention, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. L'article 4 de ses statuts assigne à La demeure historique, association agréée pour la protection de l'environnement sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, la défense et la sauvegarde du patrimoine architectural, historique, artistique et naturel, des perspectives et paysages, son président disposant, en vertu de l'article 19 des mêmes statuts, de la capacité d'ester en son nom. Ainsi cette association justifie, au regard de son champ d'intervention, géographique comme matériel, d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté en litige. L'association La Demeure Historique et autres, qui déclarent intervenir au soutien des conclusions de la SCI du château de Tanlay, justifient d'un intérêt suffisant. Leur intervention doit dès lors être admise.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Pour examiner le moyen tiré de l'atteinte porté au site, le jugement n'avait pas à répondre à tous les arguments avancés par les parties dès lors qu'ont été exposés ceux qui fondent la censure du tribunal.

Sur les appels de la SEPE de Vireaux et de la ministre de la transition écologique :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

4. Compte tenu de la situation du projet contesté et de sa nature, la SCI du château de Tanlay, propriétaire du château du même nom situé à 7,7 km de l'éolienne la plus proche, lui confère un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté en litige. Il ressort des pièces du dossier que les associations et les communes requérantes ont justifiées de leur qualité pour agir de par leurs objets et leurs situations géographique. Les fins de non-recevoir tirés du défaut d'intérêt pour agir doivent par suite être écartées en ce qui concerne les associations requérantes, la SCI du château de Tanlay et les communes d'Argentenay, de Lézinnes, de Tanlay et de Tonnerre.

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal :

5. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers (...), soit pour la conservation des sites et des monuments (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que, pour statuer sur une demande d'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, il appartient au préfet de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages et du patrimoine. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

7. Si le projet doit être implanté sur un plateau à vocation agricole dont les abords immédiats sont dépourvus d'intérêt paysager, il sera perceptible depuis le village de Tanlay, son château et ses abords, ensemble d'intérêt patrimonial majeur. Néanmoins, il résulte des photomontages joints au volet paysager de l'étude d'impact que la végétation masquera la majeure partie des aérogénérateurs, distants de près de 8 km, qui de ce fait ne se distingueront dans les lointains que comme des éléments secondaires du paysage. Les vues depuis les allées demeureront également limitées à l'extrémité de quelques pâles alors que l'arrêté impose, dans son article 2-3 et à titre de prescriptions, la préservation des arbres de haute tige. L'ensemble formé par le village et le château de Tanlay ne se distinguant pas par la prééminence de ses dimensions sur le paysage environnant, la verticalité des éoliennes, au demeurant atténuée à cette distance, n'est pas susceptible de le dénaturer, la seule co-visibilité d'un élément contemporain ne suffisant pas à porter atteinte à un site historique.

8. Il suit de là que la SEPE de Vireaux et la ministre de la transition écologique sont fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'autorisation d'exploiter litigieuse au motif qu'elle méconnaîtrait l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement en dépit des prescriptions imposées au pétitionnaire.

9. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la SCI château de Tanlay et autres.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :

10. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure.

S'agissant de l'accord délivré au titre de l'aviation civile et la défense aérienne :

11. Aux termes de l'article 8 du décret du 2 mai 2014 susvisé : " Le cas échéant, le dossier de demande (...) est complété par les pièces suivantes (...) : 1° L'autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense, lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne (...) ". Aux termes de l'article 10 de ce décret : " (...) II. - Le représentant de l'0201tat dans le département : (...) 3° Sollicite les accords mentionnés à l'article 8, lorsque le dossier ne les comporte pas. Ces accords sont délivrés dans les deux mois. Ils sont réputés donnés au-delà de ce délai (...) ".

12. Le préfet de l'Yonne ayant saisi, le 20 juillet 2016, les ministres chargés de l'aviation civile et de la défense d'une demande d'accord, celui-ci a été délivré tacitement par la direction de la sécurité aéronautique de l'État, le 20 septembre 2016 et expressément, le 5 septembre 2016, par le ministère des armées. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'autorisation d'exploiter aurait été délivrée sans ces accords, manque en fait.

S'agissant de la composition du dossier d'autorisation d'urbanisme :

13. Aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend (...) un plan de masse des constructions à édifier (...) coté dans les trois dimensions (...) / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement (...) ". Or, le raccordement d'une installation de production d'électricité au réseau électrique est sans rapport avec les modalités de raccordement envisagées par les dispositions précitées qui ne concernent que la satisfaction des besoins propres des futurs occupants des constructions ou ouvrages à édifier. Or, il ne ressort pas de l'instruction que les indications du dossier sur l'alimentation du poste de livraison et l'éclairage des composantes du parc éolien auraient été insuffisantes et n'auraient pas permis à l'autorité décisionnaire de porter une appréciation utile sur la desserte des projets. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance du projet architectural doit être écarté.

S'agissant de la consultation des collectivités et établissement publics de coopération intercommunales :

14. Aux termes du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 susvisée, alors en vigueur : " Hors des zones de développement de l'éolien définies par le préfet, pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'urbanisme concernée ". Aux termes de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme : " (...) l'autorité compétente recueille, conformément aux dispositions prévues au XI de l'article 90 de la loi (...) du 12 juillet 2010 (...), l'avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet ".

15. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de consultation instituée par l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010, qui ne s'étend pas à l'ensemble des communes et établissements publics de coopération intercommunale limitrophes de la commune d'implantation du projet, concerne les seules collectivités dont le territoire est limitrophe de l'unité foncière d'implantation du projet ou, lorsque le projet est implanté sur plusieurs unités foncières distinctes, de l'une de ces unités foncières. En outre, s'agissant des établissements publics de coopération intercommunale, seuls doivent être consultés ceux disposant de la compétence en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme. Il suit de là que l'instruction de l'autorisation d'urbanisme présentée par la SEPE de Vireaux n'est pas irrégulière pour n'avoir pas comporté la consultation des communes qui, quoique limitrophes des communes des communes de Vireaux et Sambourg, ne l'étaient de l'unité foncière du projet.

S'agissant de l'accord des propriétaires :

16. D'une part, aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 7° Dans le cas d'une installation à implanter sur un site nouveau, l'avis du propriétaire, lorsqu'il n'est pas le demandeur, ainsi que celui du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme sur l'état dans lequel devra être remis le site lors de l'arrêt définitif de l'installation ; ces avis sont réputés émis si les personnes consultées ne se sont pas prononcées dans un délai de quarante-cinq jours suivant leur saisine par le demandeur (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales dans sa version alors applicable : " En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau. "

17. Il ressort des pièces du dossier que les avis des propriétaires concernés sur les conditions de démantèlement et de remise en état des lieux à l'issue de l'exploitation ont été produits. Le maire de Vireaux a émis, le 18 mars 2016, un avis au visa d'une délibération du conseil municipal prise le 26 février 2016, qui a été produite, portant sur l'ensemble des parcelles de la commune. En ce qui concerne la commune de Sambourg, le conseil municipal s'est prononcé par délibération du 8 septembre 2016 à laquelle le maire, intéressé, n'a pas pris part. Cette circonstance constituait une cause d'empêchement au sens de l'article L. 2122-17 précité du code général des collectivités territoriales. En vertu des mêmes dispositions, le maire devait être alors remplacé dans la plénitude de ses fonctions par un adjoint pris dans l'ordre des nominations sans qu'il y ait eu lieu de procéder à une désignation expresse. Il suit de là que l'avis émis tacitement au nom de la commune suite à cette délibération régulièrement prise, n'est pas entaché d'irrégularité.

S'agissant de l'étude d'impact :

18. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Quant au volet paysager :

19. Les photomontages ont été réalisés selon une méthodologie et des moyens numériques communiqués au public dont rien ne permet d'affirmer en quoi ils seraient défaillants ou insincères. Enfin, la société pétitionnaire ayant répondu à l'avis de l'autorité environnementale, elle n'était pas tenue de compléter son étude paysagère.

Quant au volet environnemental :

20. S'il est fait grief à l'étude acoustique de ne pas couvrir, en hauteur, toute la période d'activité des chiroptères et de ne porter que sur un seul mât, au sol, de reposer sur une campagne d'observation lacunaire, il résulte de l'instruction que les inventaires naturaliste ont été effectués sur un cycle biologique complet et sur des points de mesure couvrant l'intégralité du site et de ses abords, compris l'ouest du Champ Jolivet, sans égard aux préconisations de la société française pour l'étude et la protection des mammifères, dépourvues de toute portée normative. Dans ces conditions, l'insuffisance alléguée du diagnostic de l'étude chiroptérologique n'est pas établie.

S'agissant de l'avis de l'autorité environnementale :

21. L'avis a été rendu par une instance collégiale non soumise à l'autorité du préfet de l'Yonne qui a délivré l'autorisation litigieuse. Si le dossier porte le timbre de la DREAL Bourgogne Franche Comté, il résulte de l'instruction qu'au sein de ce service déconcentré de l'Etat, existe une mission évaluation environnementale, structure autonome chargée d'instruire l'avis de l'autorité environnementale. Ainsi le moyen tiré de ce que l'avis de l'autorité environnementale aurait été émis au terme d'une procédure ne garantissant pas l'indépendance de l'avis de l'autorité environnementale doit être écarté.

En ce qui concerne l'enquête publique :

S'agissant de la publicité de l'avis d'enquête :

22. Aux termes de l'article R. 123-11 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Un avis (...) est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés (...) II. - L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête désigne les lieux où cet avis doit être publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tout autre procédé. Pour les projets, sont au minimum désignées toutes les mairies des communes sur le territoire desquelles se situe le projet (...) Cet avis est publié quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et pendant toute la durée de celle-ci (...) ". Les allégations tenant à l'irrégularité de l'affichage de l'enquête publique au regard de ces dispositions sont dépourvues de tout commencement de démonstration. Ne sauraient en tenir lieu des constats d'huissiers qui ne contiennent aucune preuve de la matérialité de ces irrégularités. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté dans toutes ses branches.

S'agissant de la composition du dossier d'enquête :

23. D'une part, si le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense doivent donner leur accord sur les projets susceptibles de constituer des obstacles à la navigation aérienne, ni les articles R. 425-9 du code de l'urbanisme et R. 244-1 du code de l'aviation civile, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne font obligation de les annexer au dossier soumis à enquête publique. Il suit de là que le moyen tiré de l'absence de ces décisions au nombre des documents communiqués au public est inopérant.

24. D'autre part, l'absence de mention des avis des propriétaires sur la remise en état du site n'est pas de nature à avoir fait obstacle, à l'information suffisante ou à la participation effective du public, à l'enquête ou à avoir exercé une influence sur les résultats de l'enquête. Il suit de là que le moyen tiré de l'incomplétude du dossier d'enquête publique doit être écarté.

S'agissant de l'information des conseils municipaux :

25. Aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'environnement, alors en vigueur : " L'autorisation prévue à l'article L. 512-1 est accordée par le préfet (...) après avis des conseils municipaux intéressés (...) ". Il résulte de l'instruction que dix-huit communes étaient concernées, que le préfet les a consultés et dix d'entre elles ont délibéré sur la demande d'autorisation. Le préfet n'était pas tenu d'obliger les huit autres à délibérer et l'irrégularité qui entacherait les dix délibérations, à la supposer avérée, à savoir l'absence de communication de la notice explicative avant le vote, n'a pu, en l'espèce, exercer d'influence sur le sens ou le contenu de la décision du préfet de l'Yonne. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

S'agissant du rapport du commissaire enquêteur :

26. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet (...), la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet (...) en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ".

27. Il résulte de l'instruction que le rapport du commissaire enquêteur, après avoir fait la synthèse de l'étude d'impact, de l'étude de dangers et précisé l'organisation et le déroulement de l'enquête, comporte un chapitre consacré aux observations du public recensant le nombre de visiteurs et de contributions. De plus, le commissaire enquêteur dans ses conclusions a examiné les observations présentées, puis a analysé les effets positifs et négatifs du projet et les motifs invoqués par les opposants au projet. Le commissaire enquêteur a ensuite présenté son avis motivé, en mettant en balance les avantages et inconvénients du projet conformément aux dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement.

En ce qui concerne le montant des garanties financières de démantèlement :

28. L'article R. 515-101 du code de l'environnement dispose que : " I. - La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre du 2° de l'article L. 181-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation. / II. - Un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixe, en fonction de l'importance des installations, les modalités de détermination et de réactualisation du montant des garanties financières qui tiennent notamment compte du coût des travaux de démantèlement. "

29. Il résulte de l'instruction que le montant des garanties financières relatives au démantèlement des machines a été fixé à la somme de 50 000 euros par machine, assortie d'une formule d'actualisation mentionnée à l'annexe II de l'arrêté du 26 août 2011 susvisé, qui aboutit à la somme de 324 565 euros. Cette formule est remplacée, en application de l'arrêté du 22 juin 2020 par celle de l'arrêté du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement.

30. En se bornant à soutenir que l'arrêté litigieux est illégal d'une part, en ce qu'il n'imposerait pas à la société pétitionnaire de constituer des garanties financières " réellement propres " à couvrir les frais de démantèlement et de remise en état du site, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 515-101 du code de l'environnement d'autre part, en ne prévoyant pas un coût unitaire initial d'au moins 90 839 euros par machine en méconnaissance des dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 modifié, les requérants ne démontrent pas que le montant prévu par la société pétitionnaire, pour démanteler son propre parc éolien, serait insuffisant. De même, il ne résulte pas de l'instruction que le montant des garanties prévues par la société parc éolien de Vireaux méconnaisse les dispositions de l'article R. 515-101 du même code, qui ne livrent pas d'indication chiffrée ou chiffrable. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les mesures de démantèlement et de remise en état du site :

31. Aux termes de l'article R. 515-106 du code de l'environnement : " Les opérations de démantèlement et de remise en état d'un site après exploitation comprennent : 1° Le démantèlement des installations de production ; 2° L'excavation d'une partie des fondations ; 3° La remise en état des terrains sauf si leur propriétaire souhaite leur maintien en l'état ; 4° La valorisation ou l'élimination des déchets de démolition ou de démantèlement dans les filières dûment autorisées à cet effet. / Un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixe les conditions techniques de remise en état ". Aux termes du I de l'article 29 de l'arrêté du 26 août 2011 susvisé : " Les opérations de démantèlement et de remise en état prévues à l'article R. 515-106 du code de l'environnement comprennent : - le démantèlement des installations de production d'électricité, des postes de livraison ainsi que les câbles dans un rayon de 10 mètres autour des aérogénérateurs et des postes de livraison (...) ".

32. En prévoyant, à l'article R. 515-106 du code de l'environnement, qu'un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixerait les conditions techniques de remise en état d'un site après exploitation, le pouvoir règlementaire a nécessairement entendu confier à ce ministre le soin de fixer, par arrêté, l'ensemble des conditions de réalisation des opérations mentionnées à cet article, ce qui inclut la détermination des modalités des opérations de démantèlement et de remise en état. Dès lors, la SCI Château de Tanlay et autres ne sont pas fondées à soutenir qu'en prévoyant à l'article 1er de l'arrêté du 26 août 2011, modifié, les modalités des opérations de démantèlement, le ministre de l'environnement aurait excédé les pouvoirs qu'il détenait de l'article R. 515-106. Par suite, l'exception d'illégalité de l'arrêté du 26 août 2011, invoqué à l'appui des dispositions par lesquelles l'arrêté litigieux autorise les modalités de remise en état du site du parc des Vireaux, doit être écarté.

En ce qui concerne l'autorisation de défrichement :

33. Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier, rendu applicable aux autorisations d'exploiter par l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : (...) 3° A l'existence des sources, cours d'eau et zones humides, et plus généralement à la qualité des eaux (...) 6° A la salubrité publique (...) ". Le défrichement nécessité par l'implantation de l'éolienne V5 ne concerne que 0,3231 hectares occupé par un bosquet isolé dépourvu d'intérêt environnemental, alors qu'une mesure de reboisement compensatoire est prévue. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précité doit être écarté.

En ce qui concerne la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées :

34. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. -Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (...) d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1° (...) de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle (...) ".

35. D'une part, il ressort de l'étude écologique qu'il existe un risque de dérangement modéré pour la Grue cendrée, un risque de dérangement et de mortalité par collision modéré pour le Milan noir, le Milan royal, le Faucon crécerelle, l'œdicnème criard et l'Alouette Lulu, enfin, un risque faible de dérangement et de mortalité par collision pour le Busard Saint-Martin, toutes ces espèces dont l'intérêt particulier est reconnu par la directive oiseaux 2009/147 /CE du 30 novembre 2009 et l'article 3 de l'arrêté du 29 octobre 2009. Toutefois, cette même étude précise que le dérangement occasionné par le projet sur l'avifaune en stationnement hors période de reproduction est considéré comme négligeable à faible et qu'en conséquence les modifications engendrées par le dérangement occasionné par le projet sur l'avifaune migratrice devraient être globalement faibles pour la majorité de l'avifaune, à modéré pour quelques espèces farouches (Grues cendrées, milans). L'impact sera, dans tous les cas, limité sur les oiseaux migrateurs, de par les effectifs recensés sur la ZIP et ses alentours, et des comportements qui vont s'adapter à la présence du parc, notamment les grues cendrées dont le comportement d'évitement des éoliennes est connu. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'effets significatifs, le moyen tiré de la violation des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement doit être écarté en ce qui concerne les oiseaux.

36. D'autre part, il ressort de l'étude chiroptérologique qu'après la mise en œuvre des mesures d'évitement prévues par le pétitionnaire qui consiste notamment en un plan de bridage, l'impact du projet sera faible pour la Pipistrelle de Kuhl, ainsi que pour neuf autres espèces, dont la Sérotine commune et qu'il est modéré pour la Noctule de Leisler, la Pipistrelle commune, la Pipistrelle de Nathusius, Dans ces conditions, le projet litigieux ne relève pas du régime de dérogation pour les espèces, l'interdiction édictée par l'article L. 411-1 du code de l'environnement ne s'imposant que pour autant que les perturbations, destructions, altérations ou dégradations auxquelles elles font référence remettent en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de reproduction ou de repos des espèces considérées.

37. Il résulte de ce qui précède que l'autorisation unique, devenue autorisation environnementale, délivrée par l'arrêté du préfet du préfet de l'Yonne du 10 janvier 2018, n'est pas illégale en tant qu'elle a été prise sans présentation d'une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées en ce qui concerne les chiroptères.

S'agissant de la consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers :

38. Aux termes de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme : " (...) les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés (...) ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis (...) à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (...) ". Or, il ressort des pièces du dossier que le projet de parc éolien est implanté sur une zone agricole dont il réduira même marginalement la superficie et entre dans le champ d'application des dispositions précitées. L'absence de cet avis a pu exercer une influence sur le sens de l'avis. Par suite le dossier de demande d'autorisation est incomplet.

S'agissant de l'information du public sur les capacités financières de la société :

39. Les articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies à l'article L. 512-1 de ce code. Il en résulte qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'ils posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code. En revanche, le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation est apprécié au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation.

40. En vertu du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, alors en vigueur, la demande d'autorisation doit mentionner " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir, à l'appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières. Si cette règle a été ultérieurement modifiée par l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement en vertu duquel le dossier permettant au pétitionnaire de justifier de ses capacités, lorsqu'il n'en dispose pas au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour en justifier, l'exploitant devant, dans ce dernier cas, au plus tard à la mise en service de l'installation, cette évolution de la règle de droit ne diminue pas le niveau de ses obligations d'exploitant et ne le dispense pas d'en informer le public.

41. La demande d'autorisation de la société Parc éolien de Vireaux comporte un plan de financement élaboré selon un coût estimatif de 39 millions d'euros et décrit la répartition des sources de financement, soit 20 % d'apport en capital par le groupe et 80 % d'emprunt bancaire. Le capital social et les rapports de solvabilité de la société Gamesa, groupe auquel appartient la société à 100 %, n'ont pas été communiqués. Le dossier soumis à l'enquête publique ne comportait pas d'éléments précis et étayés sur les capacités financières de la société parc éolien de Vireaux, sur l'engagement financier de la société Gamesa, qui n'a présenté sa lettre de soutien que le 20 février 2019 non plus que sur l'engagement de l'établissement bancaire prêteur et de l'actionnaire pour le financement sur fonds propres. Par suite, le dossier de demande d'autorisation ne peut être regardé comme suffisamment précis et étayé sur les capacités financières dont la société pétitionnaire serait effectivement en mesure de disposer. Cette insuffisance a eu pour effet de nuire à l'information complète du public.

En ce qui concerne la régularisation de l'autorisation d'exploiter litigieuse :

42. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale (...) peut limiter à cette phase (...) la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase (...) qui a été entachée d'irrégularité ; 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

43. En vertu de ces dispositions, le juge peut, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d'instruction. Dans les deux cas, le texte prévoit que le juge peut demander à l'administration de reprendre l'instruction.

44. Les différentes illégalités, énoncées aux points 39 et 42 du présent arrêt, entachant l'autorisation environnementale en litige sont susceptibles d'être régularisées par l'intervention d'une autorisation modificative de régularisation, prise au vu d'un dossier actualisé qui sera soumis à une nouvelle enquête publique, conformément aux modalités qui suivent.

45. L'illégalité qui résulte de l'incomplétude du dossier de demande peut être régularisée par l'intervention d'une autorisation modificative de régularisation prise au regard d'un dossier actualisé comportant les données financières absentes du dossier soumis à l'enquête publique et qui devront être portées à la connaissance du public lors d'une enquête publique complémentaire organisée selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement et un avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers.

46. Dans ces circonstances, il y a lieu, pour la cour, de surseoir à statuer sur la requête présentée par la SCI Château de Tanlay et autres dans l'attente de l'autorisation modificative qui devra être prise en application des principes mentionnés des points 43 à 46 du présent arrêt, dans le délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt. Pendant cette période, il appartiendra à la ministre de la transition écologique de justifier auprès de la cour de l'accomplissement des mesures de régularisation effectuées par le préfet de l'Yonne.

En ce qui concerne la suspension de l'exécution de l'autorisation :

47. Aux termes du II de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ". Les vices dont il s'agit d'assurer la régularisation affectant la légalité de l'ensemble de l'arrêté, la demande présentée par la SCI du château de Tanlay, et autres doit être rejetée.

Sur l'appel incident de la SCI Château de Tanlay et autres :

48. La seule circonstance que M. F..., M. I... et M. M... habitent à environ un kilomètre de l'éolienne la plus proche ne permet pas d'établir une lésion directe de leur situation individuelle leur donnant qualité à agir. Il suit de là que la SCI de Tanlay et autres ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal aurait irrégulièrement rejeté leur demande en tant qu'elle était présentée par ces trois personnes physiques, et que l'appel incident doit être rejeté.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association La demeure historique et autres est admise.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par la SCI Château de Tanlay et autres jusqu'à ce que la ministre de la transition écologique ait justifié de l'accomplissement des mesures d'instruction décrites aux points 43 à 47 par le préfet de l'Yonne, dans le délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La ministre de la transition écologique fournira à la cour, au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris par le préfet de l'Yonne en vue de la régularisation prévue à l'article précédent.

Article 4 : L'appel incident de la SCI de Tanlay et autres est rejeté.

Article 5 : Tous droits et conclusions des parties, sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin de l'instance. L'instruction n'est rouverte que sur les suites qu'appelle la mesure de régularisation prescrite à l'article 3.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société parc éolien de Vireaux, à la ministre de la transition écologique, à la société civile immobilière du château de Tanlay, première dénommée, pour l'ensemble des défendeurs, et à l'association La demeure historique, première dénommée, pour l'ensemble des intervenants en défense, en application de l'article R. 751-3 du code de justice.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 20LY01669, 20LY02355 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01669
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : LPA CGR Avocats

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-09;20ly01669 ?
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