Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la métropole Saint-Etienne Métropole ou, subsidiairement, de la condamner solidairement avec la société Stéphanoise des eaux, à lui verser la somme totale de 92 876,14 euros en réparation des préjudices résultant de la chute dont il a été victime le 3 février 2016.
La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner solidairement la ville de Saint-Etienne, la métropole Saint-Etienne Métropole et la société Stéphanoise des eaux à lui verser la somme de 2 228,44 euros au titre des prestations servies, assortie des intérêts, ainsi que la somme de 742,80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1908574 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné Saint-Etienne Métropole à verser à M. A... une somme de 13 200 euros en réparation des préjudices subis et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 2 228,44 euros au titre de ses débours exposés ainsi qu'une somme de 742,80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 25 janvier 2021, sous le numéro 21LY00249, et des mémoires enregistrés le 2 octobre 2021, le 21 décembre 2021 et le 1er février 2022, M. A..., représenté par Me Laffont, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1908574 du 26 novembre 2020 en ce que le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ;
2°) de condamner la métropole Saint-Etienne Métropole à lui verser la somme de 92 876,04 euros au titre des préjudices résultant de la chute dont il a été victime le 3 février 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la métropole Saint-Etienne Métropole, outre les dépens, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- sa chute sur la voie publique est imputable à une plaque d'égout mal fermée, qui a cédé sous ses pas ;
- le lien de causalité entre cet accident et la capsulite rétractile qu'il a subie dans les suites de sa chute est rapporté ;
- la circonstance que le tribunal de commerce de Saint-Etienne a prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle est sans incidence sur l'accident dont il a été victime ;
- il a droit à :
* la somme de 74 278,54 euros au titre des dépenses de santé, qui n'ont pas été prises en charge par un tiers, en lien avec des soins qu'il a subis en France et aux Etats-Unis ; il justifie, par la production de factures traduites, de la réalité de ces dépenses ; la réalité de son préjudice ne saurait être conditionnée par l'exigence d'une avance des frais ; il ne peut lui être reproché le fait de s'être rendu aux Etats-Unis pour y subir des soins ;
* la somme de 3 477,60 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
* la somme de 2 000 euros au titre de souffrances endurées ;
* la somme de 13 120 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
- il convient de déduire de l'indemnité qui lui est due la somme de 13 500 euros correspondant à la provision qui lui a été versée.
Par des mémoires en défense enregistrés le 2 avril 2021 et le 26 novembre 2021, la société Stéphanoise des eaux, représentée par Me Laurendon, conclut au rejet des conclusions présentées à son encontre et à ce qu'outre les dépens, la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. A..., ou qui mieux le devra, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, M. A... n'a pas justifié de l'établissement de son domicile à l'adresse indiquée dans sa requête, de sorte qu'elle est irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- à titre subsidiaire, M. A... n'établit pas que les dommages qu'il allègue seraient liés à un défaut d'entretien normal d'un ouvrage public qui lui a été concédé ;
- en toute hypothèse, l'entretien de l'ouvrage qui aurait été à l'origine de la chute de M. A..., incorporé à la voie publique, incombait à Saint-Etienne Métropole ;
- les éléments produits par M. A... sont insuffisamment lisibles et explicites pour déterminer si les prestations de soins aux Etats-Unis sont en lien avec les conséquences de l'accident ; en outre, le requérant ne justifie pas avoir effectivement payé les sommes qui lui seraient réclamées au titre des soins médicaux en cause ; il existe un doute quant à l'identité du bénéficiaire de ces soins ;
- une somme de 57 871,17 dollars sur le total des dépenses de santé a été prise en charge par un assureur ;
- les frais de santé allégués ne sauraient, en toute hypothèse, excéder la somme de 6 655 dollars, soit 6 125 euros ;
- il n'est pas justifié par M. A... des dépenses de kinésithérapie qui seraient restées à sa charge ;
- la date de consolidation, fixée par l'expert au 7 janvier 2019, ne correspond pas aux constatations du rapport d'expertise ;
- le déficit fonctionnel permanent n'est pas établi ;
- le montant des créances de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme est incertain.
Par un mémoire enregistré le 5 mai 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me Philip de Laborie, conclut à la condamnation de la métropole Saint-Etienne Métropole à lui verser la somme de 2 228,44 euros au titre des prestations qu'elle a servies à M. A..., ainsi que la somme de 724,80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'entière responsabilité de Saint-Etienne Métropole devra être confirmée ;
- elle a droit à la somme de 2 228,44 euros, correspondant au montant des prestations servies à M. A... au titre des dépenses de santé engagées, outre l'indemnité forfaitaire d'un montant de 742,80 euros.
Par un mémoire en défense enregistrés le 21 décembre 2021, la métropole Saint-Etienne Métropole, représentée par Me Bonicatto, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête de M. A..., qui ne contient aucune critique du jugement attaqué en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, il n'est pas établi que les soins réalisés aux Etats-Unis à compter du mois de mai 2018 aient été rendus nécessaires par les suites de l'accident du 3 février 2016 ; la nature même des soins facturés n'est pas rapportée ;
- les pièces produites par M. A... révèlent qu'il bénéficiait d'une couverture assurantielle aux Etats-Unis au titre de ses frais de santé ; il n'est ainsi pas établi que les frais en cause aient été effectivement exposés ;
- M. A..., qui s'est rendu aux Etats-Unis pour des convenances personnelles, ne saurait être indemnisé de dépenses de santé qu'il a pu exposer dans ce pays alors qu'il aurait bénéficié des mêmes soins en France, où il a la qualité d'assuré social ;
- M. A... ne justifie pas des dépenses de santé qui seraient restées à sa charge à hauteur de 380,55 euros.
II. Par une requête enregistrée le 27 janvier 2021, sous le numéro 21LY00289, et un mémoire enregistré le 21 décembre 2021, la métropole Saint-Etienne Métropole, représentée par Me Bonicatto, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1908574 du 26 novembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. A... ;
3°) de rejeter les conclusions présentées en appel par M. A... et par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ;
4°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de celui-ci, en application des mêmes dispositions, au titre des frais exposés en appel.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont insuffisamment motivé la réponse qu'ils ont apportée à la fin de non-recevoir opposée à la demande de M. A... ;
- les conclusions de première instance de M. A... étaient irrecevables en ce que celui-ci n'a pas mentionné son domicile, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- le regard d'égout situé sur un trottoir, dans la mesure où il est indispensable pour accéder à la canalisation d'un réseau d'assainissement, nonobstant le fait qu'il constitue un ouvrage public incorporé à la voie publique, est un élément du réseau d'assainissement relevant de plein droit de la compétence du gestionnaire du service public de l'assainissement ; l'ouvrage, désigné par M. A... comme étant à l'origine de l'accident à l'origine de ses préjudices, a été concédé à la société Stéphanoise des eaux ; M. A... avait la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage incriminé ; seule la responsabilité de cette société, qui n'est pas insolvable, pouvait être recherchée ;
- des travaux, dont elle n'était pas le maître d'ouvrage, étaient en cours à la date de l'accident ; il ne lui appartenait pas, au titre de son obligation d'entretien normal du domaine public, de contrôler que le chantier en cours a été laissé dans un état totalement sécurisé ;
- elle soulève les mêmes moyens que dans l'instance 21LY00249.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 juin 2021, le 2 octobre 2021, le 21 décembre 2021 et le 1er février 2022, M. A..., représenté par Me Laffont, conclut :
1°) au rejet de la requête et des conclusions présentées par la société Stéphanoise des eaux ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation de la métropole Saint-Etienne Métropole à lui verser la somme de 92 876,04 euros au titre des préjudices résultant de la chute dont il a été victime le 3 février 2016 ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la métropole Saint-Etienne Métropole, outre les dépens, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- il soulève les mêmes moyens que dans l'instance 21LY00249.
Par des mémoires en défense enregistrés le 2 avril 2021 et le 26 novembre 2021, la société Stéphanoise des eaux, représentée par Me Laurendon, conclut au rejet des conclusions présentées à son encontre et à qu'outre les dépens, la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. A..., ou qui mieux le devra, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soulève les mêmes moyens que dans l'instance 21LY00249.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le décret n° 2017-1316 du 1er septembre 2017 portant création de la métropole Saint-Etienne Métropole ;
- l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2022 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bonicatto, représentant Saint-Etienne Métropole et Me Laurendon, représentant la société Stéphanoise des eaux.
Considérant ce qui suit :
1. Le 3 février 2016, M. A... a été victime d'une chute sur le trottoir de la rue des docteurs Charcot, à Saint-Etienne, qu'il impute à une plaque d'égout mal scellée. Par une ordonnance du 26 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a, d'une part, ordonné une expertise médicale en vue de déterminer les conséquences médico-légales de l'accident et de procéder à l'évaluation du préjudice subi par l'intéressé, et, d'autre part, a rejeté sa demande de versement d'une provision. L'expert a déposé son rapport le 20 juin 2019. M. A... a saisi le tribunal administratif de Lyon en vue d'obtenir la condamnation de la métropole Saint-Etienne Métropole ou, subsidiairement, de la métropole solidairement avec la société Stéphanoise des eaux, à l'indemniser des préjudices consécutifs à cette chute, au titre du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public. Parallèlement, M. A... a, en invoquant le même fondement de responsabilité, de nouveau saisi le juge des référés de ce tribunal d'une demande tendant à l'octroi d'une provision. Par une ordonnance du 15 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a condamné la société Stéphanoise des eaux à verser à M. A... une indemnité provisionnelle de 13 500 euros. Par un jugement du 26 novembre 2020, tribunal administratif de Lyon, après avoir estimé que la seule responsabilité de Saint-Etienne Métropole, chargée de l'entretien de la voirie de la commune de Saint-Etienne en application des dispositions l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, était de nature à être engagée, et a condamné la métropole à verser à M. A..., d'une part, une somme de 13 200 euros en réparation des préjudices subis et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, d'autre part, une somme de 2 228,44 euros au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 742,80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par la requête n°21LY00249, M. A... relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires et demande que l'indemnité que Saint-Etienne Métropole a été condamnée à lui verser soit portée à la somme de 92 876,04 euros. Par la requête n° 21LY00289, la métropole de Saint-Etienne Métropole demande l'annulation de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces requêtes, relatives aux conséquences d'un même accident et dirigées contre un même jugement, pour statuer par un seul arrêt.
Sur les fins de non-recevoir opposées par Saint-Etienne Métropole et par la société Stéphanoise des eaux à la requête de M. A... :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ".
3. D'une part, la requête de M. A... ne se borne pas à reproduire sa demande au tribunal administratif mais soumet au juge d'appel, à l'appui de ses conclusions en annulation du jugement, un exposé des faits et moyens qui comporte une critique de ce jugement.
4. D'autre part, M. A... a, dans sa requête d'appel, déclaré son identité et indiqué son adresse, pour laquelle il a d'ailleurs justifié être titulaire d'un contrat auprès d'un fournisseur d'électricité. Ces indications, suffisantes pour permettre d'identifier sans ambiguïté le requérant, satisfont aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
5. Dès lors, les fins de non-recevoir soulevées par Saint-Etienne Métropole et la société Stéphanoise des eaux doivent être écartées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
6. En relevant que M. A... avait, dans sa demande, indiqué un domicile, conformément aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et qu'était sans incidence sur la recevabilité de celle-ci la circonstance, à la supposer établie, qu'il ne s'agirait pas du domicile réel de l'intéressé, les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse à la fin de non-recevoir qui avait été opposée par Saint-Etienne Métropole et la société Stéphanoise des eaux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité :
7. En vertu de l'article 4 du décret du 1er septembre 2017 portant création de la métropole dénommée " Saint-Etienne Métropole " ainsi que, d'une part, du b) du 2° du I de l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part, du a) du 5° du I de ce même article, Saint-Etienne Métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communes situées sur son territoire, l'entretien de la voirie et la signalisation ainsi que l'assainissement des eaux usées.
8. Il résulte des stipulations des article 7 et 20 du contrat de " concession du service assainissement ", conclu le 30 septembre 1992, pour une durée de trente ans, entre la ville de Saint-Etienne, aux droits de laquelle vient la métropole de Saint-Etienne Métropole, d'une part, et le groupement constitué par la société Compagnie générale des eaux et la société Lyonnaise des eaux-Dumez, aux droits desquelles vient la société Stéphanoise des eaux, d'autre part, que l'entretien de tous les ouvrages nécessaires au service d'assainissement, notamment ceux situés sur les voies publiques et leur dépendances, incombait à la société Stéphanoise des eaux.
9. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu du fait d'un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre cet ouvrage et le dommage dont il se plaint. La personne en charge de l'ouvrage public doit alors, pour s'exonérer de sa responsabilité, établir que celui-ci faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à la force majeure.
10. En cas de délégation limitée à la seule exploitation d'un ouvrage, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables au fonctionnement de l'ouvrage relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement appartient à la personne publique délégante. Ce n'est qu'en cas de concession d'un ouvrage public, c'est-à-dire de délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être recherchée par les tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage.
11. Il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation établie par un témoin de l'accident ainsi que du rapport circonstancié d'intervention du service départemental d'incendie et de secours de la Loire, que, le 3 février 2016 aux alentours de 14 heures 15, sur le trottoir de la rue des docteurs Charcot à Saint-Etienne, M. A... a fait une chute dans une bouche d'égout dont la plaque de protection, qui avait été mal refermée, s'est dérobée sous son poids lors de son passage. Il est constant que cet obstacle ne faisait l'objet, à la date de l'accident, d'aucune signalisation. S'il est vrai que le trottoir en question présente le caractère de dépendance de la rue dont Saint-Etienne Métropole avait, ainsi qu'il a été dit au point 7, en charge l'entretien, la bouche d'égout dans laquelle M. A... a fait une chute constituait un accessoire du réseau d'assainissement métropolitain, dont l'entretien incombait, ainsi qu'il a été dit au point 8, à la société Stéphanoise des eaux. Le dommage causé à M. A..., lié à l'absence de fermeture du couvercle posé sur le regard d'égout, est imputable au fonctionnement de l'ouvrage public que constitue le réseau d'assainissement. La société Stéphanoise des eaux, à qui l'ouvrage avait été concédé, a commis une négligence en s'abstenant de vérifier que la plaque de protection de la bouche donnant accès au réseau d'assainissement était correctement refermée, ce qui révèle un défaut d'entretien normal qui lui est entièrement imputable. Il n'est pas établi, ni même allégué, que M. A... ait commis une imprudence quelconque de nature à atténuer la responsabilité de la société Stéphanoise des eaux. Il suit de là, en l'absence d'insolvabilité de la société concessionnaire, qui n'est pas alléguée, que la responsabilité de Saint-Etienne Métropole, personne publique concédante, n'est pas engagée.
12. Il résulte de ce qui précède que Saint-Etienne Métropole est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à réparer les conséquences dommageables de l'accident causé à M. A....
13. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les conclusions subsidiaires présentées par M. A... et par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme devant le tribunal administratif de Lyon, tendant à la condamnation solidaire de Saint-Etienne Métropole et de la société Stéphanoise des eaux à les indemniser du dommage subi.
14. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 que M. A..., victime d'un accident dû à un défaut d'entretien normal du réseau d'assainissement entièrement imputable à la société Stéphanoise des eaux, est fondé à demander à celle-ci réparation des conséquences dommageables de son accident mais, en revanche, n'est pas fondé à rechercher la condamnation solidaire de Saint-Etienne Métropole, dont la responsabilité n'est pas engagée, hormis le cas d'insolvabilité de la société concessionnaire, qui n'est pas allégué en l'espèce.
En ce qui concerne les préjudices subis par M. A... :
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
15. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que M. A..., qui a retenu sa chute dans le regard d'égout à l'aide de ses bras, a développé, dans les suites de cet accident, une capsulite rétractile de l'épaule droite à l'origine de douleurs et d'une limitation des mouvements de l'épaule. Cette pathologie a nécessité une prise en charge médicale pour laquelle, compte tenu de l'absence d'amélioration avec les traitements mis en place, la réalisation d'une arthroscopie en 2018 était indiquée, selon l'expert. Contrairement à ce que soutient Saint-Etienne Métropole, il ne résulte pas de l'instruction que la lésion de l'épaule droite dont souffrait M. A... aurait eu une autre origine que sa chute survenue le 3 février 2016. En particulier, alors que l'intéressé bénéficiait d'un arrêt de travail depuis sa chute qui a été prolongé jusqu'au 27 février 2019, il n'est pas établi que la lésion dont il souffrait à l'épaule droite aurait été liée à son activité professionnelle. Le lien entre l'accident du 3 février 2016 et cette arthroscopie, ainsi que les bilans requis préalablement à la réalisation de cet acte chirurgical, est, dès lors, rapporté. Cette exploration, à visée à la fois diagnostique et thérapeutique, a été réalisée aux Etats-Unis le 9 juillet 2018, alors que M. A... résidait dans ce pays auprès de membres de sa famille. Contrairement à ce que soutient Saint-Etienne Métropole, la circonstance que M. A... aurait pu bénéficier de soins équivalents en France, où il a la qualité d'assuré social, est sans incidence sur la réparation des frais de santé à laquelle l'intéressé peut prétendre. Il a été pratiqué, au cours de ce geste, une synovectomie, un débridement et une décompression subacromiale. M. A... justifie, notamment par la production deux factures détaillées émises les 3 et 12 mars 2021 et accompagnées de leur traduction en français, que le coût, à la charge du patient, de l'arthroscopie et des examens associés, s'est élevé à la somme totale de 76 387,65 dollars. Ces factures sont, contrairement à ce qui est soutenu, explicites quant à la nature des dépenses de santé dont elles font état. En outre, il résulte de ces mêmes factures ainsi que d'une attestation, accompagnée de sa traduction, établie le 17 avril 2020 par le praticien qui a réalisé l'arthroscopie, que M. A... ne bénéficie pas d'une assurance maladie aux Etats-Unis et que les frais réclamés sont intégralement dus par l'intéressé. Si, à la date de l'arrêt, M. A... n'a pas fait l'avance de ces frais, la créance dont il fait état, justifiée notamment par les factures et relances de paiement qu'il produit, est certaine tant dans son principe que dans son montant. Il résulte des indications figurant sur les factures initiales émises par l'établissement de santé où M. A... a été pris en charge aux Etats-Unis que ces sommes étaient exigibles au 1er mars 2019. Il y a lieu d'évaluer l'indemnité due à M. A... en appliquant au montant du préjudice de 76 387,65 dollars le taux de change du dollar contre euro qui avait cours à la date d'exigibilité de cette somme, dès lors que le préjudice était connu dans toute son étendue et pouvait être évalué dès cette date. Par suite, les dépenses de santé à la charge de M. A... s'élèvent à la somme de 76 387,65 dollars, soit la somme de 67 106,55 euros, compte tenu de la parité (parité quotidienne donnée par la Banque de France) de 0,8785 euro pour un dollar à la date du 1er mars 2019. Il y a lieu, par suite, de condamner la société Stéphanoise des eaux à verser cette somme à M. A... au titre des dépenses de santé.
16. Si M. A... demande également à être indemnisé à hauteur de 380,55 euros au titre de frais restés à sa charge liés à des séances de kinésithérapie, il ne justifie pas, malgré une contestation en défense, de la réalité de ce préjudice.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :
17. L'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif a estimé que l'arrêt des séances de kinésithérapie au 7 janvier 2019 conduisait à fixer à cette date la consolidation de l'état de santé de M. A... en lien avec sa chute survenue le 3 février 2016, eu égard à la continuité des soins depuis l'accident. Au vu de ces indications fournies par l'expert, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient la société Stéphanoise des eaux, que la consolidation aurait dû être fixée à une date plus précoce.
18. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que M. A... a subi un déficit fonctionnel temporaire en lien avec sa chute évalué à 25 % du 3 février 2016 au 31 mai 2016, soit durant 119 jours, de 10 % du 1er juin 2016 au 8 juillet 2018, soit durant 768 jours, de 25 % du 9 juillet 2018 au 8 août 2018, soit durant 31 jours, et de 10 % du 9 août 2018 au 6 janvier 2019, soit durant 151 jours. Dans ces conditions, il y a lieu d'allouer à M. A... une somme de 1 700 euros au titre de ce préjudice.
19. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise, que M. A... a subi des douleurs évaluées à 1,5 sur une échelle 7, en lien avec la durée des soins et la nécessité de réaliser plusieurs arthroscopies. L'indemnité allouée au requérant à ce titre doit être fixée à la somme de 1 500 euros.
20. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. A..., né le 26 mars 1972, demeure atteint, depuis la consolidation de son état de santé, acquise alors qu'il était âgé de quarante-six ans, d'un déficit fonctionnel permanent de 8 %, en lien principalement avec l'atteinte de l'épaule droite, correspondant au membre dominant. Au vu de la limitation des mouvements de cette épaule droite constatée par l'expert et du lien qui est établi entre cette incapacité permanente et la chute de M. A..., le taux ainsi retenu n'est pas exagéré, contrairement à ce que soutient la société Stéphanoise des eaux. Compte tenu de ce taux et de l'âge de la victime, l'évaluation de ce préjudice doit être fixée à la somme de 10 000 euros.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la somme due par la société Stéphanoise des eaux à M. A... doit être fixée à 80 306,55 euros, avant déduction de l'indemnité provisionnelle de 13 500 euros allouée par l'ordonnance du 15 septembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon.
En ce qui concerne les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme :
22. Il résulte des écritures de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, étayées par le relevé définitif de ses débours et l'attestation d'imputabilité établie le 15 juillet 2020 par son médecin conseil, qu'elle justifie, contrairement à ce que soutient la société Stéphanoise des eaux, avoir déboursé, en lien direct avec l'accident du 3 février 2016, des frais médicaux et pharmaceutiques à hauteur de 2 228,44 euros, entre le 3 février 2016 et le 18 octobre 2017. Il y a lieu, par suite, de condamner la société Stéphanoise des eaux à verser cette somme à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
23. Il résulte des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le montant de l'indemnité forfaitaire qu'elles instituent est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Il y a lieu de condamner la société Stéphanoise des eaux à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 742,81 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur les frais liés au litige :
24. D'une part, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 800 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Lyon du 23 septembre 2019 à la charge définitive de la société Stéphanoise des eaux.
25. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Saint-Etienne Métropole, qui n'est pas la partie tenue aux dépens dans la présente instance, les sommes que M. A... et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. De même, M. A... n'étant pas la partie tenue aux dépens, les conclusions de Saint-Etienne Métropole présentées sur le même fondement doivent être rejetées. Enfin, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la société Stéphanoise des eaux, qui est la partie tenue aux dépens dans la présente instance, bénéficie du remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1908574 du 26 novembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La société Stéphanoise des eaux est condamnée à verser à M. A... une somme de 80 306,55 euros, de laquelle devra être déduite la somme provisionnelle de 13 500 euros allouée par l'ordonnance du 15 septembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : La société Stéphanoise des eaux est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 2 228,44 euros au titre de ses débours et une somme de 742,81 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Article 4 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 800 euros par une ordonnance du 23 septembre 2019 du président du tribunal administratif de Lyon, sont mis à la charge de la société Stéphanoise des eaux.
Article 5 : Le surplus de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions des parties présentées en appel sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la métropole de Saint-Etienne Métropole, à la société Stéphanoise des eaux et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne à la préfète de la Loire, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00249, 21LY00289