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25/05/2022 | FRANCE | N°20LY00600

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 25 mai 2022, 20LY00600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 20 mars 2017 et 7 juillet 2017 par lesquels le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Savoie a résilié d'office son engagement de sapeur-pompier volontaire.

Par un jugement n° 1702867, 1704806 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arr

êté du 20 mars 2017 présentées par M. D... et a rejeté le surplus des conclusi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 20 mars 2017 et 7 juillet 2017 par lesquels le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Savoie a résilié d'office son engagement de sapeur-pompier volontaire.

Par un jugement n° 1702867, 1704806 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 20 mars 2017 présentées par M. D... et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 février 2020 et 22 décembre 2020, M. D..., représenté par Me Salvisberg, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 décembre 2019 en ce qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 7 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2017 ;

3°) d'ordonner sa réintégration au grade de caporal-chef ;

4°) de condamner le SDIS de la Savoie à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

5°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge du SDIS de la Savoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu une inaptitude définitive, alors que seul son dossier médical a fait l'objet d'une étude ; l'avis d'inaptitude rendu par le docteur B...... le 5 octobre 2016 est irrégulier ; ce médecin aurait dû refuser la mission en application de l'article 27 de l'arrêté du 5 octobre 2016 ; de surcroît, il n'est pas ophtalmologiste ; la commission d'aptitude aux fonctions de sapeur-pompier volontaire ne l'a pas examiné et s'est contentée de confirmer la décision rendu le 5 octobre 2016 ; il en est de même pour la commission zonale d'aptitude du 8 février 2017 ; son état est consolidé depuis le 31 mars 2010 ;

- l'arrêté du 7 juillet 2017 est entaché d'un détournement de pouvoir dans la mesure où cet arrêté constitue en réalité une mesure de représailles suite à ses différents recours pour se voir reconnaître un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %, et ce d'autant que la décision d'inaptitude a été prise avant la commission d'aptitude qui s'est réunie le 17 novembre 2016, qu'il s'agit d'une décision d'inaptitude totale alors qu'il est apte sur des fonctions administratives ;

- le SDIS a commis une faute qui a généré un préjudice moral évalué à la somme de 2 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2020, le SDIS de la Savoie, représenté par la SCP Zribi et Texier, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen mettant en cause, par voie d'exception, la décision d'inaptitude du 5 octobre 2016, qui revêt le caractère d'une décision individuelle devenue définitive, n'est pas recevable ;

- en tout état de cause, le docteur A...... a confirmé cette décision, de sorte que l'irrégularité n'a pas influé sur le sens de la décision de résiliation de son engagement ou privé M. D... d'une garantie ;

- les moyens dirigés contre l'arrêté du 7 juillet 2017 sont infondés ;

- les conclusions indemnitaires du requérant sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux et, en tout état de cause, infondées en l'absence de faute.

Par ordonnance du 22 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de sécurité intérieure ;

- l'arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d'incendie et de secours ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Salvisberg pour M. D... et de Me Texier, pour le SDIS de la Savoie.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 février 2008, M. C... D..., sapeur-pompier volontaire, a été blessé à l'œil droit lors d'une manœuvre d'entraînement à l'extraction de véhicule. A la suite de cet accident de travail, M. D... a connu des troubles ophtalmologiques persistants, lesquels ont perduré, ont fait l'objet d'une rechute le 18 juin 2012 et ont finalement justifié une décision d'inaptitude médicale définitive, puis une résiliation d'office de son engagement de sapeur-pompier volontaire par un arrêté du 7 juillet 2017, retirant et remplaçant un précédent arrêté du 20 mars 2017. M. D... relève appel du jugement tribunal administratif de Grenoble du 12 décembre 2019 en ce qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigée contre l'arrêté du 7 juillet 2017.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 juillet 2017 :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 723-53 du code de sécurité intérieure : " L'autorité de gestion peut résilier d'office l'engagement du sapeur-pompier volontaire : 1° S'il ne satisfait plus à l'une des conditions prévues à l'article R. 723-7, après mise en œuvre, le cas échéant, des dispositions de l'article R. 723-47 ". L'article R. 723-7 du même code subordonne l'engagement d'un sapeur-pompier volontaire à des conditions d'aptitude physique et médicale définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité civile et correspondant aux missions effectivement confiées aux sapeurs-pompiers volontaires.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d'incendie et de secours : " (...) le sapeur-pompier volontaire (...) en position d'activité, doivent remplir les conditions d'aptitude médicale définies dans le présent arrêté pour participer aux missions et accomplir les fonctions qui leur sont dévolues. (...) ". Aux termes de l'article 2 de cet arrêté : " L'aptitude médicale du sapeur-pompier est prononcée par un médecin sapeur-pompier habilité /(...)/L'habilitation est subordonnée à l'acquisition d'une formation initiale ou continue à la détermination de l'aptitude médicale définie au présent arrêté ". Aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " L'évaluation médicale s'appuie sur un document d'orientation spécifique ou, à défaut, sur l'instruction en vigueur lors de cette évaluation n° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME rédigée par la direction centrale du service de santé des armées relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir en s'aidant de la cotation des sigles S, I, G, Y, C, O et P ". Aux termes de l'article 10 de l'arrêté du 6 mai 2000 : " Pour être maintenu en activité opérationnelle, les profils seuils exigés sont les suivants : 1° Pour un sapeur-pompier professionnel ou volontaire toute mission : Jusqu'à trente-neuf ans, profil B (...) ". Selon le tableau figurant à l'article 4 de cet arrêté, pour le sigle Y qui correspond aux yeux et à la vision, le profil B ne doit pas avoir un coefficient supérieur à 3.

4. Enfin, l'article 24 de cet arrêté prévoit que : " La confirmation de l'inaptitude ou de l'aptitude à poursuivre le service avec une activité adaptée doit faire l'objet, dans le délai maximum de deux mois, d'un examen du dossier du sapeur-pompier volontaire concerné par les membres de la commission d'aptitude aux fonctions de sapeur-pompier volontaire. ". Aux termes de l'article 25 de cet arrêté : " La décision de la commission d'aptitude aux fonctions de sapeur-pompier volontaire est susceptible de recours si, par l'intermédiaire de son médecin de centre, le sapeur-pompier demande l'avis d'une commission zonale d'aptitude aux fonctions de sapeur-pompier volontaire. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, le 5 octobre 2016, lors de la visite médicale de maintien en activité, M. D... a été déclaré inapte définitivement, après un examen de son acuité visuelle réalisé par le docteur B......, compte tenu d'une cotation 4 au sigle Y du SIGYCOP.

6. En premier lieu, M. D... soutient que l'avis d'inaptitude rendu par le docteur B...... le 5 octobre 2016 est irrégulier. Il fait valoir tout d'abord que ce médecin aurait dû refuser la mission en application de l'article 27 de l'arrêté du 5 octobre 2016, aux termes duquel : " conformément au code de déontologie médicale, et notamment ses articles 100 et 105, le médecin sapeur-pompier ne peut accepter une mission de contrôle ou d'expertise auprès d'un sapeur-pompier dont il est le médecin traitant, ou celui des membres de sa famille habitant avec lui ou affecté dans le même centre d'incendie et de secours. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le docteur B......n'est pas le médecin traitant de M. D.... La circonstance qu'il l'a consultée une fois en mai 2015, alors qu'elle effectuait un remplacement ponctuel pour une période de deux jours, ne suffit pas à établir la méconnaissance des dispositions citées au point précédent. En outre, il n'apparaît pas qu'elle serait affectée dans le même centre d'incendie et de secours. Si M. D... reproche également au docteur B...... de ne pas être ophtalmologiste, l'article 2 de l'arrêté du 6 mai 2000 autorise les médecins habilités, c'est-à-dire ceux qui ont acquis une formation à la détermination de l'aptitude médicale définie par cet arrêté, à se prononcer, sans exiger la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée. En tout état de cause, l'avis du le docteur B...... a été contresigné par le médecin-chef, le docteur A.......

8. En deuxième lieu, M. D... ne conteste pas l'existence et la pertinence de l'examen de l'acuité visuelle réalisé par le docteur B....... La vision de M. D... a été évaluée lors de cet examen à 6/10 pour chaque œil, avec la constatation d'une " baisse de l'acuité visuelle de loin ", ainsi qu'une " photophobie majeure sur sécheresse cornéenne " qu'il ne conteste pas. Le requérant ne produit aucun élément tendant à contredire la cotation 4 au sigle Y du SIGYCOP qui lui a été attribuée.

9. En troisième lieu, la production d'une copie d'écran du résultat de cette visite n'établit pas, contrairement à ce que soutient le requérant, qu'une décision confirmant son inaptitude aurait été prise sans attendre l'examen de son dossier par la commission d'aptitude aux fonctions de sapeur-pompier volontaire.

10. En quatrième lieu, comme l'ont relevé les premiers juges, M. D... a comparu devant la commission d'aptitude aux fonctions de sapeur-pompier volontaire sans présenter d'observations écrites ou fournir des certificats médicaux comme il en avait la possibilité. Il a été auditionné, le 8 février 2017, par la commission zonale d'aptitude aux fonctions de sapeur-pompier volontaire, composée notamment d'un médecin agréé ophtalmologue. En se bornant à soutenir que la commission d'aptitude aux fonctions de sapeur-pompier volontaire et la commission zonale d'aptitude du 8 février 2017 ne l'ont pas examiné, alors que les textes prévoient seulement l'examen du dossier du sapeur-pompier concerné, le requérant ne contredit pas sérieusement leurs conclusions.

11. En cinquième lieu, la résiliation de l'engagement volontaire de M. D... résultant de son inaptitude définitive, établie après un examen médical sérieux et selon des critères objectifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que constituerait en réalité une mesure de représailles suite aux différents recours exercés pour se voir reconnaître un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %,

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires de M. D..., fondées sur la prétendue illégalité fautive de l'arrêté du 7 juillet 2017, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du 7 juillet 2017, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. D... tendant à ce qu'il soit enjoint au SDIS de la Savoie d'ordonner sa réintégration au grade de caporal-chef ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le requérant demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge du SDIS de la Savoie, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du SDIS de la Savoie présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours de la Savoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au service départemental d'incendie et de secours de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Gilles Fédi

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00600
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-04-02-03 Collectivités territoriales. - Dispositions générales. - Services publics locaux. - Dispositions particulières. - Services d'incendie et secours.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL PADZUNASS SALVISBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-25;20ly00600 ?
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