Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet de sa demande d'admission au séjour ainsi que l'arrêté du 9 février 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2101550-2103339 du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2021, et un mémoire, enregistré le 31 janvier 2022, Mme B... épouse C..., représentée par Me Bey, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 février 2021 et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", subsidiairement de la munir d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
Sur le refus de titre de séjour :
- en écartant le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour alors qu'elle remplit les conditions de délivrance de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6§5 de l'accord franco-algérien le tribunal administratif de Lyon a entaché son jugement d'une erreur de droit ;
- c'est à tort que le jugement a écarté le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le tribunal administratif de Lyon a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant le caractère récent du mariage que le préfet n'avait d'ailleurs pas retenu ;
- les stipulations du §7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; le tribunal administratif de Lyon a omis de tenir compte du fait que la vie commune a débuté deux ans avant le mariage, même si le couple ne disposait pas un logement commun à la date à laquelle le mariage a été célébré ; elle établit les démarches entreprises pour son insertion professionnelle ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; elle assiste son époux, handicapé à 80 %, qui a besoin de l'aide d'une tierce personne et ne peut recourir à la procédure du regroupement familial ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours :
- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et notamment son article 41 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
- et les observations de Me Bey, représentant Mme B... épouse C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C..., ressortissante algérienne née le 31 janvier 1977, est entrée en France le 27 mai 2015. Le 20 avril 2018, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6 § 5 de l'accord franco-algérien susvisé. Après rejet implicite de sa demande né du silence gardé par le préfet du Rhône, celui-ci a par un arrêté du 9 févier 2021, expressément refusé de lui délivrer le certificat de résidence sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Par la présente requête, Mme B... épouse C... relève appel du jugement du 1er octobre 2021 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de la lecture même du jugement attaqué que celui-ci n'a pas omis d'examiner et de répondre à l'ensemble des moyens soulevés par la requérante en première instance. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté comme manquant en fait.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte :
En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :
3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
4. La requérante soutient qu'en ne se prononçant pas expressément sur sa demande d'admission au séjour du 20 juillet 2020, le préfet du Rhône ne lui a permis d'être entendue. Toutefois, s'agissant d'une demande adressée à l'autorité administrative compétente aux fins d'obtenir un certificat de résidence, les stipulations précitées de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent être utilement invoquées. Au surplus une décision expresse de rejet, intervenue postérieurement, s'est substituée à la décision implicite à l'encontre de laquelle les conclusions présentées en première instance par la requérante ont été jugées à bon droit irrecevables et par suite écartées par le jugement attaqué. Le moyen, inopérant à l'encontre du refus d'admission au séjour, ne peut, par suite, qu'être écarté.
5. Aux termes de de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;(...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Mme B... épouse C... se prévaut d'une vie privée et familiale en France, où elle soutient résider depuis six années à la date de la décision attaquée, de sa vie commune avec son époux, un compatriote titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'en 2025 qui a, compte tenu de son handicap, besoin d'assistance au quotidien pour accomplir les gestes de la vie courante, pour soutenir qu'elle entre dans le cas prévu à l'article 6 § 5 de l'accord franco-algérien lui ouvrant droit au bénéfice, de plein droit, d'un certificat de résidence. Si elle reconnaît entrer dans la catégorie ouvrant droit au regroupement familial elle se prévaut d'un précédent refus, au motif de sa présence sur le territoire français, et de la nécessité pour son époux de sa présence pour l'assister justifiant une régularisation. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'une telle assistance ne pourrait être apportée par une tierce personne le temps de la procédure de regroupement familial. En outre, à supposer établie la vie commune avant la date du mariage avec un compatriote le 18 novembre 2017, la vie privée et familiale de Mme B... épouse C... en France demeure récente. La requérante ne fait état d'aucun obstacle de nature à empêcher la reconstitution de la cellule familiale dans son pays d'origine où elle conserve des attaches familiales. La poursuite d'un protocole de procréation médicalement assistée, à la supposer établie, n'est pas de nature à démontrer qu'en refusant son admission au séjour le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'accord franco-algérien et porté une atteinte disproportionnée à son droit au respecte de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En se bornant à se prévaloir de son mariage et de l'état de santé de son époux, elle ne fait pas état de considération humanitaire ou de motif exceptionnel de nature à justifier une mesure de régularisation. Par suite, c'est sans erreur manifeste d'appréciation de sa situation que le préfet du Rhône ne l'a pas admise à titre exceptionnel au séjour.
9. Il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 6 et 7 bis) de l'accord franco-algérien susvisé, équivalentes à celles des articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces dispositions.
10. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés notamment au point 7, dans la mesure où Mme B... épouse C... entre dans la catégorie ouvrant droit au regroupement familial, elle ne peut bénéficier de plein droit du certificat de résidence sollicité sur le fondement des stipulations de l'article 6 § 5 de l'accord franco-algérien, et, par suite, le préfet du Rhône n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande d'admission au séjour.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours :
11. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, la requérante n'est pour les motifs qui précèdent pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision refusant son admission au séjour à l'encontre de la mesure d'éloignement dans le délai de 90 jours accordé. Pour les motifs exposés aux points 7 et 8, la requérante ne démontre pas qu'en assortissant le rejet de sa demande d'admission au séjour d'une mesure d'éloignement en accordant un délai de départ volontaire, le préfet du Rhône aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour et de la mesure d'éloignement avec délai de départ volontaire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination en cas d'exécution d'office.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2022.
La rapporteure,
E. Conesa-Terrade
Le président,
F. Pourny La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03455