Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Vulcanic à la licencier.
Par jugement n° 1902222 lu le 30 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête et mémoire enregistrés les 7 septembre 2020 et 17 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Si Hassen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de l'employeur ne vise aucun de ses mandats et la décision attaquée ne vise que le mandat de membre de la délégation unique du personnel ;
- elle n'a pas été destinataire des pièces visées en page 3 de la demande de licenciement de l'employeur ;
- l'autorité administrative n'a pas recherché si le licenciement envisagé était en rapport avec ses mandats, en méconnaissance des articles R. 2421-7 et R. 2421-16 du code du travail ;
- le licenciement envisagé est en lien avec ses mandats, eu égard aux stratagèmes adoptés à l'égard du médecin du travail ;
- l'employeur a méconnu son obligation de recherche de reclassement.
Par mémoire enregistré le 23 avril 2021, la société Vulcanic, représentée par Me Cayla-Destrem, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observations.
Par ordonnance du 18 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. En 2000, Mme B... a été recrutée sous contrat à durée indéterminée en qualité d'agent d'atelier par la société Vulcanic qui est spécialisée en électrothermie industrielle. Alors qu'elle était investie du mandat de déléguée du personnel, elle a été placée en arrêt de travail. Le médecin du travail ayant estimé, par avis du 13 mars 2019, qu'elle était inapte à son poste, son employeur a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement, à laquelle il a été fait droit par décision du 29 mai 2019. Mme B... relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail.
2. Pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Il appartient dès lors à l'employeur de porter à sa connaissance l'ensemble des mandats détenus par l'intéressée.
3. La demande formée par la société Vulcanic, le 7 mai 2019, si elle ne mentionne pas le mandat détenu par la salariée, comporte en annexe le procès-verbal de l'élection à la délégation unique du personnel de Mme B... en tant que membre titulaire. L'inspecteur du travail a ainsi été informé du mandat dont celle-ci était investie, ainsi qu'en attestent les visas de la décision en litige. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ait été investie d'un mandat de déléguée syndicale au 22 mai 2019.
4. Aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) ". Si le caractère contradictoire de l'enquête administrative implique de mettre à même le salarié de prendre connaissance, en temps utile, de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement ainsi que des éléments déterminants qui ont pu être recueillis par l'inspecteur du travail au cours de l'instruction de cette demande, il n'impose pas à l'administration de lui communiquer, de sa propre initiative ou dans tous les cas, l'ensemble de ces pièces et éléments.
5. Mme B... a été convoquée par courrier du 16 mai 2019 par l'inspecteur du travail en vue d'une enquête contradictoire, le 24 mai 2019. Ce courrier porte à sa connaissance la demande d'autorisation de licenciement et la liste des documents qui lui sont annexés, lui précise que ces pièces doivent lui permettre de préparer utilement sa participation à l'enquête et qu'elle peut accéder aux pièces jointes à la demande. Mme B... a eu la possibilité soit de consulter l'ensemble des pièces de la demande d'autorisation de licenciement déposée le 7 mai 2019 par son employeur, soit de demander une copie des pièces jointes à cette demande, notamment le compte-rendu de la réunion de la délégation unique du personnelle du 20 mars 2019 et le compte-rendu de la réunion de cette délégation du 2 mai 2019. Elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le caractère contradictoire de l'enquête n'aurait pas été respecté.
6. Aux termes de l'article L. 1226-12 du code du travail : " Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie (...) de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le médecin du travail, par avis rendu le 13 mars 2019 devenu définitif, a déclaré Mme B... inapte à son poste et a expressément indiqué que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de reclassement doit être écarté.
8. Si l'autorité administrative doit vérifier que l'inaptitude du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale.
9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a examiné si la demande d'autorisation de licenciement était en lien avec le mandat de Mme B..., pour en déduire que la demande de licenciement est étrangère à l'exercice du mandat de membre titulaire de la délégation unique du personnel détenu par l'intéressée. Une absence de lien avec le mandat pouvant être exprimée autrement que par le constat de cette absence, cette mention ne révèle pas de défaut d'examen de la protection due aux fonctions représentatives.
10. D'autre part, Mme B... n'apporte pas d'éléments circonstanciés de nature à établir que son employeur aurait cherché à l'évincer des réunions de la délégation unique du personnel depuis son arrêt de travail du 28 février 2017. Enfin, si deux avis d'inaptitude émis, le 4 mars 2019, concluent l'un à une aptitude à un autre poste avec prescriptions, l'autre (annulant le précédent) à une inaptitude totale et définitive, troisième avis d'inaptitude émis le 13 mars 2019 confirme le caractère préjudiciable pour la santé de l'intéressée de son maintien dans l'entreprise. Il ne ressort pas des échanges entre l'employeur et le médecin du travail que le premier ait tenté d'influencer le second afin d'obtenir un avis d'inaptitude pour pouvoir engager un licenciement reposant sur des motifs syndicaux. Par suite, l'inspecteur du travail a pu, sans illégalité, autoriser le licenciement au motif qu'un tel lien n'était pas établi.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 29 mai 2019. Par suite, les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les conclusions présentées par Mme B..., partie perdante, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Vulcanic.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Vulcanic au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société Vulcanic.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 20LY02609 2
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