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19/05/2022 | FRANCE | N°20LY01379

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 mai 2022, 20LY01379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ainsi que des pénalités correspondantes, de prononcer la décharge de l'impôt sur les plus-values des particuliers acquitté pour un montant de 442 264 euros, de les indemniser d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ainsi que des pénalités correspondantes, de prononcer la décharge de l'impôt sur les plus-values des particuliers acquitté pour un montant de 442 264 euros, de les indemniser du préjudice subi du fait de la procédure et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801684 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 avril 2020, 25 janvier 2021 et 8 février 2022, M. et Mme B..., représentés par la Selarl Brocard avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 février 2020 ;

2°) de leur accorder la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- le jugement attaqué est irrégulier pour méconnaissance du principe du contradictoire en raison du trop court délai, de trois jours ouvrés, qui leur a été laissé pour répondre à deux moyens soulevés d'office par le tribunal ;

- le jugement attaqué est irrégulier pour leur avoir opposé à tort une irrecevabilité tenant à l'absence de réclamation préalable alors que leurs conclusions aux fins de décharge ne relèvent pas de la réclamation contentieuse mais du mécanisme de la compensation fiscale de recouvrement opérée par l'administration, en application de l'article L. 257 B du livre des procédures fiscales ;

- la procédure d'imposition est irrégulière, l'existence d'une société de fait n'étant pas caractérisée ;

- le 2 février 2017, leur conseil, Me Brocard, ayant qualité pour déposer la demande, a, sur le fondement de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, déposé en mains propres une demande de communication des éléments obtenus par l'administration auprès de tiers. Les éléments demandés ne leur ont jamais été communiqués, ce qui entache la procédure d'irrégularité ;

- l'existence d'une activité de marchand de biens n'est pas davantage caractérisée en l'absence de caractère habituel et d'intention spéculative, conditions prévues par l'article 35 du code général des impôts pour les bénéfices industriels et commerciaux et, par voie de conséquence, pour la taxe sur la valeur ajoutée ;

- au fond, l'existence d'une société de fait n'est pas caractérisée, l'administration confondant l'institution sociétale et le mariage ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;

- une compensation doit être effectuée entre l'impôt initialement payé et le montant des impôts et taxes sur le chiffre d'affaire rappelés.

Par des mémoires enregistrés les 28 décembre 2020 et 9 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- le délai laissé aux parties était suffisant et en outre, la décision rendue par le tribunal n'est pas fondée sur les moyens d'ordre public soulevés ;

- le service vérificateur a démontré l'existence d'une société créée de fait entre les époux B... ; de plus, les propositions de rectifications et la réponse aux observations du contribuable sont parfaitement motivées au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- le courrier de demande de communication de pièces dont les requérants se prévalent, bien que revêtu du tampon de la 1ère brigade départementale de vérification de Bellegarde, en charge du contrôle, n'a pas été remis à une personne issue de ce service ; le contribuable n'a donc pas pris les précautions nécessaires lui permettant de s'assurer de la remise effective du courrier au bon interlocuteur, à savoir le vérificateur, un de ses collègues de brigade ou le chef de brigade ;

- l'existence d'une activité de marchand de biens est caractérisée ;

- les éléments constitutifs du contrat de société sont établis ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées ;

- la demande de compensation sollicitée par les requérants est acceptée ; il est en conséquence prononcé un dégrèvement à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, correspondant au montant de l'impôt sur les plus-values acquitté par M. et Mme B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de Me Berthier de Bortoli, représentant M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. En 2012 et 2013, M. et Mme B... ont procédé à la vente de quatre terrains lotis qu'ils avaient acquis en 2009. L'administration ayant estimé, qu'au titre de ces opérations, les intéressés avaient exercé, sous la forme d'une société créée de fait, une activité non déclarée de lotisseurs et marchands de biens, M. et Mme B... ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle, par deux propositions de rectification du 9 décembre 2015, l'administration leur a notifié des rectifications en matière de bénéfices industriels et commerciaux pour les années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 28 décembre 2020, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration a prononcé un dégrèvement à hauteur de 664 202 euros correspondant au montant de l'impôt sur les plus-values acquitté par M. et Mme B.... Les conclusions de la requête de M. et Mme B... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions :

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "

4. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

5. Il résulte de l'instruction, en particulier des termes de la proposition de rectification du 9 décembre 2015 adressée à M. et Mme B..., que pour caractériser l'activité de marchands de biens exercée au moyen d'une société créée de fait et asseoir les ventes des terrains dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et soumettre ces ventes à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration s'est fondée sur des renseignements obtenus auprès de tiers par le biais de son droit de communication. Le vérificateur a également précisé, dans cette proposition de rectification que, conformément aux dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, une copie de ces documents serait communiquée aux intéressés s'ils en faisaient la demande.

6. Les requérants produisent, pour la première fois devant la cour, un courrier daté du 2 février 2017, rédigé par leur conseil, Me Brocard, et remis en mains propres à la Brigade Départementale de Vérification de Bellegarde-sur-Valserine, service vérificateur en charge de l'affaire. Ce document mentionne qu'il a pour objet " une demande de communication des éléments obtenus dans le cadre de vos droits de communication " et vise l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Il comporte, sur le recto et le verso, le cachet du service accompagné d'une signature. Les requérants font valoir que cette signature correspond à celle de M. D..., inspecteur de la 1ère brigade de vérification de Bellegarde-sur-Valserine, collègue de M. C..., qui a mené la procédure de contrôle. Ils expliquent que M. D... a reçu Me Brocard, le jeudi 2 février 2017 dans les locaux de l'administration fiscale à Bellegarde sur Valserine, dans le cadre d'un entretien sur un autre dossier et que Me Brocard a remis le même jour, en mains propres, la demande de communication précitée, présentée sur le fondement de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Ils produisent des documents tendant effectivement à démontrer que, contrairement à ce que prétend le ministre, Me Brocard a bien rencontré M. D..., ce jour-là dans les locaux de l'administration. Enfin, ils produisent également des documents signés par M. D... comportant des signatures similaires à celle du document litigieux. Si le ministre met en doute l'authenticité de cette pièce, il ne le démontre pas en se bornant à faire valoir qu'il n'aurait jamais été en possession de ce document, que l'administration aurait l'habitude de porter certaines mentions sur les actes remis en mains propres, que le courrier mentionne le nom et la signature d'un juriste du cabinet qui n'était pas présent à l'entretien ce jour-là et que la production de ce courrier à l'instance serait liée à l'échec de la tentative de transaction engagée par les requérants. Ainsi, en produisant ce courrier valablement signé, daté et réceptionné par le service compétent en charge du contrôle, les requérants établissent que l'administration a bien été destinataire, avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, d'une demande de communication des documents sur lesquels les rectifications proposées ont été fondées. Il est constant que cette demande est restée sans réponse. En s'abstenant de répondre à cette demande de communication, dont les termes étaient suffisamment précis, et qui pouvait légalement lui être remise en mains propres et non uniquement par envoi postal avec accusé de réception, l'administration n'a pas satisfait aux obligations qui lui incombaient en vertu des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, ni de statuer sur la régularité du jugement, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ainsi que des pénalités correspondantes restant en litige.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B... à concurrence de la somme dégrevée de 664 202 euros.

Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ainsi que des pénalités correspondantes restant à leur charge.

Article 3 : Le jugement du 4 février 2020 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Le Frapper, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.

La présidente-rapporteure,

P. Dèche

L'assesseure la plus ancienne,

M. E...,

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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