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17/05/2022 | FRANCE | N°20LY00367

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 17 mai 2022, 20LY00367


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les consorts B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2018 par lequel la maire de Megève a accordé à M. C... un permis de construire, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1901381 du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 19 juillet 2018 de la maire de Megève.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2020, et un mémoire, enregistré le 2

2 juin 2021, qui n'a pas été communiqué, M. et Mme C..., représentés par Me Jacques, demandent à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les consorts B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2018 par lequel la maire de Megève a accordé à M. C... un permis de construire, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1901381 du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 19 juillet 2018 de la maire de Megève.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2020, et un mémoire, enregistré le 22 juin 2021, qui n'a pas été communiqué, M. et Mme C..., représentés par Me Jacques, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2019 ;

2°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge des consorts B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement doit être annulé du fait qu'il n'y a pas violation de l'article UH 12 du plan local d'urbanisme dès lors que l'article L. 431-9 du code de l'urbanisme était inapplicable voire inopérant ;

- il n'y avait dans les écritures des requérants de première instance aucune démonstration d'une quelconque violation par le projet de l'article UH 12 du règlement du plan local d'urbanisme ; le tribunal a donc statué ultra petita ;

- si le tribunal considérait qu'il y avait violation de l'article UH 12, le jugement n'est pas motivé sur ce point car il n'indique pas quelle serait la nature de cette violation et le nombre de places nécessaires.

Par un mémoire enregistré le 24 février 2020, les consorts B..., représentés par Me Gonand, concluent au rejet de la requête et demandent de mettre une somme de 3 000 euros à la charge des époux C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté avait bien pour objet de régulariser un changement de destination qui, à l'époque de son intervention, nécessitait l'obtention préalable d'un permis de construire ;

- le permis de construire doit être annulé pour violation de l'article UH 12 du règlement du plan local d'urbanisme de Megève ;

- l'arrêté doit être annulé en tout état de cause pour méconnaissance du e) de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme ;

- en ce qui concerne le mazot, la prescription administrative ne peut trouver à s'appliquer et l'arrêté attaqué a été adopté en violation tant de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme que de l'article UH 12 du règlement du plan local d'urbanisme de Megève ;

- le défaut de déclaration du mazot dans le dossier de demande de permis de construire en tant que logement au sein de la copropriété a faussé l'appréciation de la commune et l'a induite en erreur pour l'application de l'article UH 12 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le permis de construire a été obtenu par fraude.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 mars 2022, par une ordonnance en date du 2 mars 2022.

Par courrier du 9 novembre 2021, les parties ont été informées que la cour était susceptible de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre l'intervention d'une mesure de régularisation sur le vice tiré de la méconnaissance de l'article UH 12 du règlement du PLU.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Jacques pour M. et Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts B..., propriétaires indivis d'un chalet situé contestent le permis de construire délivré le 19 juillet 2018 à leur voisin immédiat, M. C.... L'arrêté contesté retient que la demande porte, d'une part, sur la surélévation et l'extension d'un garage afin de créer un logement, portant la surface de plancher existante de 270 à 372 m² et, d'autre part, a également pour objet de " régulariser la transformation d'un chalet individuel en bâtiment à usage d'habitation collective composé de quatre appartements " portant ainsi d'un à cinq le nombre total de logements du projet. L'arrêté indique que le projet méconnaît ainsi les dispositions de l'article 12 UH relatives au stationnement mais que ce motif de refus ne peut être opposé, par application des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme, anciennement L. 111-12 du même code, dès lors que les travaux de transformation du chalet existant datent de plus de dix ans. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 28 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 19 juillet 2018 de la maire de Megève.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le point 5 du jugement en litige retient que la commune ne pouvait faire application des dispositions de l'article L.431-9 du code de l'urbanisme pour ne pas s'opposer à la délivrance du permis de construire mais ne précise pas en quoi les dispositions de l'article 12 UH du plan local d'urbanisme sont méconnues. Le jugement est ainsi entaché d'une insuffisance de motivation. Le jugement doit, pour ce motif, être annulé. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de la demande.

Sur les conclusions dirigées contre la décision d'autorisation de permis :

3. Trois constats d'huissier relatifs à l'affichage sont produits aux débats, dont le premier date du 10 septembre 2018. Aucune autre pièce ne tend à établir un affichage antérieur. Les consorts B... ont introduit un recours gracieux contre le permis de construire en litige par un courrier du 31 octobre 2018, réceptionné le 2 novembre suivant, qui a valablement interrompu le délai de recours contentieux de deux mois. Ce recours gracieux a été implicitement rejeté. Par suite, la requête, introduite le 1er mars 2019 n'est pas tardive.

4. Aux termes des dispositions de l'article 12 UH du règlement du PLU relative aux places de stationnement : " Il est exigé au minimum et pour toute opération de 1 à 2 logements : dans l'ensemble de la zone UH et ses périmètres : 2 places par logement, de plus de 2 logements : (...) dans le secteur UH2 : 2 places de stationnement par logement dont au moins 75 % intégrées dans le volume de la construction. Il n'est accepté plus de 2 portes de garage en RDC par construction, et les places extérieures de stationnement devant ces portes sont interdites ". Les consorts B... soutiennent que le défaut de déclaration du mazot dans le dossier de demande de permis de construire en tant que logement a faussé l'appréciation de la commune et l'a induite en erreur pour l'application de l'article UH 12 du règlement du plan local d'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'acte de vente du 28 décembre 2011 que M. et Mme C... sont propriétaires sur l'entité foncière d'un mazot et d'un bâtiment à usage de garage. La notice descriptive de la demande du permis de construire en litige indique que le garage comportait initialement deux places de stationnement et que le projet consiste en la création d'un logement par surrélévation du bâtiment et en l'extension de la zone de garage et précise qu'il existera in fine deux places dans le garage et une à l'extérieur. Si, en tout état de cause, il apparait sur le plan de masse au total huit places de stationnement extérieures sur le même tènement qui comprend aussi une autre construction comprenant quatre logements appartenant à d'autres propriétaires, aucune justification sur l'affectation de ces places de stationnement aux différents membres de la copropriété n'est précisée. En ne déclarant pas le mazot dans le dossier de demande de permis de construire alors que celui-ci comprend déjà un logement qui doit être pris en compte pour la détermination du nombre de places de stationnement, M. et Mme C... ont commis une fraude qui n'a pas permis aux services instructeurs d'apprécier le respect des dispositions précitées de l'article 12 UH du règlement du PLU.

5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 19 juillet 2018 n'apparaît, en l'état de l'instruction, susceptible d'en fonder l'annulation.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

6. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "

7. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

8. Toutefois, lorsque l'autorité administrative, saisie d'une demande ne portant pas sur l'ensemble des éléments qui devaient lui être soumis, a illégalement accordé l'autorisation de construire qui lui était demandée au lieu de refuser de la délivrer et de se borner à inviter le pétitionnaire à présenter une nouvelle demande portant sur l'ensemble des éléments ayant modifié ou modifiant la construction par rapport à ce qui avait été initialement autorisé, cette illégalité ne peut être regardée comme un vice susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ou d'une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du même code.

9. Le vice affectant le permis de construire, relevé au point 4 du présent arrêt, relatif à la fraude commise par les requérants sur l'objet de la demande, ne peut être regardé comme un vice susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, ou d'une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du même code. Par suite, il n'y pas lieu de retenir l'application de ces dispositions.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts B... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 19 juillet du maire de Megève.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M et Mme C... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge des consorts B..., qui ne sont pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M et Mme C... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts B....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté de la maire de Megève du 19 juillet 2018 est annulé.

Article 3 : M. et Mme C... verseront la somme de 2 000 euros aux consorts B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et à M. A... B... pour les intimés.

Copie en sera adressée à la commune de Megève.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2022.

Le rapporteur,

François Bodin-Hullin

La présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, à la ministre de la transition écologique et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00367


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00367
Date de la décision : 17/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LEGA-CITE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-17;20ly00367 ?
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