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03/05/2022 | FRANCE | N°20LY03764

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 03 mai 2022, 20LY03764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon (HCL) à leur verser des sommes de 66 113,25 euros, pour M. A..., et de 5 000 euros, pour Mme A..., assorties des intérêts de droit au taux légal à compter du 15 mars 2019, avec anatocisme à compter du 15 mars 2020, et de condamner les Hospices civils de Lyon au remboursement des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1904619 du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamn

les Hospices civils de Lyon à verser à M. B... A... la somme de 20 202,92 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon (HCL) à leur verser des sommes de 66 113,25 euros, pour M. A..., et de 5 000 euros, pour Mme A..., assorties des intérêts de droit au taux légal à compter du 15 mars 2019, avec anatocisme à compter du 15 mars 2020, et de condamner les Hospices civils de Lyon au remboursement des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1904619 du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser à M. B... A... la somme de 20 202,92 euros, à verser à Mme C... D... épouse A... la somme de 500 euros, sommes portant intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2019, et assorties de la capitalisation des intérêts échus au 15 mars 2020 et à chaque échéance annuelle suivante, mis à la charge définitive des Hospices civils de Lyon les frais d'expertise et le versement d'une somme de 1 400 euros à M. et Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Georges Maury et Me Antoine Maury, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 27 octobre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon au versement d'une somme totale de 66 113,25 euros à M. A... en réparation des préjudices qu'il a subis et au versement d'une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice personnel subi par Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'indication opératoire d'une arthrodèse lombaire étendue, inadaptée au patient eu égard à son âge, constitue un choix thérapeutique fautif qui a eu pour conséquence d'allonger le temps opératoire et d'augmenter le matériel mis en place, facteurs de risques de la survenance d'une infection nosocomiale, et à l'origine du déficit fonctionnel permanent de 15 % imputable selon les experts à l'opération ; cette faute engage la responsabilité des HCL et justifie l'indemnisation de ce préjudice ;

- subsidiairement, le défaut d'information, retenu par les premiers juges, ne se limitait pas au seul risque infectieux de l'intervention, mais, compte tenu de l'existence d'une alternative thérapeutique, est à l'origine d'une perte de chance de renoncer à la chirurgie d'arthrodèse étendue, en l'absence d'information sur le risque d'atteinte fonctionnelle de raideur rachidienne propre à cette technique opératoire par rapport à une simple chirurgie de décompression moins invasive ;

- la perte de chance d'échapper au risque qui s'est réalisé justifie l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire de 15 % à proportion d'un taux de perte de chance qui ne saurait être inférieur à 70 % ;

- les premiers juges ont sous-évalué le dommage subi ouvrant droit à réparation ;

- les préjudices de M. B... A... justifient l'octroi des sommes suivantes :

* 10 000 euros au titre du préjudice d'impréparation, à raison de la survenance inattendue d'une infection post-opératoire d'une chirurgie très étendue du rachis ;

* 3 171,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, compte tenu de l'évaluation des experts ;

* 14 000 euros au titre des souffrances endurées, estimées à 4 sur une échelle de 7 par l'expert, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au titre du préjudice d'impréparation ;

* 4 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, évalué à 3 sur une échelle de 7 ;

* 17 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, tenant pour 5 % à l'infection et pour 15 % à l'indication chirurgicale erronée ;

* 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent, quantifié à 1 sur une échelle de 7 par l'expert ;

* 1 500 euros au titre du préjudice d'agrément, à raison de l'impact des atteintes fonctionnelles sur son activité de loisir qu'est la promenade ;

* 13 192 euros au titre du besoin d'assistance par tierce personne du 10 mai 2016 au 1er juin 2017 à raison de deux heures journalières, expressément arrêtées par les conclusions expertales ;

* 1 000 euros au titre des frais d'aménagement du domicile, conformément aux conclusions expertales ;

- l'épouse de la victime directe a droit à 5 000 euros au titre de son préjudice moral, et d'accompagnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2021, les Hospices civils de Lyon concluent au rejet de la requête.

Ils exposent qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé :

- le choix thérapeutique retenu n'est pas fautif ;

- aucune perte de chance ne peut être retenue, compte tenu de l'absence d'alternative thérapeutique au regard des troubles dont le patient souffrait ;

- le risque infectieux est inhérent au geste chirurgical et n'a pas conduit le patient dûment informé de sa possible survenu, à renoncer à l'opération ;

- l'intervention chirurgicale a été réalisée dans les règles de l'art ;

- le caractère nosocomial de l'infection est établi ;

- l'indemnisation des préjudices retenue par les premiers juges est conforme à la jurisprudence ;

- l'existence d'un préjudice d'agrément n'est pas établie compte tenu de l'état initial du patient dont les troubles réduisaient son périmètre de marche à moins de cent mètres.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Maury, représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 29 décembre 1935, a subi 16 février 2016, à l'hôpital Pierre Wertheimer de Bron, établissement dépendant des Hospices civils de Lyon (HCL), une arthrodèse pour stabilisation des vertèbres T11-S1. Après rejet de leur réclamation indemnitaire, M. A... et son épouse, recherchant la responsabilité pour faute de l'établissement hospitalier dans la prise en charge de M. A..., victime d'une infection nosocomiale, ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à les indemniser des préjudices qu'ils estiment imputables à cette intervention. Par la présente requête, ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon ne leur a donné que partiellement satisfaction.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de l'établissement hospitalier :

2. En appel, au soutien de leur contestation du jugement attaqué, les requérants reprochent aux premiers juges d'avoir exclu l'existence d'une faute dans l'indication opératoire. Ils persistent à considérer comme fautive l'indication opératoire d'arthrodèse étendue eu égard à l'âge avancé du patient et reprochent aux Hospices civils de Lyon un défaut d'information sur les alternatives possibles à l'indication thérapeutique retenue à laquelle ils imputent les préjudices dont ils demandent réparation, à l'origine d'une perte de chance d'éviter le dommage qui s'est réalisé.

S'agissant de l'infection nosocomiale :

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ". Eu égard à leur objet, il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge, lorsqu'il ressort des pièces du dossier qui lui est soumis que les conditions en sont remplies, de relever d'office le moyen tiré de la responsabilité de plein droit qu'elles instituent.

4. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont d'abord rappelé qu'il résultait de l'instruction et notamment du rapport déposé à l'issue de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon confiée à un infectiologue et, en qualité de sapiteur à un neurochirurgien, que, alors que les suites opératoires avaient été simples, M. A... avait été victime d'une infection causée par le germe pseudomonas aeruginosa, ou bacille pyocyanique, identifié en mars 2016 lors de prélèvements au niveau de la cicatrice et d'hémocultures réalisées suite à une hyperthermie. Les experts ont conclu que cette infection résultait d'une probable contamination par l'eau de la douche au sein de l'hôpital Pierre Wertheimer où M. A... a été hospitalisé pour subir une arthrodèse. En appel, les Hospices civils de Lyon ne contestent pas que, dans ces conditions, leur responsabilité est engagée de plein droit, et non pour faute, et qu'ils doivent ainsi être condamnés à réparer les conséquences dommageables causés par cette infection nosocomiale.

S'agissant de l'indication thérapeutique :

5. Il résulte de l'instruction et notamment des documents médicaux versés au dossier dans le cadre de l'expertise, que M. A..., alors âgé de 80 ans, présentait avant l'intervention litigieuse un tableau de douleurs lombo-radiculaires chroniques invalidantes dans le cadre d'un rachis dégénératif multi étagé avec sténose canalaire associée, et cruralgie déficitaire, ayant un retentissement majeur avec périmètre de marche de 100 mètres. Compte tenu du caractère très invalidant de sa pathologie, une arthrodèse a été proposée à M. A.... Si, s'agissant de l'indication thérapeutique d'une telle intervention dans ce contexte clinique, il ressort du rapport que les experts se sont interrogés sur la nécessité de réaliser un tel montage imposant un allongement de la durée de l'intervention et la mise en place d'un matériel volumineux, alors qu'une technique plus simple de décompression destinée à soulager la radiculalgie du côté gauche, moins invasive et plus rapide était envisageable, il résulte de l'instruction qu'une chirurgie de décompression serait restée sans effet sur les lombalgies dont souffrait principalement le patient. Dans ces conditions, seule l'option de l'arthrodèse destinée à la stabilisation du rachis lombosacré chez ce patient était susceptible d'améliorer les douleurs lombaires invalidantes limitant son périmètre de marche. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que le bien-fondé de l'indication opératoire retenue par le chirurgien aux termes d'une analyse bénéfice-risque, ne serait pas rapporté. Par suite, et eu égard à l'état initial du patient, l'indication thérapeutique d'une chirurgie d'arthrodèse, bien qu'atypique au regard de son âge avancé, ne présentait en l'espèce aucun caractère fautif susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement hospitalier.

S'agissant de l'information préalable au consentement :

6. Aux termes de l'article L. 1112-1 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...). /Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. Ce n'est que dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent écarter l'existence d'une perte de chance. Le manquement au devoir d'information ouvre droit à réparation évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. La souffrance morale endurée par le patient en découvrant, sans y avoir été préparé, les conséquences dommageables d'un acte médical, donne également lieu à réparation.

7. Se fondant sur les termes du compte-rendu de consultation pré-opératoire, les requérants reprochent à l'établissement hospitalier d'avoir manqué à son devoir d'information, garanti par les dispositions précitées de l'article L. 1112-1 du code de la santé publique, en omettant d'informer le patient de l'existence de la chirurgie de décompression comme alternative thérapeutique plus légère et moins invasive que l'arthrodèse. Ce manquement fautif est, selon eux, à l'origine d'une perte de chance, qu'ils évaluent à 70 %, d'échapper à l'allongement de la durée de l'intervention et à la mise en place d'un matériel volumineux. Toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont relevé les premiers juges en se fondant sur le rapport d'expertise, que le patient a été dûment informé de la nature de l'intervention chirurgicale de l'arthrodèse, de la durée prévisible de l'hospitalisation, des risques opératoires à l'exception du risque infectieux, de l'alternative qu'aurait pu constituer une chirurgie de décompression et du bilan bénéfice / risque escompté. S'il est constant que l'établissement hospitalier a manqué à son devoir d'information quant au risque de complication infectieuse qui s'est réalisé, il résulte de l'instruction que ce manquement, compte tenu de l'état quasi-impotent du patient à raison du caractère extrêmement invalidant des lombalgies dont il souffrait et qui justifiait, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'indication de l'arthrodèse, et alors que le risque d'infection nosocomiale est inhérent à tout acte médical et à toute hospitalisation, eu égard à la probabilité qu'informé de ce risque, il eût renoncé pour ce motif à toute intervention, ne lui a fait perdre aucune chance de s'y soustraire, y compris dans l'hypothèse où il aurait renoncé à l'indication thérapeutique de l'arthrodèse au profit de la chirurgie de décompression. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon n'a pas retenu l'existence d'une perte de chance de se soustraire à l'infection nosocomiale qui s'est réalisée.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le préjudice d'impréparation :

8. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

9. Les requérants reprochent aux premiers juges de n'avoir condamné les Hospices civils de Lyon à indemniser M. A... du préjudice d'impréparation résultant du défaut d'information quant au seul risque infectieux, sans envisager la perte de chance de renoncer à l'arthrodèse. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment le tableau clinique du patient a conduit le chirurgien à retenir cette indication thérapeutique seule à même de soulager les lombalgies invalidantes à l'origine de ses troubles à la marche. Dans ces conditions, c'est par une juste appréciation que le tribunal administratif de Lyon a fixé l'indemnité due au patient au titre de sa souffrance morale en réparation du préjudice d'impréparation causé par le manquement fautif de l'établissement hospitalier à son obligation d'information quant au risque infectieux qui s'est réalisé, à la somme de 2 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

10. Le tribunal administratif de Lyon a retenu un montant de frais d'assistance par tierce personne non spécialisée à compter de la date de retour du patient à son domicile, le 10 mai 2016 jusqu'au 1er juin 2017, à raison de deux heures hebdomadaires, calculé sur la base d'un montant horaire égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des cotisations sociales, soit 13,54 euros pour l'année 2016 et 13,66 euros pour l'année 2017, sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés. Dans ces conditions, les frais d'assistance par tierce personne accordés s'élèvent, pour les frais temporaires durant 236 jours du 10 mai 2016 au 31 décembre 2016, à 1 030,55 euros, et, pour les frais permanents durant 152 jours du 1er janvier 2017 au 1er juin 2017, à 669,62 euros. Les requérants se prévalant de l'erreur de plume, au demeurant relevée par les premiers juges, que comporte le rapport d'expertise, entaché sur ce point d'une erreur matérielle, qui mentionne une aide journalière de deux heures. Toutefois, en se bornant, en appel, à soutenir qu'il appartenait aux juges du fond d'en demander la rectification aux auteurs du rapport, les requérants ne contestent pas sérieusement le bien-fondé du calcul retenu dans le jugement attaqué. Il résulte de l'instruction que le besoin a d'ailleurs été quantifié aux regard des dires du conseil des requérants lors des opérations d'expertise.

11. S'agissant des frais d'aménagement du domicile, les requérants font grief aux premiers juges de ne pas les avoir retenus alors qu'ils étaient envisagés par les conclusions de l'expertise. Toutefois, il résulte de la lecture même du jugement attaqué, que pour rejeter la demande d'indemnisation de ce chef de préjudice, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que l'aménagement de la salle de bain et des toilettes du domicile ne pouvait avoir été rendu nécessaire par le déficit fonctionnel permanent de 5 % occasionné par l'infection nosocomiale. Outre l'absence de lien de causalité établi entre le dommage et les aménagements, les requérants ne justifient pas de la dépense dont ils réclament l'indemnisation. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à contester le rejet de leur demande d'indemnisation de ce poste de préjudice.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

12. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire de M. A..., le tribunal administratif de Lyon, partant de ce qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, que l'infection nosocomiale a généré, après déduction des périodes de déficit qui auraient découlé des suites non pathologiques de l'intervention chirurgicale, un déficit fonctionnel temporaire total sur une période de 26 jours, du 15 avril au 10 mai 2016, puis partiel à 50 % du 11 mai au 15 juillet 2016 soit 66 jours, à 25 % du 16 juillet au 26 septembre 2016 soit 73 jours, et enfin 10 % du 27 septembre au 31 décembre 2016, date de consolidation, soit 96 jours, à raison d'un montant indemnitaire de 15 euros par jour de déficit total, a fixé l'indemnisation du préjudice subi au titre du déficit fonctionnel temporaire de M. A... à la somme 1 302,75 euros. Les requérants se bornent à réclamer une indemnité supérieure sans en justifier.

13. S'agissant des souffrances endurées par le patient à raison de l'infection nosocomiale, évaluée à 4 sur une échelle de 7 selon le rapport d'expertise, c'est sans commettre d'erreur que le tribunal administratif de Lyon les a évaluées à la somme de 7 200 euros. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A... n'a été privé d'aucune chance d'y échapper à raison du manquement non contesté au devoir d'information quant au risque infectieux qui s'est réalisé, et dans la mesure où il n'aurait renoncé ni au principe de l'intervention chirurgicale, ni à l'indication thérapeutique de l'arthrodèse, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le montant d'indemnisation retenu par les premiers juges serait insuffisant.

14. Les premiers juges ont justement décidé que le préjudice esthétique temporaire occasionné par l'infection nosocomiale, évalué à 3 sur une échelle de 7 par les experts, justifiait l'octroi d'une indemnité, pour la période avant consolidation, de 2 000 euros.

15. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'indication thérapeutique de l'arthrodèse n'était pas fautive et que l'opération chirurgicale a été, selon les experts, réalisée dans les règles de l'art, en sorte qu'aucune atteinte fonctionnelle n'est imputable à la technique chirurgicale mise en œuvre. Dans ces conditions et dans la mesure où, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise que le déficit fonctionnel permanent strictement imputable à l'infection s'établit à 5 %, les premiers juges étaient fondés à condamner les hospices civils de Lyon à verser à ce titre à M. A..., âgé de 81 ans à la date de consolidation, une somme de 5 000 euros.

16. Le préjudice esthétique permanent en lien avec l'infection, évalué par les experts à 1 sur une échelle de 7, c'est par une juste appréciation de la réparation due à ce titre que les premiers juges ont accordé à M. A... une indemnité de 1 000 euros.

17. M. A..., qui ne démontre pas la pratique d'une activité sportive ou de loisir particulière avant l'accident médical dont il est demandé réparation, n'est pas fondé à soutenir que du fait des atteintes fonctionnelles, ne pouvant plus s'adonner à l'activité de promenade, il justifierait de l'existence d'un préjudice d'agrément, distinct du déficit fonctionnel, justifiant du versement d'une indemnité à ce titre.

En ce qui concerne les préjudices de Mme A... :

18. Les requérants soutiennent que, eu égard à l'âge du patient, la réparation allouée en première instance apparaît purement symbolique et est sans rapport avec le préjudice moral subi par Mme A.... Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection et du préjudice d'accompagnement de l'épouse de la victime en accordant à Mme A... une indemnité de 1500 euros.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité l'indemnisation du préjudice d'affection et du préjudice d'accompagnement de Mme A... à la somme de 500 euros, ce montant devant être porté à 1 500 euros.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon le versement à M. et Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens de la présente instance, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser une somme de 1 500 euros à Mme A... en réparation de ses préjudices d'affection et d'accompagnement.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 27 octobre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les Hospices civils de Lyon verseront à M. et Mme A..., au titre de l'instance d'appel, une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et Mme C... A..., aux Hospices civils de Lyon et à la Mutuelle générale de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président-assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.

La rapporteure,

E. Conesa-Terrade

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière

2

N° 20LY03764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03764
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier - Existence d'une faute - Manquements à une obligation d'information et défauts de consentement.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier - Absence de faute.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier - Absence de faute - Information et consentement du malade.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public - Choix thérapeutique.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : GEORGES MAURY - ANTOINE MAURY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-03;20ly03764 ?
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