La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2022 | FRANCE | N°20LY02168

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 03 mai 2022, 20LY02168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le Collectif de défense de l'hôpital de Die, association représentée par son président en exercice dûment habilité pour ester en justice, a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur du centre hospitalier de Die sur sa mise en demeure du 28 novembre 2017 tendant à ce que celui-ci demande le renouvellement de l'autorisation de fonctionnement des activités de gynécologie-obstétrique et de chirur

gie de l'hôpital de Die accordée par le directeur de l'Agence régionale de san...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le Collectif de défense de l'hôpital de Die, association représentée par son président en exercice dûment habilité pour ester en justice, a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur du centre hospitalier de Die sur sa mise en demeure du 28 novembre 2017 tendant à ce que celui-ci demande le renouvellement de l'autorisation de fonctionnement des activités de gynécologie-obstétrique et de chirurgie de l'hôpital de Die accordée par le directeur de l'Agence régionale de santé de la région Auvergne-Rhône-Alpes jusqu'au 31 décembre 2017.

Par un jugement n° 1801892 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision née le 29 janvier 2018 et enjoint au directeur du centre hospitalier de Die de procéder à un nouvel examen de la réclamation présentée par le Collectif de défense de l'hôpital de Die dans un délai de trois mois.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 août 2020, le centre hospitalier de Die, représenté par Me Francia, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes du Collectif de défense de l'hôpital de Die ;

3°) de mettre à la charge du Collectif de défense de l'hôpital de Die une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'insuffisance de motivation et d'omission à statuer ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit et d'une dénaturation des conclusions des parties ;

- la demande de première instance était irrecevable, la décision du directeur du centre hospitalier de ne pas solliciter le renouvellement des autorisations d'activités de soins constituant une mesure d'organisation du service, ne faisant pas grief et par conséquent, étant insusceptible de recours devant la juridiction administrative ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a retenu l'existence d'un vice de procédure ; le directeur du centre hospitalier est seul compétent pour demander le renouvellement des autorisations d'activités depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ; l'avis du conseil de surveillance n'est pas requis s'agissant du dépôt d'une demande de renouvellement d'une autorisation arrivant à son terme en vertu des dispositions de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique ;

- la concertation prévue à l'article L. 6143-7 du code de la santé publique qui se déroule à l'initiative et selon les modalités définies par le directeur, président du directoire, a eu lieu et le directeur a associé à sa décision la commission médicale d'établissement qui s'est montrée favorable à la fermeture de la maternité et de la chirurgie de l'établissement ;

- à la date à laquelle est née la décision implicite attaquée, les services de gynécologie-obstétrique et de chirurgie étaient fermés, en sorte que les autorisations échues ne pouvaient faire l'objet d'une demande de renouvellement, laquelle était tardive, mais seulement d'une nouvelle demande d'autorisation ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée est inopérant, la décision attaquée n'entrant pas dans le champ d'application du code des relations entre le public et l'administration ;

- les moyens tirés de l'irrégularité du SROS et de l'incompatibilité de la décision avec celui-ci, de la violation des règles applicables au service public hospitalier et du droit international relatif au droit de la santé, de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut de bien-fondé de la décision ne sont pas fondés, les effectifs de la maternité et les conditions de fonctionnement et de sécurité ne permettaient pas d'assurer la qualité des soins ;

- les conclusions aux fins d'injonction ne peuvent être accueillies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2021, le Collectif de défense de l'hôpital de Die conclut au rejet de la requête et demande :

1°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Die de déposer sans délai la demande complète de renouvellement d'autorisation de fonctionnement des services de maternité et de chirurgie de l'hôpital de Die incluant le rapport d'évaluation visé par l'article L. 6122-5 du code de la santé publique avec une astreinte de 300 euros par jour de retard auprès de l'Agence Régionale de la Santé ;

2°) d'enjoindre au directeur de l'Agence régionale de santé de délivrer une autorisation de fonctionnement pour les services de gynécologie-obstétrique et de chirurgie du Centre hospitalier de Die avec une astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'Agence régionale de santé de faire publier sans délai les offres de postes correspondants aux besoins de fonctionnement de ces services avec une astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) en toute hypothèse, de condamner le centre hospitalier de Die à verser au Collectif de défense de l'hôpital de Die la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que :

- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé ;

- refuser de solliciter le renouvellement d'une autorisation de fonctionnement d'un service de maternité et de chirurgie est une décision qui fait grief ;

- la décision de ne pas solliciter une demande de renouvellement d'autorisation de fonctionnement des services a directement conduit à la fermeture de services capitaux dans un territoire isolé de montagne ce qui a des conséquences graves et irréparables

- cette décision a une incidence directe et radicale sur le parcours de soin des usagers du centre hospitalier de Die, une privation d'accès immédiat aux soins ; refuser de solliciter le renouvellement d'une autorisation de fonctionnement d'un service de maternité et de chirurgie ne saurait être discrétionnaire ;

- les décisions en matière de santé sont encadrées par des documents d'orientation supérieurs et opposables et notamment par le Schéma Régional d'Orientation Sanitaire dont il y a lieu de vérifier le respect ou encore par des conventions de droit international d'effets directs ;

- tant la nature du refus de solliciter le renouvellement d'une autorisation de fonctionnement de services que l'importance et la gravité de ses effets rendent recevable le recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la décision contestée ; la fin de non-recevoir opposée doit être écartée ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure faute de consultation pour avis en amont du conseil de surveillance et de concertation avec le directoire de l'établissement ;

- la décision n'est pas motivée ;

- le schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 1434-3 du code de la santé publique ;

- à titre subsidiaire, la décision attaquée n'est pas compatible avec le SROS dès lors qu'elle a pour effet d'engorger des maternités déjà saturées, que le renforcement des soins urgents n'a pas été opéré et que l'efficience de transports sécurisés n'est pas assurée pour les patients qui seront redirigés vers les autres maternités et services de chirurgie ;

- elle méconnaît les règles de continuité et d'égalité d'accès aux soins prévues par l'article L. 6112-1 du code de la santé publique ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 12 et 14 de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 11 de la Charte sociale européenne ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'éloignement des autres maternités, de l'absence de dispositif effectif de substitution, de l'existence de candidatures de praticiens hospitaliers, de l'absence de problèmes de sécurité avérés et de l'absence de diminution réelle du nombre d'accouchement au sein du centre hospitalier de Die ;

- les motifs avancés pour justifier cette décision ne sont pas fondés ;

- les autorisations de fonctionnement des activités de gynécologie-obstétrique et de chirurgie auraient dû être sollicitées sur le fondement de l'article R. 6123-50 du code de la santé publique ;

- l'Agence régionale de santé et le centre hospitalier de Die ne sauraient se prévaloir, à ce sujet, de leur ignorance quant à la possible survenue de tels accidents imputables à la trop grande distance séparant la population dioise d'un centre hospitalier doté d'une maternité ou d'une chirurgie.

Par un mémoire enregistré le 17 juin 2021, l'Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes conclut à l'annulation du jugement et au rejet des demandes présentées par le Collectif de défense de l'hôpital de Die.

Elle expose que :

- le jugement est entaché d'insuffisance de motivation et d'omission à statuer ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit et d'une dénaturation des conclusions des parties ;

- la demande de première instance était irrecevable, l'injonction de solliciter le renouvellement des autorisations d'activité ne pouvant être exécutée, dès lors qu'à la date d'introduction de la demande par le collectif, les autorisations étaient échues ;

- il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction ;

- c'est à tort que le jugement a rattaché la fermeture des services à la politique d'amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques, ainsi que des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers ;

- la décision de demander le renouvellement des autorisations relève de la seule compétence du directeur du centre hospitalier ;

- c'est à tort que le jugement a retenu l'existence d'un vice de procédure ; le jugement est entaché d'erreur de droit ;

- la décision est fondée ;

- en exécution du jugement, en l'absence d'effet suspensif de l'appel, le directeur du centre hospitalier a consulté outre le conseil de surveillance, l'ensemble des instances internes, à savoir le directoire, la commission médicale d'établissement, la commission des soins, le comité technique d'établissement, ainsi que la commission des usagers, entre le 14 et le 30 septembre 2020, qui se sont prononcés favorablement pour que le directeur ne demande pas le renouvellement des autorisations en cause ; le conseil de surveillance s'est prononcé à la majorité pour ne pas demander le renouvellement des autorisations au regard du projet d'établissement du centre hospitalier de Die et de la structuration de la prise en charge des parturientes mise en œuvre depuis trois ans ;

- les moyens soulevés par le collectif demandeur ne sont pas fondés ;

- les conclusions aux fins d'injonction présentées par le collectif de défense de l'hôpital de Die doivent être rejetées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le pacte international de New York relatif aux droits économiques sociaux et culturels ;

- la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ;

- la charte sociale européenne ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Grosjean, représentant le centre hospitalier de Die, et celles de M. Leeuwenberg, président du Collectif de défense de l'Hôpital de Die, pour cette association.

Une note en délibéré présentée pour le centre hospitalier de Die a été enregistrée le 25 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, le centre hospitalier de Die relève appel du jugement du 7 juillet 2020, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé la décision implicite de rejet née le 29 janvier 2018 du silence gardé par son directeur en réponse à la demande adressée le 28 novembre 2017 par le Collectif de défense de l'hôpital de Die, le mettant en demeure de solliciter le renouvellement de l'autorisation d'activité de soins de gynécologie-obstétrique et de chirurgie accordée à cet établissement hospitalier jusqu'au 31 décembre 2017 par le directeur de l'Agence régionale de santé Auvergne Rhône-Alpes par un arrêté n° 2016-1202 du 17 juin 2016 et, d'autre part, enjoint à son directeur de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par le Collectif de défense de l'hôpital de Die dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 6122-2 du code de la santé publique, dans sa version issue de la loi n° 2016-41du 26 janvier 2016 applicable à l'espèce, l'autorisation de l'agence régionale de santé à laquelle sont soumis, en application de l'article L. 6122-1 du même code, les projets de création des activités de soins dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, " (...) est accordée lorsque le projet : 1° Répond aux besoins de santé de la population identifiés par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-2 et L. 1434-6 ; 2° Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma ; 3° Satisfait à des conditions d'implantation et à des conditions techniques de fonctionnement. Des autorisations dérogeant aux 1° et 2° peuvent être accordées à titre exceptionnel et dans l'intérêt de la santé publique après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire. (...) ".

3. L'article L. 6122-5 du même code prévoit que : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 est subordonnée au respect d'engagements relatifs, d'une part, aux dépenses à la charge de l'assurance maladie ou au volume d'activité et, d'autre part, à la réalisation d'une évaluation dans des conditions fixées par décret. (...) ". Aux termes de l'article L. 6122-7 de ce code : " L'autorisation peut être assortie de conditions particulières imposées dans l'intérêt de la santé publique (...) ". L'article L. 6122-8 prévoit que l'autorisation est donnée pour une durée déterminée, fixée par voie réglementaire et que les titulaires d'autorisation devront obtenir le renouvellement de leur autorisation dans les conditions prévues à l'article L. 6122-10. Aux termes de l'article L. 6122-9 du même code : " L'autorisation d'activités ou d'équipements relevant d'un schéma régional est donnée ou renouvelée par l'agence régionale de santé après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 6122-10 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n 2010-177 du 23 février 2010, applicable à l'espèce : " Le renouvellement de l'autorisation est subordonné au respect des conditions prévues à l'article L. 6122-2 et L. 6122-5 et aux résultats de l'évaluation appréciés selon des modalités arrêtées par le ministre chargé de la santé./ Il peut également être subordonné aux conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 6122-7./ Le titulaire de l'autorisation adresse les résultats de l'évaluation à l'agence régionale de santé au plus tard quatorze mois avant l'échéance de l'autorisation./ Au vu de ce document et de la compatibilité de l'autorisation avec le schéma d'organisation des soins, l'agence régionale de santé peut enjoindre au titulaire de déposer un dossier de renouvellement dans les conditions fixées à l'article L. 6122-9./ A défaut d'injonction un an avant l'échéance de l'autorisation, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 6122-9, celle-ci est tacitement renouvelée. L'avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire n'est alors pas requis. ".

4. Aux termes de l'article L. 6143-1 du code de la santé publique, dans sa version issue de la loi n° 2016-41du 26 janvier 2016 applicable à l'espèce, : " Le conseil de surveillance se prononce sur la stratégie et exerce le contrôle permanent de la gestion de l'établissement. Il délibère sur : 1° Le projet d'établissement mentionné à l'article L. 6143-2 ; (...) Il donne son avis sur : - la politique d'amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques ainsi que les conditions d'accueil et de prise en charge des usagers ; (...) Le conseil de surveillance communique au directeur général de l'agence régionale de santé ses observations sur le rapport annuel présenté par le directeur et sur la gestion de l'établissement. A tout moment, le conseil de surveillance opère les vérifications et les contrôles qu'il juge opportuns et peut se faire communiquer les documents qu'il estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission. (...) ". Aux termes de l'article L. 6143-7 du même code : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement. Le directeur est compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles énumérées aux 1° à 15° et autres que celles qui relèvent de la compétence du conseil de surveillance énumérées à l'article L. 6143-1. Il participe aux séances du conseil de surveillance. Il exécute ses délibérations. Le directeur dispose d'un pouvoir de nomination dans l'établissement. (..) Après concertation avec le directoire, le directeur : 2° Décide, conjointement avec le président de la commission médicale d'établissement, de la politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers ; (...) ".

5. Il incombe au directeur de l'établissement de santé, en charge de la politique générale de l'établissement, de solliciter pour le compte de celui-ci, la délivrance ou le renouvellement d'une autorisation d'activités de soins relevant du schéma régional, accordée par l'agence régionale de santé après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire. Il résulte de l'article L. 6122-9 précité du code de la santé publique que la demande de renouvellement de l'autorisation d'activités par son titulaire, le cas échéant, sur injonction de l'agence régionale de santé en application du quatrième alinéa de l'article L. 6122-10 du code de la santé publique et dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 6122-27, adressée au directeur général de l'agence, au cours de périodes déterminées par voie réglementaire par l'article R. 6122-29, est accordée après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire. L'article L. 6122-10 précité, prévoit que le renouvellement est subordonné au respect des conditions prévues à l'article L. 6122-2 et L. 6122-5 et aux résultats de l'évaluation appréciées selon les modalités arrêtées par le ministre de la santé. Le cinquième alinéa de l'article L. 6122-2 du code de la santé publique prévoit qu'à titre exceptionnel des autorisations soient accordées dérogeant aux conditions prévues au 1° et 2° de cet article en termes de compatibilité avec les objectifs fixés par le schéma régional d'organisation sanitaire et les besoins de santé de la population identifiés par le schéma régional d'organisation sanitaire.

6. Pour annuler la décision en litige les premiers juges ont d'abord écarté la fin de non-recevoir opposée en défense tirée du caractère de mesure d'ordre intérieur de la décision contestée. Relevant que le défaut de demande de renouvellement des autorisations d'exercice des activités de soins de chirurgie et gynécologie-obstétrique en hospitalisation complète accordée jusqu'au 31 décembre 2017 impliquaient la fermeture des services hospitaliers correspondants à compter du 1er janvier 2018, les premiers juges en ont déduit que la décision implicite de rejet de la demande du Collectif de défense de l'hôpital de Die enjoignant au directeur de l'établissement hospitalier de déposer un dossier de demande tendant au renouvellement des autorisations des activités de soins faisait grief au personnel de l'établissement de santé ainsi qu'aux tiers.

7. Pour accueillir le moyen soulevé devant lui par le demandeur, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la combinaison des dispositions précitées des articles L. 6143-1 et L. 6143-7 du code de la santé publique en vertu de laquelle le directeur de l'établissement de santé décide, conjointement avec le président de la commission médicale d'établissement, après concertation avec le directoire et consultation du conseil de surveillance, de la politique d'amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques ainsi que des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers. Il en a déduit que le directeur de l'établissement hospitalier ne pouvait, sans entacher sa décision d'un vice de procédure, décider de ne pas solliciter auprès de l'agence régionale de santé le renouvellement des autorisations d'activité de soins de chirurgie et gynécologie-obstétrique en hospitalisation complète dont l'établissement était titulaire, sans consultation préalable du conseil de surveillance et concertation avec le directoire, et que cette omission avait été de nature à priver tant les patients que le personnel du centre hospitalier de Die d'une garantie. Il en a déduit que, pour ce seul motif, le Collectif de défense de l'Hôpital de Die était fondé à solliciter l'annulation pour excès de pouvoir de la décision née le 29 janvier 2018.

8. Toutefois, il ne résulte pas des dispositions applicables en la matière du code de la santé publique que la procédure par laquelle l'établissement hospitalier, titulaire d'une autorisation d'exercice d'activité de soins accordée par l'agence régionale de santé, sollicite ou renonce à solliciter le renouvellement de l'autorisation d'exercice des activités de soins dont il est titulaire implique que son directeur soumette préalablement cette décision à l'approbation du directoire et du conseil de surveillance. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que la situation fragile de ces activités de soins au sein de l'établissement hospitalier a été abordée à de nombreuses reprises tant devant le conseil de surveillance que devant le directoire depuis 2005, la circonstance, à la supposer établie, que le conseil de surveillance n'aurait été ni informé, ni consulté et qu'aucune concertation avec le directoire n'aurait été organisée préalablement à la décision de ne pas solliciter le renouvellement des autorisations de soins en litige, cette circonstance ne saurait avoir privé les patients ou le personnel de l'établissement, d'une garantie. Le moyen d'annulation retenu par les premiers juges doit par suite être écarté.

9. Saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu pour la cour d'examiner les autres conclusions et moyens soulevés en première instance et en appel.

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

10. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée doit être regardée non comme étant la décision implicite de rejet de la demande adressée par le collectif de défense du centre hospitalier de Die, mais la décision par laquelle le directeur du centre hospitalier a renoncé à solliciter pour le compte du centre hospitalier de Die à solliciter le renouvellement des autorisations accordées par l'agence régionale de santé des activités de soins de chirurgie et de gynécologie-obstétrique en hospitalisation complète, arrivées à échéance le 31 décembre 2017.

11. Il ressort des pièces du dossier que le maintien des activités de soins de maternité de type I et de chirurgie du Centre hospitalier de Die était discuté depuis de nombreuses années. Il ressort en effet des pièces du dossier que les autorisations d'exercer les activités de maternité de type I et de chirurgie en hospitalisation complète accordées au centre hospitalier de Die n'ont été renouvelées à partir de l'année 2005 qu'à titre dérogatoire, sur injonction du directeur général de l'agence régionale de santé, malgré l'incompatibilité avec les objectifs du schéma régional d'organisation sanitaire en termes d'objectifs opérationnels de volume d'activité, de continuité et de sécurité des soins, les constats de non-conformité par rapport aux normes de fonctionnement en vigueur, la méconnaissance des conditions d'autorisation d'exercice des activités de soins prévues par la législation du code de la santé publique en matière de sécurité et de qualité des soins. Le requérant fait valoir que le maintien de l'autorisation de gynécologie-obstétrique pendant plus de dix ans, en dépit du non-respect des conditions techniques de fonctionnement des services, était motivé par la volonté de rechercher toutes les conditions visant à organiser une prise en charge des parturientes de manière sécurisée en partenariat avec un établissement disposant d'une autorisation ad hoc. Le maintien de la chirurgie résulte quant à lui de la seule nécessité de garantir la sécurisation de l'activité de gynécologie-obstétrique. Le renouvellement des autorisations d'activités de soins du centre hospitalier de Die a ainsi permis en l'absence de dispositif d'accès aux soins urgents de bénéficier d'une sécurité minimale. Les dérogations temporaires accordées devaient permettre au centre hospitalier de Die de consolider sa situation ou, à défaut de confirmer la nécessité de mettre en place une nouvelle organisation territoriale.

12. Il ressort des pièces du dossier que le dernier renouvellement des autorisations d'activités de soins de gynécologie-obstétrique et de chirurgie arrivant à échéance le 31 décembre 2017, a ainsi été accordé à titre dérogatoire par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé du 17 juin 2016, pour une durée de dix-huit mois, ce délai devant être mis à profit par l'établissement hospitalier pour rechercher, notamment dans le cadre de la mise en place d'opération de coopération comme le groupement hospitalier de territoire, des solutions durables aux points de fragilité identifiés quant aux modalités de fonctionnement. Dans ces conditions, prenant acte de l'aggravation avérée des problèmes de sécurité posés par la situation particulièrement fragile des autorisations de soins de gynécologie-obstétriques et de chirurgie, la première ne satisfaisant pas aux conditions techniques de fonctionnement au regard des impératifs de sécurité notamment en matière d'effectifs hospitaliers, l'autre étant incompatible avec les objectifs du schéma régional d'organisation sanitaire, et en l'absence d'injonction de l'agence régionale de santé, c'est sans erreur d'appréciation, ni excès de pouvoir que le directeur du centre hospitalier de Die n'a pas sollicité le renouvellement des autorisations dont l'établissement était titulaire jusqu'au 31 décembre 2017. Par suite, le moyen tiré du caractère infondé de la décision contestée doit être écartée comme manquant en fait.

13. Si l'article L. 1434-3 du code de la santé publique dispose que le schéma régional d'organisation sanitaire " comporte, le cas échéant, un volet consacré aux besoins de santé spécifiques des populations des zones de montagne, notamment en termes d'accès aux soins urgents et d'évacuation des blessés, et tenant compte des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières de ces territoires ", la circonstance que le schéma régional d'organisation sanitaire ne comporte pas un tel volet est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité du schéma régional d'organisation sanitaire doit, en tout état de cause, être écarté.

14. Enfin, compte tenu de la situation des services concernés, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels, celles des articles 12 et 14 de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et les dispositions de l'article 11 de la charte sociale européenne ne sont, en tout état de cause, pas établis.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de l'irrecevabilité de la demande, que le centre hospitalier de Die est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite née le 29 janvier 2018 et prononcé une injonction de réexamen de la demande du Collectif de défense de l'hôpital de Die.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Die qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse au Collectif de défense de l'hôpital de Die une quelconque somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du Collectif de défense de l'hôpital de Die la somme demandée par le centre hospitalier de Die et l'Agence régional de santé au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801892 du tribunal administratif de Grenoble en date du 7 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La demande et les conclusions du Collectif de défense de l'hôpital de Die sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier de Die est rejeté.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par l'Agence régionale de santé est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Die, au Collectif de défense de l'hôpital de Die et au ministre de la santé. Copie en sera adressée au directeur général de l'agence régionale de santé.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président-assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.

La rapporteure,

E. Conesa-Terrade

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02168
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-06-01 Santé publique. - Établissements publics de santé. - Organisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CABINET AKILYS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-03;20ly02168 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award